Où l’on retrouve Marie-Magdeleine, la déesse aux Baronnies, son corps blanc ou ambré suivant la saison et ses yeux myosotis. Pervenches aussi parfois les yeux. Et son joli métier d’infirmière rurale, efficace et déterminée, qui aide les paysans ou les presque mourants à mieux mourir en paix. Qui soigne aussi les bobos des enfants des campagnes ou coupe les ongles du chat de la maison qui bruissent trop sur le plancher .
Où l’on retrouve les corps martyrisés ceux du bataclan ceux de la rue de Charonne. Ceux de 1965 et ceux de 2015. Ou l’on retrouve les médecins et les infirmières du Val de Grâce ou de la Salpêtrière qui extirpent les balles et épongent à pleine brassée le sang noirâtre qui coule des plaies et giclent des artères fémorales ou jugulaires trop hâtivement garrottées.
Où obstinément ou revoit son joli corps athlétique et diaphane et ses pieds un instant blessés par vous de si près tenus …et tant aimés. Son sourire angélique et luciférien et ses yeux que vous n’avez jamais vu emplis de larmes, ni dans la peine ni, moins encore, dans le plaisir… trop séraphique pour cela …. trop pénétrée de Mozart… de la flûte au requiem ..
Et les enfants qui crient et les mères qui se tordent de douleur et les armes de guerre : les mortiers et les grenades offensives qui décapitent et déchirent les corps. Des corps trentenaires attablés au boulevard pour boire un dernier verre. L’odeur sourde de la haine et le bruit des balles qui giclent sur les trottoirs ou assourdies quand elles pénètrent les étoffes puis les corps.
Où l’on retrouve la douleur mortelle d’aimer et perdre son amour emporté pour un autre, monté aux cieux ou noyée dans l’Adour . Les idées de se retirer du monde tellement cet ange cette fille de Bigorre vous emplissait là juste au dessus du viaduc de Lanespède. Où l’on refuse de prendre du Tranxène ou du Prozac qui vous mange le cerveau et qui vous empêche de souffrir et donc de penser à elle. Où les images en boucle sur LCI et BFM participent de votre angoisse intolérable et honteuse..
Où les djihadistes venus de Syrie, d Alep ou de Damas, plus sunnites que chiites bourrés de haine et de Captagon (1) avec précision et méthode massacrent sans même jouir souffrir ou haïr.
Où l’interne venu se Syrie, Alaouite et docteur en neurochirurgie, extirpe du cerveau de cette filles montée des Pyrénées, sous le microscope vite monté, la balle qui risque à jamais d’annihiler sa conscience du monde et son amour de la poésie pré-occitane .
Et les enfants qui crient et les mères qui se tordent de douleur et les armes de guerre les kalachnikov, les mortiers qui déchirent les corps trentenaires montés de Province attablés pour boire un dernier verre.
Où au sortir de la nuit on pense à une goutte de son sang sur une compresse d’infirmière. Une goutte écarlate et translucide parmi les philtres surgras qu’utilisent les femelles depuis 300 000 ans et qui embaument l’asphodèle, la pervenche et le myosotis.
Où l’on pense aux flots de sangs vermeils retirés des garrots vite posées par des secouristes compatissants.
Alors que faire alors que dire. Pourquoi et comment se plaindre ?
Le plus simple est certainement de monter aux baronnies à l’ abbaye de l’Escaladieu ou au chevet des églises de d’Esparros ou de Bourg de Bigorre pour demander à notre petite notre déesse, naïve et profonde comme l’Adour, compatissante et miséricordieuse ? mutine et courageuse ? si elle a un avis sur la question et de lui demander de prier pour nous et se veiller à notre repos.
(1) La fénétylline, parfois écrite fénéthylline par anglicisme, est un composé organique constitué d’une molécule d’amphétamine unie à une molécule de théophylline par un pont éthyle. Elle se comporte donc comme une prodrogue de ces deux molécules2,3. Elle est vendue comme psychostimulant sous les noms de Captagon.
Pierre Yves Couderc.
Tournay 22 novembre 2015, une semaine après les attentats. Plus de deux mois après qu’elle fût montée aux cieux et que Swan son paon le plus proustien ait ét2 dévoré par maître goupil énervé par l’odeur du sang le bruit des armes lourdes et le crillage de l’oiseau somptueux empanaché d’or de cobalt et de jade.
Toujours un peu compliqué à suivre dans son récit, monsieur PYC dans cet article nous offre un parfum de poésie (de colchique?) descendu des Baronnies, et de ce gouffre d’Esparros nous remémore un homme digne de ce qu’il nous reste à faire désormais : découvrir et résister :Norbert Casteret. Merci, monsieur PYC !
http://gouffre-esparros.fr/le-gouffre/la-visite/lhistoire/