Le ministère estime à 700.000 le nombre des élèves affectés chaque année par du harcèlement : insultes, menaces, mise à l’écart, bousculades, poursuite après la fin des cours sur les portables ou les réseaux sociaux. Ce phénomène entraîne chez les victimes une perte de l’estime de soi, un sentiment de culpabilité, du décrochage scolaire, troubles psychiques ou comportements suicidaires. Les pouvoirs publics, depuis trois ans, toutes tendances politiques confondues, ont développé des mesures pour lutter contre ce fléau ; dernièrement, viennent s’ajouter : un numéro, le 3020, joignable, un protocole de prise en charge à l’école ; la médiatisation prend de l’ampleur : journée spéciale de sensibilisation, clip pour les enfants de 7 à 11 ans sur les chaînes de France Télévisions, émissions sur France 2 et France 5…
Est-ce suffisant ?
Le problème est-il spécifique à l’école ? N’est-ce pas un phénomène global lié à une société perdant tous ses repères ?
Il est bien évident que ce comportement est absolument intolérable et qu’il faut faire, dans l’immédiat, le maximum pour le contrôler, l’atténuer et si possible l’éliminer. Si, jadis, dans notre pays, on tolérait la souffrance des enfants : travail dans les mines, les usines, le ramonage des cheminées…, c’est terminé ; la sensibilité et l’émotion ne peuvent plus le supporter, et c’est heureux. Si ces mesures successives prises depuis quelques années sont «nécessaires», elles sont loin d’être suffisantes, faute d’argent ; on préfère investir…. ailleurs !
Les mesures d’urgence, au niveau de l’Éducation Nationale, devraient porter sur la prévention, la détection, le traitement.
– La prévention passe par une action de sensibilisation et de conseils : aux élèves, enseignants, surveillants, l’infirmerie (quand il y en a une !), personnel d’entretien, l’administration (celle d’en bas et celle d’en haut !), aux parents, aux enfants eux-mêmes (les mesures actuelles se limitent surtout à cela).
>La détection passe par :
• Le retour des surveillants, supprimés par souci d’économie, itinérants, dans les couloirs, la proximité des toilettes, le préau, la cour, entre les classes et lors des mouvements de transfert des élèves, à la sortie des établissements avec la collaboration des associations de parents d’élèves.
• La pose de caméras de surveillance avec un contrôle visuel au niveau du conseiller d’éducation.
• Dans les familles, la très grande attention vis-à-vis du suivi scolaire et du comportement des enfants.
>La réponse passe par :
• L’évaluation par un psychologue scolaire du harceleur, de l’harcelé et la prise en charge éventuelle par un CMPP avec des moyens suffisants (Centre Médico-Psycho-Pédagogique) ou de centres experts spécialisés. La fragilité psychique de l’adolescent est bien connue et à prendre en compte. Sud Ouest, le lundi 23 mars 2015, titrait : 20% des enfants et des adolescents dans le monde sont atteints de troubles psychiques (d’après l’OMS), c’est un enfant sur 8 en France (Inserm). D’après l’OMS, dans la moitié des cas, les troubles psychiques apparaissent avant l’âge de 14 ans. Parmi eux, citons les troubles bipolaires, les TOP, la dépression, la schizophrénie bien sûr ; les perturbateurs endocriniens sont une source de dysfonctionnement grave ; à la puberté les retombées psychiques peuvent être importantes ; l’obésité en est un exemple qui intervient dans le harcèlement entre enfants. D’autres «perturbateurs psychiques» sont la source du harcèlement chez les jeunes comme les marques de vêtements et les chaussures à la mode, le deal n’est pas à masquer !
• L’intervention des équipes pédagogiques, de l’assistance sociale, de l’administration, du conseil d’administration comprenant les associations de parents, pour définir les actions à mener, auprès des parents et des enfants impliqués, relations avec l’Inspection régionale et nationale.
• Comme sanction : les comportements d’alerte peuvent être traités sur place par des travaux d’intérêt général au niveau de l’établissement ; au delà, des relais sont à prévoir comme l’intervention des services sociaux, du service spécialisé de la police…
Mais le harcèlement de l’enfance et de l’adolescence, n’est pas inhérent à l’école mais à la société en général. Comprendre le problème dans sa globalité pour agir positivement, nécessite de nombreux constats, réflexions et surtout actions.
1°) Le problème du harcèlement scolaire est inséparable du harcèlement en général. Il est la reproduction de ce qui se passe autour de nous, harcèlement : psychologique, moral, sexuel, familial, au travail, religieux, cyber harcèlement… Plus de 3 millions d’actifs sont au bord de l’épuisement et leur «burn-out» devrait être reconnu comme une maladie professionnelle. Les enfants vivent cela chez eux, en dehors de l’école ! Le harcèlement n’a pas de frontières ; les japonaises sont invitées à renoncer à la maternité et celles qui sont enceintes harcelées, dans les entreprises nippones, pour les pousser à démissionner, leur absence «causant des ennuis» à l’entreprise. En est-on loin en Europe ?
