Les leçons espagnoles


imgresLes élections espagnoles sont un double enseignement.

Le premier nous conduit à constater que l’électorat ne se satisfait plus d’une alternance permettant de fait un partage du pouvoir entre deux formations politiques hégémoniques.

Pourquoi pas en France ? Droite et gauche, quelle différence ? Quel(s) critère (s) de distinction ? Qui n’est pas pour le progrès social, la protection du plus faible, la libre entreprise, la sécurité publique, la sévérité contre les fauteurs de trouble, la corruption, etc ?

Aucune différence profonde et heureusement. Une représentation plus équitable des diverses expressions de l’électorat aurait pour vertu de conduire à une minoration sensible de l’abstention et à des pratiques politiques éculées que rejette la grande majorité des citoyens.

Or, dans notre pays, nous assistons à un jeu qui permet à deux mouvements politiques de se partager le pouvoir et surtout de mettre tout en œuvre pour que les choses continuent ainsi.

Mais, et c’est la seconde leçon espagnole, il faut, pour y parvenir, que le changement des mentalités s’accompagne des changements d’hommes (ou de femmes ) qui confisquent le pouvoir depuis des années grâce à divers subterfuges dont le système électoral est le meilleur aval.

Car tout est là. Pas de changement réel sans toucher à tout ce qui crispe les électeurs.

Les maux, tout le bon peuple les connaît. Toujours les mêmes aux manettes qui ne peuvent rien proposer de nouveau sans renier ce qu’ils ont mis en œuvre , toujours des promesses non tenues, des systèmes mafieux de copinage, de récompenses, de corruption latente soigneusement dissimulée.

Quels femmes ou hommes nouveaux à la radio ou la télévision ? Toujours les mêmes depuis des décennies.

Ils sont certes tous d’accord pour considérer que les choses doivent changer, mais ils ne voient pas ou feignent de ne pas voir que le premier signe d’un vrai changement serait qu’ils partent vivre une retraite paisible (sans problème financier) et silencieuse pour qu’on n’en entende plus parler.

Pierre ESPOSITO

Avocat honoraire.

19 commentaires sur « Les leçons espagnoles »

  1. Un commentaire intéressant
    http://www.boursorama.com/actualites/presidentielle-de-2017-3-francais-sur-4-ne-veulent-ni-de-hollande-ni-de-sarkozy-0777a6639de258e9cb9fb546e282f702
    de « M2723293 »
    « Le Pb est que le système occupe de nombreux citoyens dont la seule raison de vivre est le maintien des structures actuelles de gauche comme de droite. La famille étant participante, tout le monde vote pour ses bienfaiteurs. Il suffit de rendre les autres abstentionnistes pour que le système perdure. Pour ces gens là, le vote obligatoire est une inconnue non maitrisable avec beaucoup de risques de perdre les avantages et privilèges. »

  2. En réponse à Georges Vallet.
    J’apprécie toujours vos intervention tant elles sont constructive et réfléchies.
    Quelques remarques à mon tour si vous le permettez.
    Les élections législatives à la proportionnelle ne sont pas un obstacle à l’élaboration d’une coalition au pouvoir, elles en sont la contrainte. Nous Français, comme les Espagnoles d’ailleurs sommes des latins et de ce fait, peu enclins à ce type de gouvernance à la différence d’ailleurs des Allemands. Il y a là une réalité incontournable. La cinquième république a eu comme principal avantage sa stabilité gouvernementale, c’était la volonté de de Gaulle. Par la suite les politiques ont modifié certaines données. Réduire le mandat présidentielle de sept à cinq ans été une erreur monumentale qui conduit à ce que nous connaissons maintenant, un pays en permanente campagne électorale avec un président de la République qui a été ramené au niveau du premier ministre.
    Même si nos politiques se sont montrés incapables de mener à bien ce que j’appelle des réformes de fond, ils ont cependant géré le pays de façon stable et pacifique. L’engagement européen a été une réussite.
    Lorsque je parle de réformes de fond je pense à une remise à plat de notre système fiscal qui est devenu injuste et qui doit être repensé. Le néolibéralisme n’est pas à considérer comme une réforme de fond. Le résultat des élections régionales devrait conduire les politiques à considérer leur propre disqualification par le citoyen. Et là on peut parler de non cumul des mandats, de renouvellement de la classe politique, de la diminution du nombre des élus, de la diminution des strates de notre mille-feuille, du respect de la transparence et de la responsabilisation des décideurs. Voilà ce que j’évoque par réforme de fond.
    Maintenant l’instruction ou l’information du citoyen constitue une entreprise certes noble, mais sans doute illusoire. Vous faites partie de ceux qui ont accès à la culture, mais n’ignorez pas le degré d’inculture d’une certaine frange de la population, on peut le regretter mais c’est ainsi. Lorsqu’on demande aux Français, s’ils sont contre le cumul des mandats ils répondent à une très forte majorité que oui, mais ils votent pour le Drian. Lorsqu’on demande aux Français s’ils sont pour l’honnêteté en politique, ils répondent à une très forte majorité que oui, mais ils votent pour Balkany.
    La logique n’est pas toujours du côté de l’électeur. Que disait Churchill à propos de la démocratie ?

