Meunier, ton moulin va trop vite!


Capture«Vous avez remarqué comme les gens marchent vite dans la rue ?
Il y a quelques jours, je rencontre un monsieur que je connaissais, je vais pour lui serrer la main, le temps de faire le geste . . . il était passé !
Eh bien j’ai serré la main à un autre monsieur qui, lui, tendait la sienne à un ami qui était déjà passé depuis dix minutes.» 
R.Devos

Il n’échappe à personne, car tout le monde y est confronté, que tout va de plus en plus vite :

  • Le senior ne peut plus rattraper les évolutions technologiques indispensables pour survivre.
  • Le salarié, logé de plus en plus loin, n’arrive plus assez vite au travail.
  • Le patron n’obtient plus, en temps utile, l’emprunt pour payer ses employés, ses nouvelles machines ou ses dettes.
  • Les médicaments n’agissent pas assez vite..Le stress s’accélère…
  • Redressement économique et chômage n’évoluent pas assez vite dans le bon sens.
  • Le temps manque pour réaliser les promesses des hommes politiques !……

On «court» de plus en plus. C’est une véritable obsession, dans la vie, privée comme publique. La technologie a permis une accélération des déplacements dans tous les domaines, physiques comme culturels ; on est passé de la marche au vélo, à la voiture et à l’avion supersonique ; les nouvelles technologies de l’information utilisées dans la spéculation boursière, le commerce, la recherche, les échanges individuels…, ont raccourci d’une manière prodigieuse le temps. Et pourtant :

Gagner quelques minutes entre Paris et Pau reste un objectif incontournable !

Notre «technologie» biologique ne suit plus ; nos critères de temps deviennent un lourd handicap : un manque à gagner au niveau individuel comme collectif. La rentabilité de l’homme est insuffisante, le salaire n’est plus en adéquation avec celui de la machine ; les charges sont trop lourdes ; au niveau physiologique, psychologique et économique, c’est la crise.

Que faire ?

>Être chômeur et S.D. F. est une solution ; elle est peu revendiquée !

> Substituer la machine à l’homme est un des objectifs actuels ; que faire alors de l’homme ? Imposer le revenu issu des machines remplaçantes pour payer des salaires à ceux qui, ne travaillant pas, consommeraient plus ? Le consensus n’y est pas !

>Transformer l’homme en «machine» ! L’idée se concrétise grâce aux NBIC. Par exemple, le rythme circadien dépend d’une horloge biologique d’origine génétique qui maintient la rythmicité de nos fonctions, en s’ajustant aux repères fournis par l’environnement. Grâce aux manipulations génétiques et aux modifications de l’environnement, on va pouvoir programmer un «homme nouveau» avec une quantité et une qualité de sommeil adaptées aux besoins de l’économie ! Google investit sur la santé, la longévité ; L’HGM (humain génétiquement modifié), est en marche, les projets pullulent. Tout deviendra possible !

Quel sera l’avantage de pouvoir vivre de plus en plus longtemps si c’est pour mourir de plus en plus jeune de faim, de maladies, de la pollution, des guerres…!

>Rêvons! Grâce aux NBIC, à l’intelligence artificielle, à la robotisation et aux HGM, un fonctionnement administratif, financier et économique pourrait s’opérer automatiquement. Les profits permettraient de développer l’instruction, l’éducation, les systèmes de santé, la culture, les loisirs de tous les hommes restés «ordinaires». Hélas ! Les conflits sur le partage des bénéfices entre humanistes et trans-humanistes resteraient entiers ; ces derniers seraient-ils programmés pour la négociation ??

> Une autre éventualité serait, pour combattre l’inflation du temps, de le dévaluer !

On a bien créé le nouveau franc , pourquoi pas le nouveau temps !

Pour ralentir le temps il faudrait connaître sa nature, or, ce n’est pas le cas !

Pour Bergson c’est une illusion !

En fait, on ne fait que mesurer avec des méthodes variées et évolutives, des phénomènes arbitraires qui ont changé au cours de l’histoire. Les calendriers se sont succédés : lunaire, luni-solaire, solaire…. La science moderne affirme que les phénomènes astronomiques comme la durée de rotation de la Terre ou sa révolution autour du Soleil, n’ont pas une durée constante ; ce ne sont donc pas de bons supports pour définir une unité de temps. Depuis 1967, la seconde est devenue la mesure d’un phénomène atomique.