2°) Le harcèlement s’intègre dans des inter-relations avec la dominance et la hiérarchie, bases du fonctionnement de notre société.
Harcèlement : soumettre quelqu’un, un groupe, à d’incessantes petites attaques, à des demandes, des critiques, des réclamations continuelles, des pressions, sollicitations (Larousse) . C’est donc un moyen.
Dominance : c’est vouloir exercer sur quelqu’un, un ascendant, descendant, relation, une influence, lui imposer sa volonté. (Larousse). C’est un but.
Hiérarchie : dans une collectivité (société, institution), c’est une c’est une organisation qui classe les personnes (états, fonctions) selon des échelons subordonnés les uns aux autres, chaque échelon correspondant à un degré de pouvoir supérieur à celui de l’échelon immédiatement inférieur. (d’après le Larousse). C’est donc une situation dans les relations de dominance.
3°) Comme tous les comportements humains, l’ancrage est biologique ; ils sont dans nos gènes et modifiables par l’environnement. Le mot «harcèlement» a été emprunté au vocabulaire de l’éthologie. C’est le comportement de «petits» animaux visant à faire fuir un «gros» prédateur par des attaques répétitives. Ce sont les hirondelles de rocher qui, en vol, se placent au-dessus du faucon pèlerin pour lui donner des coups de bec ; ce sont les mouettes tridactyles qui attaquent le pygargue à queue blanche, lorsque ce dernier, qui vient juste d’attraper un poisson dans ses serres, essaie de reprendre les airs, ce sont les abeilles japonaises qui entourent le frelon pour l’asphyxier…
La dominance et la hiérarchie ont été sélectionnées chez les espèces sociales, oiseaux et mammifères surtout, car favorables à la survie de l’espèce, sans aucune perversité.
L’ordre du «picage»chez les poules a été longuement étudié ; il représente un exemple de la hiérarchie et de la dominance dans une société animale organisée.
Ces relations d’origine biologique ont été complètement transformées par l’environnement culturel imposé par «l’intelligence !» (et le néolibéralisme !) de la société humaine.
La finalité est complètement différente de celle de l’animal.
Ce qui manque à l’humanité c’est de l’animalité.
La finalité de la société animale est basée sur la réussite collective grâce à l’entraide. La finalité de la société humaine est celle de la réussite individuelle ; il faut être meilleur que les autres et éliminer les concurrents. Ce n’est pas étonnant que les potentialités inscrites dans les gènes : hiérarchie, dominance, harcèlement, aient été transformées en comportements pervers pour écraser, rabaisser, éliminer l’adversaire potentiel et se mettre soi-même en sécurité dans l’échelle hiérarchique. Le harcèlement scolaire s’inscrit, hélas, dans cette dynamique !
Les périodes de crises : économique, financière, sociale… augmentent la concurrence et ces comportements déviants. La médiatisation permet aussi une large diffusion, ce qui n’était pas le cas avant.
Qui sème le vent récolte la tempête.
Signé Georges Vallet
crédits photos:bonjourdumonde.co
En réponse à M. Vallet qui m’interroge pour savoir ce que je pense de la sanction par détention dans un milieu carcéral. C’est me flatter que d’ainsi solliciter mon avis. En réalité il s’agit d’un débat de société. Mais je ne m’en tirerai pas par une simple pirouette. Dans l’esprit du législateur (pénal s’entend) l’incarcération existe avant tout pour protéger la société, la paix sociale. On écarte un individu qui présente un danger potentiel. La notion de punition est seulement cet enfermement et ne peut s’assimiler à une vengeance. Sa valeur d’exemplarité est en réalité bien faible, cependant on ne peut nier qu’elle existe. Il faut rappeler que personne ou à peu près ne prend en compte que l’administration pénitentiaire est également investie d’une mission de réinsertion des détenus dans la société. Mais cet aspect est actuellement presque totalement oublié (Voir les SPIP).
Très souvent ceux qui n’ont pas d’expérience pensent qu’une sévère punition permettra de modifier un comportement ; trop simple voir simpliste. Il est vrai qu’après une détention un primo délinquant possède une expérience qui est de nature à le valoriser auprès d’un certain milieu, mais ne généralisons pas. Il faut savoir s’appuyer sur les travailleurs sociaux et souhaiter que ceux-ci acceptent de collaborer avec la justice et ne voient pas en elle qu’une machine à punir ce qui a été trop souvent le cas
Aujourd’hui sur le journal « La République » un article fait de témoignages sur le harcèlement à l’école. A lire.
