Géothermie à Lons: Un projet de recherche de fonds (2)


 Lons installJ’ai essayé dans l’article précédent de faire le point sur le projet de puits géothermique à Lons (Un projet de recherche de fonds (1)) . On a vu que ce projet pose un grand nombre de problèmes techniques. Pour obtenir un avis technico-économique sur ce projet, il m’a semblé pertinent d’interroger « l’Amicale des foreurs et des Métiers du Pétrole », très active sur notre site, pour la défense des activités de forage, et en particulier depuis quelques mois sur le débat concernant les gaz de schiste.

C’est Jean Tag qui a été désigné par le Président de l’Amicale et qui répond à mes questions. Sa compétence en matière de forage et d’exploitation des puits, en particulier ceux de la région (Lacq et Meillon) est incontestable. Jean Tag, expert forage de SNPA et Elf Aquitaine, a foré nombre de puits de la région et a été , entre autres, responsable de l’Exploitation des gisements de Lacq et Meillon/Saint Faust.

DS – Le projet géothermique de Lons est basé sur la réalisation d’un puits que l’on peut qualifier d’exceptionnel par sa profondeur, sa taille, et la complexité de sa réalisation au niveau du réservoir avec un drain horizontal et un deuxième drain qui intercepte le premier. Avez vous avec Elf Aquitaine réalisé des puits de ce type ou approchant ? En connaissez vous dans le monde ?

Jean TAG – Non, je ne connais pas de puits de ce type.

Néanmoins, depuis les premiers forages horizontaux à Lacq il y a plus de 30 ans, les drains horizontaux ont connu un développement exponentiel de par le monde. Les ingénieurs ont également pris conscience de l’importance des vibrations et oscillations du train de sonde et des outils de forage. Le traitement progressif de ces perturbations, très consommatrices en temps et en énergie, permet aujourd’hui des réalisations spectaculaires. Le record mondial actuel a été réalisé en 2011 par Exxon sur l’île de Sakhaline en Russie. Longueur forée : 12 345 mètres, profondeur verticale : 1 784 m, déport horizontal : 11 479 m. Le tubage 13 3/8 a été descendu à 5 104 m et le 9 5/8 à 10 756 m.

DS- Vous connaissez particulièrement bien le forage en tant qu’ancien expert d’Elf Aquitaine, et particulièrement la zone et les puits qui y ont été réalisés. Quelles sont les difficultés que va rencontrer ce puits et quelles sont celles qui peuvent conduire à un échec ?

Jean TAG – a) La principale difficulté que ce puits va rencontrer c’est qu’il va forer dans un gisement décomprimé par l’exploitation du gaz de la concession Meillon. Ce gisement, qui va en gros de Meillon à Monein, est délimité au sud par une importante faille qui longe le piémont pyrénéen. Adossé à cette faille, le gisement plonge vers le Nord, le gaz se trouvant dans la partie sud la moins profonde et de l’eau  qui à l’origine était en dessous de 4 960 mètres. C’est cette eau qui a été rencontrée au puits de Lons 1 entre 5 500 et 6 160 mètres et qui est l’objet du projet de géothermie. Le gisement est également divisé en différents panneaux délimités par des failles Nord-sud. Le puits de Lons fait partie du panneau de Saint Faust où le gaz a été soutiré.

Le fait de produire le gaz pendant des décennies a fait baisser la pression de l’ensemble du gisement de façon considérable et on peut dire aujourd’hui  qu’un nouveau puits à Lons trouvera un niveau d’eau entre 1 000 et 2 000 mètres, voire au-delà.

Forer dans ces conditions avec une boue de densité l conduira rapidement à des problèmes de collage du train de sonde par pression différentielle, la seule solution pour décoller étant d’équilibrer les pressions. Une autre solution consiste à forer avec un fluide allégé tel que la mousse ou la boue aérée. Dans ce cas, les problèmes de surface risqueront d’être insurmontables : présence d’H2S ou de Co2, traitement et recyclage des effluents.

b) le projet prévoit le forage en grand diamètre ainsi que la réalisation d’une boucle de circulation de l’eau chaude de Mano-Meillon. Une étude approfondie de mécanique des roches me paraît indispensable pour définir les contraintes naturelles qui s’exerceront sur la structure de l’ouvrage. Nous sommes dans le piémont pyrénéen et les tremblements de terre périodiques de la région sont le reflet de l’importance de ces contraintes. Je sais par expérience que plus le diamètre d’un tubage est important, plus il est exposé à l’ovalisation induite par la nature. Une ovalisation diminue de façon importante la résistance des tubes, avec pour conséquence un grand risque d’écrasement complet et parfois la perte du puits. D’autre part, le forage de la partie supérieure de la boucle, avec une inclinaison entre 45 et 60° est très délicate à réaliser du fait de grosses difficultés de nettoyage à ces inclinaisons, ce qui a déjà été expérimenté par ailleurs.

c) le projet prévoit la production de l’eau chaude par l’intérieur d’un tubing et la réinjection de l’eau refroidie par l’espace annulaire entre le tube de production et la structure de l’ouvrage. Outre la déperdition de chaleur que cela provoque, les différents tubages composant l’ouvrage, ne pourront pas être contrôlés et ne seront pas à l’abri de corrosions et d’entartrage. Ceci n’est pas conforme aux règles de l’art, surtout à grande profondeur.

Afin de pouvoir maintenir en bon état et surveiller l’intégrité de l’ouvrage, il est nécessaire de réaliser deux puits : l’un pour la production, l’autre pour l’injection. Dans ce cas la structure du puits  reste à l’abri des effluents et la pression de l’espace annulaire peut être contrôlée à tout moment. Le tubing (producteur ou injecteur) devient alors ce qu’il doit être : un produit consommable qui peut être facilement remplacé en cas de problème (corrosion, dépôts de tartre, etc …).

DS – La société qui mène ce projet, Fonroche Géothermie ne dispose pas d’expérience ni en termes de réalisation de forage ni en termes d’exploitation de ce type. Est ce bien raisonnable ? D’autant que les subventions qui seront utilisées sont très élevées.

Jean TAG – Suite à mon intervention écrite lors de l’enquête publique, j’ai rencontré le Directeur du projet FONGEOSEC. Je ne mets pas en doute ses compétences techniques mais un approfondissement des connaissances du gisement dans lequel le projet doit s’inscrire est indispensable.

DS – Imaginons que le puits est réalisé, son exploitation va aussi poser de nombreux problèmes critiques. Quels sont selon vous les principaux ?

Jean TAG – Les problèmes de surface, tels que traitement de l’eau ou des gaz résiduels peuvent être surmontés. Par contre, aller chercher de l’eau chaude par pompage au-delà de 1 000 mètres de profondeur ne peut pas être rentable.

DS – Les exploitations géothermiques ne sont pas nouvelles en France, elles ont souvent buté sur un problème de rentabilité économique. Quels atouts présente ce projet  pour atteindre un développement industriel ?

Jean TAG – Dans l’état actuel du dossier et compte tenu de ce qui précède,  ce projet ne pourra pas être rentable. A part des études complémentaires, aucun financement ne devrait être engagé.

On voit ici que la position est assez tranchée, et on ne peut taxer nos amis foreurs d’être des opposants de principe à ce type de travaux.

 – par Daniel Sango

Pour lire l’article précédent: Géothermie à Lons: Un projet de recherche de fonds (1)

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