«Anne, ma sœur Anne, ne vois-tu rien venir ?» (C.Perrault)
«Je me crains de quelques grands désordres !» (Henry de Laborde Péboué)
Un questionnement pas inutile à l’aube des élections européennes.
En effet, comme Dieu, pour Pierre-Simon Laplace, la Nature devient de plus en plus une hypothèse dont on peut se passer !
Comme jadis le citoyen Laplace, des chercheurs présentent, depuis pas mal d’années, une réactualisation de l’«Exposition du système du monde» à nos dirigeants, aux médias, au citoyen de base.
Parmi nos responsables, pour des raisons électoralistes, certains évoquent, avec une vraie fausse conviction, l’intérêt qu’ils y portent. Il a même été constitué, jadis, une publicité hypocrite pour valoriser la notoriété de l’auteur ; c’était le «Grenelle de l’Environnement». Ces rencontres, réparties en trois périodes, devaient déboucher sur des accords permettant la réalisation d’un soi-disant développement durable en restaurant la biodiversité, en diminuant le rejet des gaz à effet de serre et en améliorant l’efficience énergétique.
Bon nombre de participants, sincères, ont cru à la volonté de changer quelque chose et ont donné beaucoup de leur temps, de leur compétence, de leur argent, pour apporter le maximum de participation positive. Les résultats débouchèrent sur une grande désillusion, les engagements pris n’ayant de valeur, la suite le confirmera, que pour ceux qui voulaient bien y croire.
- La biodiversité n’a cessé de diminuer sous la pression conjuguée de l’urbanisation, de la pollution, de l’agriculture industrielle….
- L’émission des gaz à effet de serre n’a jamais été aussi abondante.
- Les dépenses énergétiques sont en plein essor.
Assez rapidement, «l’environnement commença à bien faire» et les objectifs étaient repoussés à chaque fois «à plus tard» ! En effet, la priorité, toujours prioritaire !, est d’inverser la courbe du chômage (en supprimant des postes nous affirme-t-on !!! Curieux !!!) ; il faut donc permettre, par tous les moyens, le redémarrage de la croissance quantitative. Tous les obstacles à l’amélioration de la compétitivité économique, aussi bien au plan social qu’ environnemental doivent être ignorés.
Tout le monde l’affirme, sauf des irréductibles, pas tous Gaulois d’ailleurs, qui voient plus loin que leur compte en banque (pas toujours localisé en France!) ou que la fin de leur mandat.
C’est le déni officiel du lien réciproque, on ne peut plus étroit, qui existe entre crise économique, crise écologique et crise sociologique.
Depuis quarante ans il a été souligné, en vain, par les scientifiques et les philosophes.
«La croissance pour la croissance, c’est l’idéologie de la cellule cancéreuse. Elle se suicide, elle et sa descendance, en faisant disparaître l’être dont elle est issue et qui la nourrit.» (Edward Abbey. Une analogie redoutable).
Continuer dans cette voie, c’est promouvoir une aggravation de plus en plus grande des conditions de vie dans tous les domaines : politique nationale et internationale, social, professionnel, familial, climatique, alimentaire, santé…
Quelques exemples dus au mépris environnemental, parmi une infinité d’autres !
Les seuils de dangerosité, dans tous les domaines, ne sont pas évalués ou sous-évalués, ne tiennent pas compte des effets d’accumulation, des effets de groupe…On les adapte même aux nécessités de la croissance en les augmentant pour qu’ils ne soient plus dangereux ! L’évaluation est faite par le producteur car il est bien connu que son «honnêteté» n’hésiterait pas à arrêter la production si les tests à long terme s’avéraient mauvais ! Servier et autres confirment cette morale !!!
Dernière nouvelle du 29 avril dans la presse :
Des mèches de cheveux de 30 enfants de 3 à 10 ans, vivant dans des zones agricoles , ont été prélevés afin de mesurer le niveau d’imprégnation aux pesticides : «On a cherché une cinquantaine de molécules différentes et on en a trouvé plus de la moitié par enfant, un véritable cocktail de pesticides» (F. Veillerette, porte-parole de Générations Futures, l’association qui a commandé l’étude). « Un effet cocktail qui n’est pas pris en compte dans les évaluations ». Des pesticides interdits d’usage en France depuis des années ont même été retrouvés (rémanence) dans les échantillons.