    1. Merci de votre intervention.Je partage la plupart de vos propositions de réforme, certaines avec quelques nuances quantitatives, mais ce serait trop long de rentrer dans les détails. D’accord aussi pour le constat culturel mais c’est justement pour cela que je considère que l’instruction n’est pas seulement une entreprise « noble » mais au contraire « une priorité essentielle » par où passe l’approche rationnelle et véritablement « sapiens » i des problèmes, seule possibilité pour une coexistence apaisée.

  3. Gardons nous de jeter les nouveaux venus avec l’ eau du bain. Ce qui arrive à l’ Espagne n’ est pas une catastrophe. Ce qui pourrait l’ être c’ est que les nouveaux élus aient comme certains anciens élus un esprit de revanche et non un esprit d’ innovation et de responsabilité.
    Cette nouvelle génération d’ élus se sait attendue  » au tournant  » comme l’ on dit et sait aussi que sa marge de manoeuvre est faible du fait d’ une part du lourd passé politique de l’ Espagne, d’ autre part de l’ intégration européenne de l’ Espagne et de la mondialisation.
    Au même titre que savent le faire les pays de l’ Europe du Nord il faut qu’ ils réalisent une coalition, limitée à une feuille de route, qui prenne en compte l’ ensemble des problèmes récurrents dont souffre la société Espagnole.
    Souhaitons leur que autant pour les uns que pour les autres qu’ ils gardent le sens des responsabilités pour gérer ce pays et non un esprit de revanche systématique qui pourrait amener le chaos. Les nouveaux élus ne sont pas arrivés là par hasard, les anciens n’ ont pas été non plus chassés par hasard. Le peuple a tranché démocratiquement pour une autre politique et donné en connaissance de cause son adhésion, maintenant laissons les travailler et nous ferons le bilan. Il vaut mieux voir arriver Podémos et C’s en Espagne que le FN chez nous, qui sera sûrement bien pire.

  4. Voilà un exemple de ce que donne un mode de suffrage à la proportionnelle. Maintenant en Espagne il faudra composer avec les différentes formations pour obtenir la majorité absolue à la chambre des députés. Les Espagnols sont-ils disposés ou capables d’être placés sous l’autorité d’un gouvernement de coalition ? Et vous, en France, qui réclamez des élections législatives à la proportionnelle savez-vous que nous sommes incapables d’envisager une coalition au pouvoir. Le jeu des alliances des compromis, voire des compromissions est ce qui accompagne ce genre de vote. Si l’on transpose à l’élection législative le résultat des élections régionales, on se retrouve avec une assemblée nationale sans majorité absolue. Comme sous la quatrième l’instabilité gouvernementale empêchera toute réforme de fond.

