Georges Labazée, 72 ans de mandats cumulés, ne se représente pas…


labazee_georges11112dLe Président socialiste du Conseil Général des Pyrénées-Atlantiques a annoncé qu’il ne se représenterait pas lors des élections cantonales de mars 2015. Est-ce une réelle volonté de laisser la place ? ou plutôt l’anticipation d’une probable défaite au niveau du département ? Au delà de ces questionnements, la sortie de M. Labazée du Conseil Général, 39 années après y avoir été élu, est une bonne nouvelle pour le renouvellement en politique, et pose encore une fois la question d’une limitation des mandats dans le temps et dans l’espace.

Professeur des écoles de profession, M. Labazée a débuté sa vie politique aux élections cantonales de 1976 sur le canton de Thèze où il est élu une première fois. Il avait alors 33 ans. il est ensuite réélu 5 fois, la dernière en 2008 où il devient Président du Conseil Général. Mais son tableau de chasse politique ne se limite pas à ses mandats cantonaux, car il fut aussi député lorsqu’André Labarrère entra dans le premier gouvernement Mauroy en 1981 et y resta jusqu’en 1986; il fut élu 4 fois conseiller régional de 1986 à 2010 et devint Vice-Président du Conseil Régional d’Aquitaine; et il fut adjoint au maire de Viven et Président de la communauté de communes de Thèze. Enfin, pour couronner le tout, il devint Sénateur en 2011. Tout cela, sans compter les mandats d’adjoint au Maire de Viven, représente un total de  72 ans de temps de mandats cumulés ! on ne compte pas non plus les multiples mandats et fonctions de Présidence dans des conseils d’administration de sociétés d’économie mixtes, d’associations et de syndicats, qui sont des bons moyens d’arrondir les fins de mois.

L’idéal démocratique est loin, celui d’Athènes par exemple, qui voyait des citoyens tirés au sort pour exercer une magistrature pendant un an, puis revenir pleinement à leur métier qu’ils n’avaient pas abandonné. La vie politique était alors comme un service rendu à la cité, une parenthèse comme le fut en France le service militaire. Certes, la vie politique moderne est plus contraignante et demande un investissement de longues années à ceux qui veulent l’exercer. En ce sens, la professionnalisation et le carriérisme sont quasiment inéluctables dans le système actuel. Mais si tout ceci est dû au système, ne serait-il pas possible de modifier le système, en réduisant par exemple le nombre de mandats successifs à 2, et en limitant le nombre de mandats et de fonctions simultanées, y compris les présidences d’organismes divers, bref en allant plus loin que le minimum syndical proposé actuellement sur le cumul des mandats ?

Car quelle aurait été la conséquence d’une limitation des mandats dans l’espace à un mandat, et dans le temps à 2 mandats successifs pour M. Labazée ? Après un premier mandat de Conseiller Général de 5 ans, il aurait rejoint l’Assemble Nationale en 1981 jusqu’en 1986, avant de prendre un mandat de Conseiller Régional pendant 12 ans. Après un bref retour de 2 ans à son métier de Professeur des écoles, il aurait pu se présenter de nouveau comme Conseiller Général en 2001, pour un dernier mandat jusqu’en 2008. En 2010 enfin, il aurait pu devenir Sénateur jusqu’à aujourd’hui. Au total, M. Labazée aurait effectué au maximum 35 ans de mandat, soit 37 ans de moins que dans sa vie réelle.

Or, ces 37 années auraient été occupées par d’autres personnes, au moins 3 et sans doute plus. Les centaines de politiciens dans la situation de M. Labazée, auraient donc laissé la place à plusieurs milliers de citoyens à l’échelle nationale. Ces citoyens auraient eu d’autres compétences, auraient été de générations, de sexe et de milieux différents, et auraient eu d’autres idées et valeurs. Ils auraient nécessairement contribué d’une part à une plus grande richesse des idées, et surtout à ce que les français se sentissent mieux représentés par la classe politique.

Alors, finalement, il importe peu de savoir si M. Labazée s’est subitement pris d’une envie de « lever le pied » et de se « contenter » de son mandat de Sénateur, ou s’il a eu peur d’une défaite électorale départementale en 2015. Il importe de savoir qu’il va enfin laisser la place et permettre à notre démocratie départementale de se renouveler et de s’oxygéner… un tout petit peu. Il importe aussi que le gouvernement et les élites politiques s’aperçoivent que notre démocratie a un besoin urgent d’être rénovée afin qu’elle soit ce qu’elle n’aurait jamais du cesser d’être : l’expression de la société et du peuple en mouvement.