Or, on contourne l’interdiction d’épandage de pesticides en décidant des dérogations !
Les zones Natura 2000 peuvent être affectées par des autorisations de destruction d’espaces protégés en les accompagnant de mesures dites de «compensation pour la réalisation d’aménagements dits économiquement indispensables ! Compensation !!, le grand mot, «réconfortant» pour le petit peuple, qui laisse supposer qu’en remplaçant, par exemple, une zone marécageuse par une zone aride de même superficie, cela revient au même ! J’ai vécu une telle opération, il y a fort longtemps, lors de la construction du barrage sur le Verdon dans les Alpes de Haute-Provence. Pour la mise en eau, on avait déplacé les agriculteurs des terres riches de la vallée qui allait être inondée, en amont du barrage, en leur attribuant, «en compensation», des terres de la garrigue ultra sèche du plateau dominant la vallée !!
On prend soin de ne pas supprimer les niches fiscales en faveur des pollueurs :
- exonération de la taxe intérieure sur l’énergie pour l’aviation.
- taux réduit pour le fioul utilisé comme carburant.
- remboursement partiel de la taxe intérieure sur l’énergie pour les routiers «sympas».
- défiscalisation partielle des agrocarburants.
- TVA à taux réduit sur les engrais…….
Au total, ces avantages concédés à la pollution représenteraient chaque année plusieurs milliards d’euros en moins pour l’Etat.
Pourquoi les mesures indispensables ne sont-elles pas prises?
D’une part ces mesures seraient un obstacle au développement économique souhaité.
D’autre part, toutes ces activités économiques favorisent la pollution et le réchauffement climatique, or, le PIB comptabilise toutes les activités économiques en particulier celles qui découlent :
- Des calamités climatiques : constructions ou reconstructions après les tempêtes, les ouragans, les inondations, les incendies de forêts…
- De la pollution de l’eau de l’air, du sol : traitements des déchets, de l’eau, dépistage et traitements des allergies, cancers, troubles de la reproduction, des épidémies…
«Croître et multiplier» la production et la consommation, sans se soucier des retombées sociales dramatiques, est dû à une volonté délibérée. Les grands supporters de la croissance durable sont des êtres intelligents et calculateurs ; ils savent très bien que ces calamités et dommages, en pleine croissance !, sont une des pistes, inavouée car diplomatiquement inavouable bien sûr, pour que le PIB et les profits redémarrent ; c’est d’ailleurs en bonne voie en y ajoutant :
- Les activités spéculatives dues à la raréfaction des ressources.
- Les tensions mondiales (armement) et les guerres locales qui se multiplient souvent pour la maîtrise des ressources énergétiques et de l’eau.
Voilà pourquoi il n’est pas question, bien au contraire, d’envisager les mesures évidentes qui assureraient non pas le développement durable mais l’équilibre durable.
Le programme d’action communautaire pour l’environnement est une source considérable d’emplois, il couvre aussi bien l’air, le milieu marin, la prévention et le recyclage des déchets, l’utilisation durable des ressources naturelles, le milieu urbain, les sols….
Un état seul ne peut que montrer le chemin, l’Europe est le passage obligé pour corriger ces comportements suicidaires. Ses pouvoirs sont immenses mais ses dirigeants sont majoritairement les grands prêtres du libéralisme, les sacerdotes du culte de la croissance. S’abstenir de voter ou choisir ceux qui veulent détruire l’Europe est une très lourde faute ; il est indispensable de profiter de cet avantage pour désigner massivement ceux (sur les 24 listes promises j’en ai finalement trouvé une !) qui s’engagent à peser pour promouvoir une autre Europe, celle du citoyen européen soucieux de la vie saine de ses descendants et non des intérêts des paradis financiers.
– par Georges Vallet
crédit photos: lamauvaiseherbe.net
Article intéressant.
Il y a eu certains progrès en matière d’environnement, mais il est vrai que le bilan est très insuffisant. C’est le résultat de la nature humaine et de l’état de la société actuelle…