Salle comble au Parvis de Pau, où François Bayrou présentait vendredi dernier son dernier livre « De la vérité en politique », l’occasion d’exposer ses vérités sur le mal qui ronge selon lui la société politique française.
C’est à travers le filtre de l’histoire politique des trois dernières décennies que François Bayrou analyse le mensonge quasiment institutionnalisé des élites politiques qui ont été successivement au pouvoir dans notre pays.
L’origine ? Elle remonte, d’après l’auteur, à 1995, où J. Chirac, prêt à tout pour gagner, reprend le concept de « fracture sociale ». Une fois à l’Elysée, il dépense tout d’abord, puis revient en arrière quelques mois plus tard sous le poids des réalités économiques, avec le Plan Juppé. Celui-ci est courageux mais va à l’encontre des promesses de campagne. Puis, plus récemment, F. Bayrou rappelle la campagne de 2012, où il renvoie dos à dos un F. Hollande qui prétendait qu’il suffisait de changer de Président pour que les problèmes soient réglés et un N. Sarkozy qui proclamait que les efforts étaient faits et que de nouveaux d’impôts n’étaient pas nécessaires.
Depuis lors, face au délitement progressif de la situation du pays (dont l’auteur veut croire qu’il est rattrapable), la première des choses à faire consiste selon lui à admettre plusieurs vérités :
Le pouvoir qui, avec nos institutions, se donne en une seule élection (constat renforcé depuis le raccourcissement du mandat présidentiel à 5 ans). Il y a donc une tentation à dire aux électeurs ce qu’ils veulent entendre et non ce qu’il faudrait faire. Donc un évitement face à la vérité, pas toujours facile à exprimer et à accepter (surtout quand elle réclame des sacrifices).
La tentation des candidats est donc : « disons ce qu’il faut pour gagner, et après, on verra ».
L’indispensable diagnostic de la situation en profondeur à faire au préalable, avant de proposer des remèdes au pays, en ayant conscience que les sondages sont le plus mauvais guide pour l’action politique.
La puissance d’internet qui fait qu’aujourd’hui les simples citoyens disposent d’autant d’informations que les leaders (et ils d’ailleurs plus de temps que ces derniers pour traquer sur la Toile promesses mensongères, déclarations passées et faits objectifs). On ne peut donc plus continuer à gouverner en mentant, d’où l’éclatement de la « culture des illusions ».
Le fait que les minorités politiques (en dehors des deux partis dominants) ne soient pas représentées à l’Assemblée Nationale sans être prisonnier de ces derniers enlève tout intérêt au débat parlementaire et aboutit à un scandale démocratique
La nécessité de concentrer tous les efforts sur la production nationale
L’obligatoire assainissement des finances publiques (la charge annuelle de la dette enlevant 2.000€ à chaque foyer Français). Aucun pays ne pouvant survivre par la dette, il passe surtout par l’augmentation des ressources, la meilleure gestion, l’arrêt du gaspillage de l’argent public (cf l’affaire du Crédit Lyonnais où l’Etat à « distribué » 460 millions d’$ à B. Tapie).
De cet ouvrage, qualifié par l’interviewer N. Belit, d’« exposé doctrinal, plaidoyer pro-domo et programme politique » on retiendra également la référence à Baldwin (Premier ministre britannique élu en 1934 en niant la nécessité du réarmement, pour aller dans le sens d’une opinion pacifiste). La comparaison avec Churchill (qui, détesté, mène seul le combat du courage) montre la frontière entre un homme politique et un homme d’Etat. Celle à De Gaulle qui n’a jamais fait passer la tactique avant les grands choix stratégique du pays (mais il pouvait s’appuyer sur des secteurs industriels forts). Le rappel de la politique courageuse (subie plutôt que voulue) menée par Schröder en Allemagne à la tête d’un gouvernement d’union. Et la réaffirmation que le mal vient de ce que nous ne produisons plus en France, pour preuve le déficit abyssal du commerce extérieur (70 Mds $ pour 2012 et une dégringolade accrue pour le début de 2013, à l’opposé des voisins de la France.