Merci M.Braud; si la solution à ce problème existait, elle serait déjà appliquée, j’ose l’espérer.
Comme tous le problèmes que notre société rencontre, il n’y a pas une cause ni une solution. A problème complexe ne peut répondre que solution complexe, c’est-à-dire actions à de nombreux niveaux, et il n’en manque pas! La détention peut, sans doute, dans certains cas, être utile, voire indispensable, dans les cas graves où la société doit se protéger.
En ce qui concerne le harcèlement à l’école, je viens de lire un article dans Sud Ouest de ce matin, également très intéressant; il met en valeur l’intérêt de sensibiliser les élèves en général et de former, dans ce cas précis au rectorat, des élèves « référents » ou « ambassadrices » qui peuvent recueillir plus facilement ( le bouche à oreille fonctionne facilement entre les jeunes) les doléances des camarades, soit sur place dans l’établissement, soit comme interlocuteurs dans des associations ouvertes à tous. Cette expérience est réalisée à la Cité Fébus à Orthez.
Cela me semble en effet très intéressant car le plus difficile est de libérer la parole des victimes.
Simpliste, en effet, mais « les hommes sont devant les idées simples comme les chauve-souris devant la lumière, ils sont aveugles » ARISTOTE…
Je ne parle pas de prison au sens général, mais d’une punition plus dure qui met au pli la plupart des détenus les plus violents et donc qui par défaut pourrait mater les harceleurs.
La crainte de la punition maintient une société en ordre, à l’instar du gendarme sur la route, le harceleur doit savoir que ça ne vaut pas le coup pour lui de s’amuser à faire souffrir ses camarades.
Je ne dis pas que la prévention est inutile. Elle est nécessaire pour expliquer ce qu’est le harcèlement parce que ce n’est pas aussi évident que commettre un excès de vitesse. C’est une chose plus insidieuse. Mais si derrière cette prévention, il n’y a pas de sanction qui fasse vraiment peur, la prévention ne sert à rien: pour le harcèlement comme pour toutes les autres infractions.
Prévention, détection, enquête , jugement, application de la loi, telles sont les étapes essentielles à suivre.
Un grand tour de vis, tout simplement, et à l’école encore plus qu’ailleurs. Revenir aux méthodes à l’ancienne, où personne n’avait envie de se retrouver au commissariat ou devant le proviseur…
Qu’est-ce que c’est que cette société qui laisse des petits caïds de 15 ans faire la loi à l’école comme dans la rue ?
Copier 1000 fois « je ne harcèlerai plus mes camarades », à genoux tous les jours durant deux mois, pendant une heure. Les caïds doivent savoir qu’ils ont face à eux, en l’Etat, une puissance supérieure qui va les faire souffrir s’ils font souffrir les autres.
Je crois que la solution existe… mais qu’elle ne sera jamais appliquée, dans ce domaine comme dans d’autres…
» à l’école encore plus qu’ailleurs », « Copier 1000 fois « je ne harcèlerai plus mes camarades », à genoux tous les jours »
De bonnes idées; je voudrais vous voir, par le trou de la serrure, tenter de faire appliquer dans une classe de collège de banlieue, ailleurs même, ces bonnes résolutions!
« Les caïds doivent savoir qu’ils ont face à eux, en l’Etat, »…
L’apprentissage du respect de l’autre et de l’autorité, c’est d’abord entre les membres da la communauté familiale qu’il doit s’opérer, l’école prend le relais pour la renforcer dans les rapports avec les autres membres de la société.
Chercher le% du nombre d’enfants scolarisés vivant dans une famille non éclatée; cherchez le nombre d’enfants vivant avec un seul parent, la mère le plus souvent..et vous prendrez conscience que vos solutions, jadis applicables dans une population scolaire sélectionnée » sont plus compliquées à appliquer que vous le pensez.
Ah ouaihe, trop fun:
« je ne harcèlerai plus mes camarades »
« je ne harcèlerai plus mes camarades »
« je ne harcèlerai plus mes camarades »
« je ne harcèlerai plus mes camarades »
« je ne harcèlerai plus mes camarades « …………….
Je me demande si la remise de la punition ne serait pas plutôt:
« Jeu ne artceulerè plus mes cam en rade……
au stylo, à la main, karouge, pas avec un copier / coller maintenu qui fait l’opération tout seul en quelques secondes !
Si les parents ne remplissent pas leur rôle éducatif (qui passe pas des sanctions si le jeune ne respecte pas les règles de vie en société), il n’y a que l’Etat pour le faire.
