Encore une fois, Monsieur Pyc, fidèle à son sillon, a souhaité approfondir ses interrogations sur l’inconscient du Béarn.
Pour cela (comme on dit dans les séries télé que PYC ne regarde pas) voici la saison 2 ou plutôt le second épisode comme aux temps obscurs de Thierry la fronde.
Henri :
Calixte mon payse gascon ci-devant Béarnais De quoi veux tu me parler ?
De la religion, de la guerre, des femmes et du Béarn à ce que je crois deviner ?
Calixte :
Monseigneur sérénissime, de tout cela mais je ferai suivant votre bon plaisir…
Allons Calixte, détends-toi et souffle, parle clairement et commençons par le début.
Et remets ton haut de chausse sinon l’oiseau va s’envoler..
Peut être par vos parents par Jehanne, madame votre mère, votre maman et Antoine ce grand monsieur de Bourbon…
De Jeanne ma mère que tu appelles maman à la sauce française tu veux sans doute parler – A savoir de madame ma sainte et terrible mère – monsieur le paysan, plus ou moins nobliau, Hobereau de la plaine de Nay, à peine sorti de Ouzoum parmi les ânes et de ses brebis dont vous ne déparez peu.
A savoir,
• de la reine de Navarre
• de la princesse de Boisbelle
• de la duchesse d’Albretesses
• de la comtesse de Foix, du Périgord, de Rodez, d’Armagnac, de Fézensac, de Bigorre, de Dreux, de Gause, du Perche, de L’Isle-Jourdain, de Porhoët, de Pardiac et de Guînes,
• vicomtesse de Limoges, de Béarn, de Tartas, de Lomagne, de Maremne, de Fézensaguet, de Dax, de Brulhois, de Cressey et d’Auvillars,
Pour simplifier de la reine des Gascons comme on nous appelle ici à Paris où pullulent tant de cadets de chez vous qui ont fait le choix des armes pour ne pas se faire prêtre. Ou vivoter avec ce que le puîné a bien voulu leur laisser. A savoir les yeux pour pleurer.
De chez vous dîtes-vous ?
Eh oui mon petit frère béarnais, je ne suis pas roi du Béarn, le roi de chez vous qui d’ailleurs n’a jamais existé. Mais je suis encore, encore le roi de Navarre le IIIème du nom… Et sans doute le pénultième voir déjà le dernier.
Je suis roi des Français descendant de Saint Louis par Antoine mon père. Je suis le roi des Français le Rex francorum, ces francs germaniques et barbares mal dégrossis par le latin et la foi catholique. Je suis le roi de la plus grande puissance de la terre, la plus riche certainement, où coulent abondamment le vin, le lait et le miel et pas seulement celui de ma petite patrie de naissance.
Ego nominor Ricou, fils de France du Béarn et de la Navarre.
Incidemment roi de la nation la plus déchirée par les questions religieuses et les guerres civiles les plus odieuses et les plus cruelles qui soient.
Par ma mère je me sens il est vrai Gascon (gaschoun?) et Navarrais, fils des Pyrénées et de Gaston Fébus soleil de Bruges, de Tournay, et de Gan, patron de la maison de Foix avec ce rêve, peut-être un moment caressé, d’un royaume au pied de nos montagnes merveilleuses et si douces à mon cœur.
Et puis c’est vrai j’aime les montagnes rivières et les champs.
Si tu veux mon gentil paysanasse et j’aime aussi le bruit des galets que roulent sur nos gaves les fleurs de printemps. Touts ce que les gens de Paris ignorent et craignent par dessus tout comme tout ce qui sent les chemins crottés et la présence des loups, des rats et des serpents. Dans cette capitale du monde qui sent la merde, l’ordure, la mort et les parfums italiens. Ses odeurs fortes qui, parfois, je le concède, troublent mes désirs.
Chacun voit midi à sa porte…seigneur sérénissime…
Les ourses et les fleurs de nos montagnes seuls les gentilshommes et leurs dames les connaissent pour les avoir aperçues en tapisserie.
Sans doute ce qu’on peut entendre dans ces vers sublimes composés du côté de Lourdios par le marquis Jehan de Lassalle et que le Français, voire le Béarnais parlé à Pau, rend si mal..
Alors passer le pont, passer les ponts, se noyer dans le gave….se gaver de noyades juste pour trouver des jupons auxquels se raccrocher .
Il doit rester des lavandières et des pêcheurs d’azur ….
Mon altesse sérénissime, mon si beau roi navarrais si je puis me permettre ce qui vous attire beaucoup dans ses vers ce sont, peut-être, aussi, les hanches généreuses, les girons et poitrines offertes quand ces dames de chez nous, dones ou servantes, se glacent les mains pour frotter et blanchir le meilleur linge. Ce linge somptueux, parfois somptuaire, filé du lin qui fait la fierté des armoires et des belles-mères.
Tu as peut-être raison. Tout d’un coup tu me sembles moins sot et moins falot que j’ai pu le croire..