Intéressant, le plaidoyer pour un Etat fort (stratège et planificateur, pas à la soviétique mais plutôt comme un entraîneur stratégique et non un facteur de blocage conservateur comme aujourd’hui). Ou encore la réaffirmation de son choix pour la liberté d’entreprendre, la nécessité de simplifier la bureaucratie, de diminuer le nombre de parlementaires, d’instaurer une dose de proportionnelle aux élections législatives dont il attend un apaisement du débat (tous les leaders pouvant s’exprimer dans leur cadre de l’Assemblée)
Par contre, comment augmenter les ressources du pays, telle est la question centrale… Si on comprend bien l’utilité d’un Etat rassemblant les bonnes volontés pour cet objectif, cela suffirait il ?
Puis le Béarnais est revenu sur son appel à voter Hollande au 2ème tour des présidentielles par l’obligation de faire un choix clair (après le vote blanc de 2007), la conviction que le Président sortant exacerbait les antagonismes pour des raisons électorales, et la volonté de voir la gauche se confronter au réalités du pouvoir pour la régénérer et la voir arrêter d’être le principal obstacle aux réformes. F. Bayrou en attend un progrès spectaculaire pour le pays, mais pour autant, il ne croit pas beaucoup aux alliances possibles. Pour lui, il faudrait au Président actuel le caractère, le courage et l’audace d’affronter sa campagne passée, sa majorité et le PS pour franchir des frontières qui ne l’ont jamais été. Mais il y a selon l’auteur un besoin de renouvellement complet…
Enfin, affirmant que la fracture entre gauche social démocrate et gauche radicale est « déjà actée », le Président du MoDem a conclu en citant quelques personnalités (de droite comme de gauche) qu’il verrait bien participer à un gouvernement d’union nationale, telles F. Baroin, G. Collomb, F. Rebsammen, A. Juppé, F. Fillon … et lui-même …
L’essentiel est pour lui la volonté de transgresser les barrières, le reste n’étant ensuite pas si difficile.
On partagera – ou pas – les thèses de l’auteur, mais il faut bien reconnaître qu’en ces temps de tension politique et sociale, l’avenir est encore à écrire…
– par le Masque de Pau
« …Ou encore la réaffirmation de son choix pour la liberté d’entreprendre, la nécessité de simplifier la bureaucratie, de diminuer le nombre de parlementaires, d’instaurer une dose de proportionnelle aux élections législatives dont il attend un apaisement du débat (tous les leaders pouvant s’exprimer dans leur cadre de l’Assemblée).. »
Attention à ne pas revenir à France des partis propre à la 4° République.. Elle faisait la part belle aux petits groupes qui feraient aujourd’hui basculer les votes de l’assemblée et rendraient impuissante la direction du pays. Mais c’est peut-être aussi une chance pour F.Bayrou dont le « centre » fantomatique pourrait alors jouer des coudes.
François Bayrou a de bonnes idées, mais comme tous ses congénères de la classe politique française elles ne résistent pas devant leur ambition effrénée du pouvoir (j’espère que FB se cite dans son livre…)
Regardons comme son discours est à géomètrie variable. Je cite FB dans l’emission « Des paroles et des actes » (« Bayrou apprend l’arithmétique » AP du 12/01/2012:
« il faut redresser les comptes de 100 milliards d’euro, 50 milliards de coupes budgétaires et 50 milliards d’impôts supplémentaires, ceci en deux ans… »
« Les dépenses de la nation budget de l’Etat et dépenses sociales doivent être diminuées de 5% » soit 50 milliards sur un total de 1050″
Aujourd’hui, un an après, inflexion sévère du cap, confirmé dans son emission d’hier soir « C Politique » on ne parle plus des économies drastiques nécessaires (c’est pas trop porteur…en plus FB enfle telle la grenouille suite à un sondage qui le verait bien premier ministre…) il faut produire plus, et francais bien sûr.. ça c’est un trait de génie…YAKA…
On ne peut que signer à deux mains ou à peu près les attendus de ce constat. De là à croire M Bayrou lorsqu’il nous dit être capable de relever le défi et d’en tirer les conséquences il y a encore un peu de chemin à faire. Car on n’ effacera pas de si tôt de nos mémoires les longues années d’ inefficience ministérielle ou plus généralement politique dont il nous a faits les témoins. Alors Bayrou, commentateur ou acteur ? Thinker ou Doer ? Se poser la question c’est déjà y répondre.