Par Emmanuel Pène – le 18 janvier 2015

Twitter @epene64

12 commentaires sur « Georges Labazée, 72 ans de mandats cumulés, ne se représente pas… »

  1. Les Français rejette massivement le carriériste en politique, il faut appliquer une stricte limitation du cumul des mandats publics dans le temps et dans l’espace.
    Un élu ne devrait effectuer que deux mandats consécutifs maximum et n’avoir qu’un seul mandat électif ouvrant droit à indemnisation à la fois.
    Cela favoriserait le renouveau en politique, une meilleure représentation des citoyens et empêcherait certains abus…

  2. La réalité « réelle » est que 1/ Labazée a reçu un rappel à l’ordre du secrétaire fédéral PS quant à sa communication prématurée dans la presse pour sa nouvelle candidature
    2/ il était mis en minorité dans les sections PS du nouveau territoire par rapport aux autres candidats (il a transformé ce fait en départ volontaire…)
    3/ il avait déja triché en signant la lettre de Martine Aubry à l’époque secrétaire nationale du ps enjoignant les élus de mettre fin au cumul …signature oubliée bien sur
    4/ Daniel Sango a raison : l’immense réformateur centriste Bayrou prédésigne Jean Jacques Lasserre comme président du CG64 qui est tout aussi ancien et cumulard que G.Labazée

    1. Le système interne des partis politiques vise à créer des rentiers de la politique, et à les protéger tout au long de leur carrière. Les partis soit disant « démocratiques » pratiquent en fait en leur sein l’inverse de la démocratie. Il n’y a qu’à voir comment se font les « investitures » : dans la plus parfaite opacité pour les adhérents, sans aucun critère objectif ni de compétence ni d’expérience, et surtout sans aucune volonté réelle de renouvellement. Tout ceci est renforcé par le sentiment de propriété qui gagne ceux qui sont aux rennes de l’appareil depuis trop longtemps : ils considèrent que le parti est à eux, et donc que les postes d’élus aussi et qu’ils ont le droit de les distribuer à qui bon leur semble (y compris à eux-mêmes). On ne reformera pas la politique en France sans s’attaquer à l’accumulation de ces mandats dans le temps, qui a pour effet le maintien de ces personnes à la tête de leur partie pendant des décennies.

      1. Malheureusement les faits montrent que votre constat est juste. Sans confondre Martine Aubry et Rosa Luxembourg ,je pense que sa proposition de réforme interne des règles du PS ,concernant la durée des mandats ,leur répétition dans le temps,et le non cumul était issue de la volonté majoritaire des adhérents du PS exprimée dans deux congrés interne au moins.
        Cela lui a trés certainement couté la première place aux primaires ouvertes du PS fin 2011 (outre « l’affaire Dsk » qui a rabattu les libérosociaux vers François Hollande).
        Aprés la comission Jospin (type Clemenceau) renvoyant à 2017 le non cumul,le système « apparatchiks » continue comme avant ……

  3. Comme tout ceci est vrai ! Le cumul des mandats dont on nous rabat les oreilles depuis des années n’est pas le vrai sujet, le seul qui peut vraiment changer significativement des choses, c’est celui de la non longévité des femmes et hommes politiques. 10 ou 12 ou 15 années de mandats cumulés dans une vie pour éviter cette dérive professionnalisante qui enlève toute fraicheur, toute créativité, toute capacité à penser hors du cadre, …, et qui génère en outre des sentiments voire des certitudes d’une destinée personnelle ! Mais que deviendraient ils tous nos animaux politiques familiers si on les croisait dans la rue comme simple citoyen ? On peut rêver 2 minutes !!

    1. Il n’y a rien de personnel envers M. Labazée. Il se trouve qu’il est l’expression d’un système, et qu’il s’est mis sur le devant de la scène en annonçant sa non représentation.

  4. Bon article mais le cas Labazée est à mon sens plus grave encore:
    son faux départ (je ne me présente pas, puis je me présente, et enfin je ne me présente pas) avait pour but de désigner son successeur: bel exemple de potentat local.

  5. Il ne reste plus qu’à adresser ce sujet à Jean-Jacques Lasserre, promis ou promus futur Président du CG64 par François Bayrou : Jean-Jacques Lasserre est élu depuis le 21 mars 1982 au CG soit, à 10 mois près, au même moment où François Mitterrand est devenu Président de la République ! Une éternité démocratique.

    Merci EP pour ce sujet « implacable ». Je propose qu’AltPy l’adresse à JJL, sous forme d’une lettre recommandé, en lui demandant d’avoir le courage, le tact, la noblesse, le bon sens démocratique (au choix) de suivre les pas de son collègue.

    1. Excellent Bernard !
      « Don’t stop ’til you get enough » chantait le regretté Michael Jackson à peu près à la même époque d’ailleurs.
      A noter que la musique disco est tellement vieille qu’entre temps elle est redevenue à la mode…

    2. On peut aussi l’envoyer a François Bayrou dont le palmarés est tout aussi étoffé.
      Mais n’oublions pas qu’on a les responsables politiques qu’on mérite, et nos concitoyens se laissent bien facilement attrapper par ce clientélisme détestable.

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