Un petit texte de Pierre Kropotkine de 1882 démontre les causes et les méfaits de l’inflation législative. Les dernières statistiques de l’activité parlementaire de notre Assemblée montre malheureusement que cette inflation n’est pas prête de ralentir.
Le chômage, la crise, la dette, le terrorisme, l’insécurité. Les citoyens n’attendent plus grand chose de nos politiciens. Il suffit de constater le nombre toujours plus important d’abstentionnistes.
Mais, comme pour se donner une raison d’exister, nos élus nationaux créent des tonnes de lois. Or, bien que cette perversion de notre système politique soit connue, nos représentants (?) multiplient les textes de lois comme d’autres des petits pains… Où quand nos politiciens veulent jouer aux prophètes :
- 442 lois promulguées lors de la XIème législature (1997-2002)
- 465 lois promulguées lors de la XIIème législature (2002-2007)
- 500 lois promulguées lors de la XIIIème législature (2007-2012)
- 222 lois promulguées depuis le début de la législature actuelle (2012 -)
Je dis que cette perversion de notre système politique est bien connue car elle a été caractérisée dans de nombreux rapports et études. Suite à ma récente lecture d’un texte de Kropotkine daté de 1882, je dois ajouter que cette perversion est connue et depuis longtemps.
Extraits de la page 1 de « La loi et l’autorité » :
«Quand l’ignorance est au sein des sociétés et le désordre dans les esprits, les lois deviennent nombreuses. Les hommes attendent tout de la législation, et chaque loi nouvelle étant un nouveau mécompte, ils sont portés à lui demander sans cesse ce qui ne peut venir que d’eux-mêmes, de leur éducation, de l’état de leurs mœurs.» — Ce n’est pourtant pas un révolutionnaire qui dit cela, pas même un réformateur. C’est un jurisconsulte, Dalloz, l’auteur du recueil des lois françaises, connu sous le nom de Répertoire de la Législation. Et cependant ces lignes, quoique écrites par un homme qui était lui-même un législateur et un admirateur des lois, représentent parfaitement l’état anormal de nos sociétés.
Dans les États actuels une loi nouvelle est considérée comme un remède à tous les maux. Au lieu de changer soi-même ce qui est mauvais, on commence par demander une loi qui le change. La route entre deux villages est-elle impraticable, le paysan dit qu’il faudrait une loi sur les routes vicinales. Le garde-champêtre a-t-il insulté quelqu’un, en profitant de la platitude de ceux qui l’entourent de leur respect : — «Il faudrait une loi, dit l’insulté, qui prescrivît aux gardes-champêtres d’être un peu plus polis.» Le commerce, l’agriculture ne marchent pas ? — «C’est une loi protectrice qu’il nous faut ! » ainsi raisonnent le laboureur, l’éleveur de bétail, le spéculateur en blés, il n’y a pas jusqu’au revendeur de loques qui ne demande une loi pour son petit commerce. Le patron baisse-t-il les salaires ou augmente-t-il la journée de travail : — «Il faut une loi qui mette ordre à cela ! » — s’écrient les députés en herbe, au lieu de dire aux ouvriers qu’il y a un autre moyen, bien plus efficace «de mettre ordre à cela» : reprendre au patron ce dont il a dépouillé des générations d’ouvriers. Bref, partout une loi ! une loi sur les rentes, une loi sur les modes, une loi sur les chiens enragés, une loi sur la vertu, une loi pour opposer une digue à tous les vices, à tous les maux qui ne sont que le résultat de l’indolence et de la lâcheté humaine.
En lisant ce texte toujours d’actualité donc, j’ai eu souvenance d’un verset de l’Ecclésiaste que je cite en cadeau pour les amoureux (nombreux parmi les commentateurs de ce site) des textes sacrés : « Ce qui fut sera, Ce qui s’est fait se refera, Et il n’y a rien de nouveau sous le soleil. »
Plus sérieusement, nos élus qui ont fait du sophisme « nouveauté = progrès » leur religion, ne daignent s’inspirer de la sagesse des prophètes mais peut-être devraient-ils s’inspirer de la sagesse moins ancienne des anarchistes ?
Par Mehdi Jabrane
Concernant Pierre Kropotkine, on voit dans ces commentaires comment les idées évoluent. Kropotkine a vécu l’anarchisme il y a presque 2 siècles . l’anarchise de cette époque s’attaquait au pouvoir en place pour mieux défendre le citoyen. Il y avait peu de démocraties. Aujourd’hui tout est devenu démocratie ! Même celles qui relèvent des tsars de notre planète. Et le vrai pouvoir est entre les mains de la Justice, même si elle est tenue par le pouvoir en place. Et dans le cas où il n’y ni jurisprudence adaptée ni Lois en vigueur en quantité et en qualité, il faut s’en remettre au Magistrat et cela peut être le début de l’autocratisme.
On voit là que l’Anarchie a vieilli. Elle n’a pas modifié sa Jurisprudence !
Je ne suis pas juriste. Mais il me semble que cette inflation de Lois provient de l’inflation naturelle des cas de jurisprudence. Ce nombre de jurisprudences enfle avec la population et avec le taux d’appel de cette population à la justice.
La jurisprudence permet de rendre plus rapide l’examen des cas déjà rencontrés. L’avocat, le juge, recherchent les cas de jurisprudences. Mais ces cas ne sont pas valables qu’à contexte identique d’une période à l’autre. Et on donc on est obligé de légiférer si des cas de jurisprudences ne sont plus applicables du fait du changement du contexte financier, économique, social, et autres.
Notre Société évolue très vite aujourd’hui. Sa diversité explose. S’il n’y avait pas de cas de jurisprudence, et s’il n’y a pas de Loi, la Justice ne pourrait être rendue que par un juge s’appuyant sur son avis personnel. On en reviendrait à la Justice Divine.
Or on peut tout dire sauf affirmer que tous nos Juges, Préfets, Polices sont des saints. Vu sous cet angle, on ne peut que veiller à ce que l’inflation des Lois se fasse en respectant ces besoins de Jurisprudence. Cette inflation de Lois venant de cette inflation de cas particuliers ne pourraient que permettre de diminuer le nombre de Magistrats qui pourraient juger plus vite au vu de la Jurisprudence. On pourrait peut-être diviser le nombre de magistrats par 100. Ce qui augmenterait le taux d’activité bancable et le …….bonheur !
Ci-dessous le lien pour des statistiques plus détaillées :
http://www.assemblee-nationale.fr/14/seance/statistiques-14leg.asp