Mais au départ le sujet c’est de Jehanne, ma mère, l’inflexible parpaillote qui a introduit la vraie foi en Béarn et remplacé nos braves curés par ces austères pasteurs calvinistes et souvent Genevois avec leurs si drôles de chapeaux.
De Jeanne à chaque moment je sens le regard accusateur à mes changement de foi et, il est vrai, à ce goût désordonné des très jeunes femmes : lavandières ou marquises, bergères ou catins, tendrons trop souvent. Mon père, lui, a définitivement épousé la foi catholique celle des Médicis et d’Henri III à qui j’ai succédé et qui, il est vrai, n’étaient pas des modèles de vertus et de tempérance.
D’où ce partage que vous avez fait en France entre les droits des uns et des autres des places fortes pour le parti protestant et une préséance pour la foi romaine et papiste la religion du roi.
CUJUS REX EJUS RELIGIO…
Mais c’est que le petit Calixte à des lettres autres que l’Aspois ou l’Ossallois voire le gascon plus ou moins francisé.
Monseigneur vous me faites rougir.
Reprenez-vous pour ne pas retomber dans votre désagréable bégaiement comme une pucelle à son premier rendez-vous…
Madame votre mère c’est aussi la fille de Marguerite de Navarre de la maison d’ Angoulême poétesse, religieusement modérée , la sœur de François 1 er roi des français sans doute plus proche à votre tempérament modéré et primesautier.
Sans doute même si, pour moi, les lettres et même la poésie restent beaucoup une affaire de dames et de religieux.
Je reste un guerrier et un administrateur des pays à moi confiés. A chaque moment dans les mains et dans la grâce de notre seigneur suprême.
Ma grande préoccupation reste la bonne tenue et l’épanouissement des pays que le seigneur a voulu me donner. Singulièrement l’agriculture si belle et si fertile dans notre vicomté béarnaise notamment depuis l’arrivée du blé des Indes qui se complaît si bien avec le fumier de nos vaches et de nos agrestes brebis. J’aime aussi, beaucoup, les parcelles si bien rangées derrière des haies de frênes, de châtaigniers ou de toutes sortes de saules quand le sol est par trop humide.
Un vrai pays de cocagne.
A ce propos chaque jour on me lit un chapitre d’Olivier de Serres un homme courageux, travailleur, entreprenant et ordonné qui a si précisément écrit sur cette matière. Lui qui a développé, dans son Vivarais natal, la culture de la soie venue de Chine. Je lui ai demandé de venir, ici, à Paris enseigner cette science, à mes yeux, plus utile qu’aucune autre.
Et surtout un homme de votre foi protestant calviniste et sudiste …
Comme le comte Sully, lui venu d’Artois il est vrai, toujours à vos côtés à la guerre ( A Coutras, à Ivry, au terrible siège de Paris) comme pour moderniser le pays, grand viguier et grand argentier du royaume et de sa propre fortune.
C’est vrai. Maintenant que tu le dis…
Mais je crains, avant que tu ne me poses la question, de répondre que la grande passion celle à laquelle j’ai le plus sacrifié ce ne soit la chasse et la guerre.
Plus que le lait et le miel, plus que l’odeur des femmes aimées ce sont les flots de sang de mes dagues et de mes épées qui m’ont le plus émotionné.
Avec quand le matin se lève et que la bataille, voire la simple embuscade est si proche, cette folle excitation ce bouillonnement de colère ces cris de Montjoie, ces prières pour monter au ciel une fois occis qui me poursuivent dans mes rêves.
Des rêves qui tous ne sont pas des cauchemars.
Loin s’en faut…
Mais c’est avec notre Seigneur le jour du jugement dernier que j’en parlerai, pas à toi messire l’archange de Bordères ou même à ce coquin d’Amaury de Thou avec qui, incognito, j’ai couru les filles lubriques dans les fêtes de village entre Nousty et Soumoulou juste avant la Marina, un bouge fréquenté par les tiercos espagnols venus dépenser leurs soldes.
Les pires des massacreurs surtout les Aragonais ou les Basques de LOYOLA ceux-là même qui aux Amériques dépècent les indiennes pour voir si elles ont une âme…certainement une manière de papiste à qui tout peut être pardonné.
Mais je me suis laissé dire que toi aussi comme moi tu voulais devenir roi des Français et, pas seulement, vicomte du Béarn.
Vous savez beaucoup de choses.
C’est aussi mon métier que d’être bien renseigné.
Décidément toujours un goût pour la galéjade à la mode gasconne.
Une gasconhitude dirait Ségolène la très charmante duchesse du Poitou qui n’est pas sans me rappeler Gabrielle ou même Françoise de Montmorency …Voire la petite Suzon…
Suzon la souillon de Bordères ? Permettez, seigneur sérénissime, que tout cela reste entre nous..
Tu dois avoir raison…
– par PYC
Paris 14 mai 1609 ,
une année de Pâques tardives et d’inondation au château de Bordères.