Le temps est un concept inventé pour organiser la programmation de l’histoire, les activités : agricoles, administratives, financières, etc.

>Dans la Genèse, on décrit la création de l’univers et de son contenu, en six jours

>De Kepler à Newton, les analystes du récit biblique situent la Création, en chiffres ronds, à 4000 ans avant l’ère chrétienne.

> Buffon, dans sa Théorie de la Terre (1749), apporte des preuves expérimentales d’une Terre âgée : ayant mesuré le temps de refroidissement de boulets portés au rouge, il en déduit que notre globe terrestre doit dater de 74832 ans.

>L’âge de l’Univers, actuellement, est évalué dans une fourchette de valeurs comprise entre 13 et 16 milliards d’années.

Les 6 jours initiaux se sont donc allongés considérablement tout au long de l’histoire !

Actuellement, les activités, dans tous les domaines, fonctionnent, de plus en plus vite, partout, en continu : les grandes villes sont aussi lumineuses la nuit que le jour ; la «fourmilière», aussi bien en souterrain qu’en surface, 24 heures sur 24, fabrique des enfants et fait tourner son économie. Mon voisin, à la campagne, laboure ou récolte son maïs à la lumière de son tracteur, à minuit !

Un vieux rêve, pervers, néolibéral, serait de changer d’échelle de référence !

Le nouveau jour correspondrait à 2 anciens jours, la nouvelle heure à 2 anciennes, le nouvel an se fêterait toutes les deux anciennes années, etc. Moins de fêtes à souhaiter, de cadeaux à faire, de vœux à envoyer, etc. Moins d’énervement : quand une femme dit : «j’en ai pour deux (nouvelles) minutes», elle aura le double de temps à sa disposition ! Deux fois moins de campagnes électorales et plus de temps pour réaliser les promesses, deux récoltes voire trois (réchauffement) par an. Le démarrage de l’économie serait rapide.

Que d’avantages !

Mais !! La réglementation du travail resterait celle en vigueur avant la réforme, décomptée en nouveau temps; on ne peut pas tout adapter en même temps ! La législation et l’administration sont toujours à contre-courant, l’inertie est bien connue ! Et puis, il faut bien donner une raison d’être aux syndicats ! Il y a des précédents : la construction de l’Europe nous a habitués à ce cheminement; on a bien créé une nouvelle monnaie, de nouvelles «libertés» de circulation de l’argent et du commerce…sans harmoniser la législation sur le travail, le social, le juridique ! Avec «l’homme nouveau manipulé», plus de repos, on travaille le jour et la nuit, avec de petites poses décomptées sur les heures payées, pour… aller consommer.

Les 35 heures (70 anciennes heures) ne seraient plus contestées, le départ à la retraite à 60 ans(120 ans anciens) non plus. Des embauches seraient peut-être possibles, sans engagement bien sûr, car avec les robots !! En nouveau temps, le salaire mensuel et les charges seraient inchangés ; le salarié travaillerait donc deux fois plus (en ancienne heure), en gagnant donc deux fois moins ! Les impôts sur les revenus diminueraient alors, ce qui rendrait le gouvernement plus populaire et éviterait les «jours de colère» ! Les profits privés exploseraient car on ferait alors mieux que la Chine. Le pacte de responsabilité serait approuvé par le Medef et le triple A par les agences de notation !

Hélas, Bruxelles risque de s’y opposer pour concurrence déloyale !

Revenons sur terre, Hartmut Rosa, de l’Ecole de Francfort, dans «Accélération. Une critique sociale du temps» envisage plusieurs voies pour l’avenir, entre autres :

  • Un nouvel équilibre à un niveau de vitesse supérieure avec de nouvelles formes de perception et de contrôle, le cas échéant grâce à l’introduction de nouvelles technologies génétiques ou des implants informatiques.
  • Un «freinage d’urgence», donc une sortie de la modernité avec mise en place d’une auto-organisation, comme dans les écosystèmes.
  • Une course «effrénée à l’abîme» avec désastre écologique ou nucléaire.

Théoriquement, nous avons le choix, pratiquement c’est une question de réflexion, et d’engagement.

– par Georges Vallet

crédit photos: ecoles.ac-rouen.fr

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