Je sais, aujourd’hui, sévir de la sorte dans une classe de collège nécessite de faire intervenir des policiers ou des soldats (armés évidemment). Coller quelques caïds au mitard pour quelques jours ou quelques semaines, voyons s’ils font toujours les malins ensuite et si cela ne donne pas à réfléchir aux autres.
« Si les parents ne remplissent pas leur rôle éducatif (qui passe pas des sanctions si le jeune ne respecte pas les règles de vie en société), il n’y a que l’Etat pour le faire. »
Alors que l’on veut de moins en moins d’Etat, de moins en moins d’impôts, de moins en moins de personnels, il faut qu’il se substitue aux carences du privé! Pauvre Etat au sens propre et au sens figuré!
« Coller quelques caïds au mitard pour quelques jours ou quelques semaines, voyons s’ils font toujours les malins ensuite et si cela ne donne pas à réfléchir aux autres. »
Effectivement, c’est une solution mais est-elle la bonne?
Vous prenez le risque que ces petits caïds, après « quelques semaines au mitard » en sortent encore plus « informés » par la cohabitation avec plus « caïd » qu’eux; ils transmettront la « bonne parole » aux « autres »! qui effectivement « réfléchiront, mais pas dans le sens où vous l’envisagez!
Quoi faire? Travail d’intérêt général? Il faut un encadrement donc du personnel payé par des impôts que les citoyens ne veulent pas payer!
Qu’en pense M.Braud?
Il ne s’agit pas de « se substituer au privé ». L’école des du domaine public, donc c’est à l’Etat d’y faire respecter l’ordre.
Le mitard est la cellule d’isolement, « le trou ». Pas de contact avec les autres détenus et 4 m² de surface de vie… C’est une punition, qui fait mal et que même la plupart des détenus endurcis redoutent.
« Il ne s’agit pas de « se substituer au privé »
Quand vous affirmiez(9/11) : »Si les parents ne remplissent pas leur rôle éducatif , il n’y a que l’Etat pour le faire. », j’appelle cela se substituer au privé car « L’apprentissage du respect de l’autre et de l’autorité, c’est d’abord entre les membres da la communauté familiale qu’il doit s’opérer » (moi le 8/11). La famille, pour moi, c’est de l’ordre du privé!
Par contre, si le « privé » est déficient, c’est à l’autorité de l’Etat de sanctionner les parents déficients quand leur progéniture,non majeure, commet des infractions aux règles du public.
« Le mitard est la cellule d’isolement, « le trou ». »
D’accord, je vous comprends, mais, en pratique, a-t-on autant de « trous » que de petits caïds pour les isoler? A la sortie, ils seront des »vedettes » dans le groupe!
Je ne sais pas s’ils seront des vedettes en sortant, mais il est probable qu’ils ne soient pas pressés d’y retourner. Quant aux autres, ils sauront qu’il existe de véritables punitions douloureuses qui font que ça ne vaut pas le coup de s’amuser à harceler ses camarades.
« Comme sanction : les comportements d’alerte peuvent être traités sur place par des travaux d’intérêt général au niveau de l’établissement ; au delà des relais sont à prévoir comme l’intervention des services sociaux, du service spécialisé de la police… »
Certes, certes, mais chacun qui a connaissance de mauvais traitements doit connaître la loi et les risque que lui-même encourt :
L’article 434-3 du code pénal stipule : « Le fait, pour quiconque ayant eu connaissance de privations, de mauvais traitements ou d’atteintes sexuelles infligées à un mineur de quinze ans ou à une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge, d’une maladie, d’une infirmité, d’une déficience physique ou psychique ou d’un état de grossesse, de ne pas en informer les autorités judiciaires ou administratives est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45000 euros d’amende.
Sauf lorsque la loi en dispose autrement, sont exceptées des dispositions qui précèdent les personnes astreintes au secret dans les conditions prévues par l’article 226-13 du code pénal ».
Autrement dit la loi fait obligation d’informer ou de dénoncer diront certains, sous peine de poursuites contre celui qui ne le fait pas. Le législateur en décidant ainsi accorde une très grande importance à la répression.
Tout à fait d’accord.
Dans mon esprit le comportement d’alerte se résume à la détection ou à la dénonciation d’un début de menaces (les conflits sont nombreux chez les jeunes!), répréhensibles sans doute, mais encore modérées. Bien des fois, heureusement, la convocation, localement, des parents, et séparément des enfants, peut suffire.
Pour des cas de récidives ou de constats plus alarmants, d’invectives de la part des parents du responsable «du cher petit», il est bien évident que, comme je le disais, la hiérarchie du responsable de l’établissement et les services spécialisés de la police pour traiter ces affaires, doivent être, aussitôt les faits connus, contactés par ce chef d’établissement en vue d’une enquête et, si justifié, décider de l’application de la loi.