    1. «Et vous, en France, qui réclamez des élections législatives à la proportionnelle……… Comme sous la quatrième l’instabilité gouvernementale empêchera toute réforme de fond.»
      Quelque remarques me viennent à l’esprit:

      Que les élections législatives à la proportionnelle soient un obstacle à l’élaboration d’une coalition au pouvoir, je n’en doute pas; et pourtant, c’est la meilleure représentation de l’image réelle d’un pays à l’instant du vote.
      Le système actuel favorise au contraire l’obtention d’une majorité stable capable, pendant cinq ans, de mener à bien, comme vous dîtes, des réformes de fond.

      Que ce soit la gauche ou la droite, depuis bien des années, les ont-elles faites?

      Le nombre et la puissance des individualismes et des corporatismes de toute nature, évolutifs d’ailleurs, constituent une force plus puissante que celle des majorités «stables»; elle empêche toute réforme de se faire; elles redonnent l’image «proportionnelle» du pays qui était masquée par le système électoral, avec l’inconvénient que la constitutionnalité nécessaire pour les décisions est remplacée par la loi du plus fort.

      Un autre sujet, important sans doute, est à manipuler avec précaution, l’expression «réforme de fond»! Et cela pour plusieurs raisons:
      1°) Dans un ensemble complexe infiniment fragile qui est notre société, «les réformes de fond»sont inquiétantes, car déstabilisatrices par essence, surtout dans le contexte décrit ci-dessus.
      2°)Le contenu de ces réformes est aussi inquiétant car les reformes nécessaires pour les uns ne sont pas forcément nécessaires aux yeux des autres.
      La pensée unique considère que les réformes de fond doivent adapter notre société au néolibéralisme or le bruit de fond qui monte du monde associatif, c’est-à-dire de ceux qui sont sur le terrain, au contact de la réalité de ceux qui y vivent, montre le malaise de plus en plus insupportable vis-à-vis de «ces réformes dîtes essentielles»! Les valeurs exprimées ne sont plus les mêmes.Les élections qui se succèdent montrent aussi, dans plusieurs pays européens, que ce malaise gagne le collectif politique avec l’apparition de ces partis empêcheurs de «continuer en rond»!
      Il n’y a qu’en mathématiques que la valeur absolue existe!

      Alors que faire?
      Ce n’est pas simple, irréalisable probablement, possible pourtant, mais sans issue autrement!
      a)Un patient et long travail de fond est indispensable sur l’ensemble de la population, politiques ou non, ceci grâce à l’instruction, à l’acquisition des connaissances que les avancées de la science permettent et qui fait défaut cruellement.
      b)Reprendre contact avec la réalité du temps nécessaire aux transformations.
      c) Prendre conscience que la politique actuelle qui échoue n’est pas une institution définitive, qu’elle est comme la nature, évolutive, sous la pression de l’environnement culturel.
      b) Changer de paradigme de pensée auquel nous sommes accros en remplaçant le raisonnement linéaire réducteur du bouleversement de fond par un raisonnement complexe nécessitant des évolutions par petites touches dans de nombreux domaines.

      La leçon inaugurale au collège de France de l’historien Patrick Boucheron le 17 décembre 2015 est remarquable à cet égard:

      «l’Histoire ne doit pas se contenter de raconter la façon dont les pouvoirs se sont établis (les rois, la formation des nations, des Etats), mais aussi les tentatives d’organiser la cité autrement, même et surtout quand elles ont échoué. Ces «expérimentations politiques», qui pullulent dans l’Italie des trecento et quattrocento, l’historien doit s’y montrer attentif, car elles nous indiquent d’autres mondes possibles. «Ce que peut l’histoire, c’est aussi de faire droit aux futurs non advenus, à ses potentialités inabouties.»
      «Pourquoi se donner la peine d’enseigner sinon, précisément, pour convaincre les plus jeunes qu’ils n’arrivent jamais trop tard?»

  5. L’enseignement principal de ces élections espagnoles c’est qu’elles tournent vers une société civile non extrêmiste (même si Podemos est plus à gauche que la gauche traditionnelle, et que les problèmes énormes que vit encore l’Espagne à l’heure actuelle restent une réalité tangible -chômage, logement, salaires, assurances sociales, soins médicaux, etc-), et qu’en aucune façon le peuple espagnol ne s’est retranché dans une extrême droite dont pourtant elle a vécu les tenants et les aboutissants.

