Dernièrement, j’évoquais l’importance de chaque individu dans le déroulement de l’Histoire.
Les Nouvelles Technologies de l’Information avec Internet et les terminaux personnels mobiles connectés (TPMC) ont ouvert un nouveau domaine de réflexion sur le rôle de chacun.
«Pour la première fois de l’histoire, on peut entendre la voix de tous. La parole humaine bruit dans l’espace et dans le temps. Phénomène assez général, ce nouveau bruit de fond, tohu-bohu de clameurs et de voix, privées, publiques, permanentes, réelles ou virtuelles, chaos recouvert par les moteurs et les tuners d’une société du spectacle irréductiblement vieillie….»
«Tout le monde veut parler, tout le monde communique avec tout le monde en réseaux innombrables. Ce tissu de voix s’accorde à celui de la Toile; les deux bruissent en phase.» Michel Serres.
Homo sapiens, l’homme «raisonnable» est devenu un homme «réson-nable»
Si pour beaucoup, cette anarchie du verbe jette l’opprobre sur ses acteurs et défenseurs, la réponse ne se fait pas attendre :
«Sur ce point précis, Petite Poucette apostrophe ses pères. Me reprochez-vous mon égoïsme, mais qui me le montra ? Mon individualisme, mais qui me l’enseigna ? Vous-même, avez-vous su faire équipe ? Incapables de vivre en couple, vous divorcez. Savez-vous faire naître et durer un parti politique ? Voyez-vous dans quel état ils s’affadissent….. Constituer un gouvernement où chacun reste solidaire longtemps ? Jouer à un sport collectif, puisque, pour jouir d’un spectacle, vous en recrutez des acteurs dans des pays lointains où l’on sait encore agir et vivre en groupe ? Agonisent les vieilles appartenances : fraternités d’armes, paroisses, patries, syndicats, familles en recomposition ; reste les groupes de pression, obstacles honteux à la démocratie» Michel Serres.
Ces objets individuels du quotidien sont la source d’un paradoxe car ces moyens de l’individualisme sont aussi des moyens de nouveaux collectifs, de nouvelles communautés. Ce constat n’a pas échappé à de nombreux scientifiques, neurologues entre autres, qui voient dans le fonctionnement chimiquement interconnecté du cerveau, par les plus de 10000 synapses de nos 100 milliards de neurones, une analogie avec le fonctionnement de notre société ; ces connexions unissent les différents organes de gestion par un réseau câblé grâce à la myéline des cellules gliales.
Lionel Naccache, neurologue, professeur de médecine à la Pitié-Salpêtrière, directeur d’une équipe de recherche à l’Institut du cerveau et de la moelle épinière (ICM), dans un ouvrage récent : «L’homme réseau-nable, du microcosme cérébral au macrocosme social» chez Odile Jacob, explique comment la connaissance de l’architecture des réseaux de neurones du cerveau peut nous aider à comprendre celle des réseaux interindividuels des sociétés humaines. Il compare la crise d’épilepsie cérébrale, microcosmique, et la crise, macrocosmique, que vit notre monde. La ressemblance est en effet parfois troublante quand on fait un parallélisme!
Une crise d’épilepsie est en effet un phénomène au cours duquel plusieurs régions cérébrales se mettent à trop communiquer entre elles pour finalement échanger des informations pauvres et stéréotypées. Elle se traduit par la répétition de crises imprévisibles. Ces crises peuvent prendre différentes formes et varier en intensité. Les crises d’épilepsie résultent d’une activité excessive d’un groupe plus ou moins important de «cellules nerveuses cérébrales», provoquant l’équivalent d’un court-circuit entre les neurones.
Parmi les symptômes :
– des absences durant lesquelles la personne, qui semble coupée du monde, perd le contact avec son entourage ;
– des contractions musculaires involontaires ;
– des hallucinations sensorielles (auditives, visuelles).
Cela ne vous rappelle rien ?
Il n’ignore pas que cette analogie n’est pas une démonstration, pourtant un lien existe entre ces deux mondes : le fonctionnement de ces cerveaux est affecté par les relations interindividuelles rendues possibles par ces structures sociales. Il nous fait découvrir en quoi notre monde contemporain, par le jeu des «infinis» Sujets qui s’expriment, dispose d’un potentiel de conscience jamais atteint auparavant, mais également pourquoi il est exposé à des fragilités qui se manifestent dans les crises traversées aujourd’hui par les sociétés occidentales : mondialisation, retour du religieux, «réduplication» du monde à l’identique en plusieurs points du globe, crises des démocraties…Un constat qui devrait interpeller sérieusement chacun et chacune d’entre nous, nos gestionnaires à tous les niveaux, du moussaillon au commandant !
L’Homo sapiens, de«raison-nable», puis réson-nable, est devenu«réseau-nable».
Georges Vallet
crédits photos: rfi.fr
Côté épilepsie, je vous conseille ce magnifique roman d’André Richaud (qui donne envie de relire toute son oeuvre), « le mal de la terre ». Un lien vers ce grand auteur oublié : http://www.lekti-ecriture.com/editeurs/Le-mal-de-la-terre.html
André de Richaud pour être exact comme un coucou suisse.
Merci bien, le conseil sera suivi.
« Le mal de la terre »! La comparaison se confirme!