    Lire cet article plein de bon sens, comme d’habitude, et le savoir signé par un ancien adhérent du FN me rappelle la vignette de Samie Louve (« la tactique de la politique »). Je m’excuse auprès de maître Esposito, ancien bâtonnier, avocat honoraire, mais sous un discours générique (remplacement de la classe politique vieillissante, représentation proportionnelle, etc), reviennent les mots dont on entrevoit la dualité perverse :

    « Mais, et c’est la seconde leçon espagnole, il faut, pour y parvenir, que le changement des mentalités s’accompagne des changements d’hommes (ou de femmes ) qui confisquent le pouvoir depuis des années grâce à divers subterfuges dont le système électoral est le meilleur aval. »

    « Les maux, tout le bon peuple les connaît. Toujours les mêmes aux manettes qui ne peuvent rien proposer de nouveau sans renier ce qu’ils ont mis en œuvre , toujours des promesses non tenues, des systèmes mafieux de copinage, de récompenses, de corruption latente soigneusement dissimulée. »

    « Quels femmes ou hommes nouveaux à la radio ou la télévision ? Toujours les mêmes depuis des décennies. »

    En deux mots, les Lapalissades ne mènent pas toutes à Vichy. N’en déplaise aux Bourbonnais. Cependant, sur la robe, relancer la mode…

    1. Merci Karouge de cet éclairage mais vous n’avez pas à présenter vos excuses à ce Monsieur Esposito. Quand on a fait la promotion du FHaine et de Le Pen et compagnie, on ne mérite que le mépris.

  6. Il est de bon ton de se plaindre des politiques. Ils sont « nuls », « pourris » etc partout et depuis des décennies. Cependant, si telle était la problématique, alors, ceux-ci auraient dû être battus depuis longtemps aux élections au lieu d’être éternellement réélus…
    Le problème, c’est le peuple, l’état de la société, l’homme moderne.
    Il va falloir essayer de re-vivre ensemble, dans un système libéral mais sans abus, en essayant de re-connaître l’autre et de ré-apprendre ce qu’est l’intérêt général. Vaste programme !

    1. Concrètement, Rajoy n’écoutait que sa garde rapprochée. Il était sourd à tout le reste (Opposition, mouvements citoyens et mouvements nationalistes). Le résultat est là. C’est un désastre pour le PP. Je m’étonne qu’ils ne l’éjectent pas.
      Le grand enjeux : Parler avec l’autre. Partout.

      1. BB: « Le grand enjeux : Parler avec l’autre. Partout. »
        Tout simple, mais pas facile… Celui qui prétend le contraire est soit un génie de la communication soit qqun qui se trompe.

    2. « Il va falloir essayer de re-vivre ensemble, dans un système libéral mais sans abus, en essayant de re-connaître l’autre et de ré-apprendre ce qu’est l’intérêt général »

      Je crains que le système libéral ne soit pas adapté du tout aux vertus qu’il va falloir essayer:sans abus, reconnaître l’autre et intérêt général.
      Le système libéral est en effet basé sur:

      La compétition pour le toujours plus: produire, gagner, vendre, consommer plus….ce qui conduit fatalement à produire des abus de produits inutilisés, de déchets, des maladies….
      Reconnaître l’autre pour le supplanter, le combattre pour éliminer ce concurrent insupportable. C’est la lutte pour être le plus fort!
      La reconnaissance avant tout de l’intérêt particulier et non de l’intérêt général.

      1. Le libéralisme économique n’est pas incompatible avec la redistribution des richesses (au contraire…), et avec une politique écologique volontariste (par exemple taxer les combustibles fossiles et subventionner les travaux de rénovation de l’habitat).

  7. Que deux mouvements politiques se partagent le pouvoir me paraît une constante de la démocratie. En UK, aux USA, en Allemagne par exemple. Mais en France aussi.
    Le Front National n’a fait que prendre la place occupée par le PC pendant plus d’un demi-siècle.

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