Le salon de l’agriculture vient de fermer ses portes. Notre grande région a été particulièrement bien primée. J’en retiendrai pourtant deux impressions très différentes.
Retour au XVII ème siècle : Le corps vivant est une machine.
« Le corps vivant est une machine où toutes les fonctions résultent de la seule disposition des organes, ni plus ni moins que les mouvements d’une horloge ou autre automate de celle de ses contrepoids et ressorts. » (Descartes: De l’Homme, Vl)
Comme les autres années, ce salon a été une splendide manifestation économique, une vitrine grande ouverte sur le public, les acteurs économiques nationaux, l’Europe et le monde. Il valorise la technologie française en vue d’enrichir les débouchés commerciaux avec l’étranger. Tout est fait pour mettre en valeur.
La visite a permis d’aborder 4 parties : l’élevage et ses filières, les produits gastronomiques, les cultures et filières végétales, les métiers et services de l’agriculture.
- Comme au salon de l’automobile, les plus belles carrosseries sont présentées, lavées brossées, lustrées, caressées avec amour par les fabricants et le public ; les modèles haut de gamme, comme «cerise», font l’objet de l’admiration de tous, les différentes marques ou filières ont leur stand vantant, dans un berceau de paille fraîche, la fierté et la tendresse qu’elles portent à leur différents modèles.
- Au niveau du grand public, non professionnel, l’attraction porte plutôt sur les pièces détachées que sur le produit fini ; c’est pourquoi une partie importante de l’espace est réservée à la commercialisation des composants séparés des divers modèles, tout est mis en valeur : les qualités, le lieu d’origine, la technique de fabrication. Il y en a pour tous les goûts, chacun, aidé par des professionnels accueillants, peut s’initier au professionnalisme, au savoir faire… des concepteurs et des fabricants. C’est la partie la plus prisée par le public !
- La rentabilité énergétique et financière des «moteurs» organiques, les études comparatives des différents carburants utilisés pour les faire croître, les programmes de prévention contre les risques de dysfonctionnement, les thérapeutiques, sont abordés dans le secteur dit de «l’agroalimentaire et du phytosanitaire». C’est le secteur dans lequel la France est le plus en pointe mais celui qui est le plus soumis à critiques par le public contestataire, mal informé d’après les responsables de production.
- En ce qui concerne les métiers et les services, les informations apportées se veulent rassurantes mais bien optimistes en ce qui concerne les débouchés professionnels ; la raréfaction des terres, l’industrialisation, l’invasion des nouvelles technologies, la concurrence des pays voisins et lointains dans la production de masse, rend l’avenir assez sombre. Le discours qui prévaut est qu’il ne faut pas décourager les vocations ! Pas de problème, d’ailleurs le mauvais choix n’est pas pris en charge par la filière !
Une filière est entrain de se développer activement avec des résultats très encourageants; une émission de FR3 Aquitaine Poitou Charentes Limousin a montré l’engouement des paysans et des consommateurs de notre région ; elle se base sur des relations horizontales le plus localement possible, entre les producteurs et les consommateurs ; cette stratégie supprime la hiérarchie des décideurs, des intermédiaires inutiles ; de plus, elle se spécialise dans le développement de la qualité sanitaire et gustative, sans pesticides ni herbicides; elle remplit l’espace recherché par de plus en plus de consommateurs, anxieux des révélations, et laissé libre par la production industrielle.
Quelques chiffres sur le bio publiés par Sud Ouest : marché en hausse de 10% en 2015, 3,50 euros le kilo de porc payé au producteur bio, 1,25 en élevage conventionnel; 430 euros la tonne de lait bio contre 297 pour le lait conventionnel. Ces chiffres ne tiennent pas compte des dépenses issues des dégâts causés par la pollution, le traitement, ou pas, des lisiers; sommes normalement à la charge des pollueurs mais payées par le contribuable, consommateur bio ou pas !
La filière représente plus de 100.000 emplois directs. La France reste au 2/3 tributaire des importations de porc bio, le pays est déficitaire en lait et en céréales bio. Que de marchés à prendre !
C’est un schéma politique et individuel de pensée qui est à revoir.
D’un côté, changer ces régimes axés sur la viande, rechercher une nourriture variée en fruits et légumes de bonne qualité gustative et physiologique.
D’un autre, produire moins peut-être (et encore !) mais gagner plus, car la qualité, recherchée par les consommateurs français et étrangers, devient une source de commercialisation rentable en prix et bien moins compétitive dans la sphère européenne.
En dehors de toutes ces considérations économiques, où sont ceux qui se préoccupent de tous ces êtres vivants sensibles qui stressent et qui souffrent ? Je ne les ai jamais rencontrés !
La bataille d’Hernani a bien eu lieu.
La deuxième impression qui ressort de ce salon est que le grand théâtre national de la Porte de Versailles a fermé ses portes le 6 mars. Si on a noté une baisse de 11% de la fréquentation, le public a été particulièrement nombreux ; il n’ignore pas que c’est toujours un vrai plaisir pour les yeux, le gosier et les papilles, parfois même les oreilles. Il en a eu pour son argent cette année, 13 euros seulement pour voir et entendre 47 personnalités politiques, avec des divertissements nombreux provoqués par des situations relationnelles pour le moins difficiles entre les acteurs !
De nombreuses représentations ont eu lieu : plusieurs pièces de Molière comme Le Tartuffe ou l’Imposteur, le malade Imaginaire…; les visiteurs ont même pu revisiter une adaptation actuelle, très politisée, de la bataille d’Hernani ! Les protagonistes, particulièrement motivés, ont su transformer l’atmosphère ambiante primitivement conviviale en un vivre ensemble particulièrement en phase avec l’esprit nauséabond du moment.
De nombreux artistes, parmi les plus médiatiques et les plus primés par les médias du moment, c’est-à-dire ceux de la nouvelle «commedia del l’arte» y ont participé. Certains se sont même rencontrés, ils ont pu échanger des propos souvent humoristico-satiriques. Comme toujours, dans un tumulte pas toujours bien contrôlé, ils ont eu un franc succès, dans un sens comme dans un autre. L’objectif était de développer le plus possible leur popularité dans un milieu dont la réceptivité était souvent à développer. Ils ont longuement joué leur one-man-show ou one-woman-show mais la réussite n’a pas toujours été celle attendue; l’un d’entre eux est même resté trois jours pour convaincre ! Quelle détermination ! Les femmes se sont moins ridiculisées que les hommes, quota non respecté !
Dans un espace en général réservé au pragmatisme et au parler vrai, crûment parfois, le niveau culturel s’est brusquement élevé et la transcendance s’est invitée.
On a eu droit à la divine comédie.
«Cerise, l’emblème de ce salon, vient des Landes, elle était heureuse de rencontrer son évêque», a plaisanté l’évêque de Dax.
Avec lui, ce lundi 29 février, ses 14 collègues ont parcouru tout au long de la journée les allées du parc des expositions à la rencontre des agriculteurs. «Nous avons entendu leurs joies, mais aussi leurs souffrances et parfois même leur colère», ont-ils commenté à l’issue de cette journée.
Avec un tel soutien, les agriculteurs ont-ils été sensibles ? Peut-être, mais à vérifier ! L’Europe, comme le seigneur, entendra-t-elle leurs problèmes ?
Dans cette description, les «intermittents du spectacle» ont été oubliés ; ils forment pourtant la base et la raison même de l’existence de ce salon. Sans eux, pas de spectacle possible ! Le public, tout à ses distractions, n’a pas pris conscience de la précarité de leur emploi ; leur contrat est à durée très déterminée, très brève en général ; ceci est lié à un amour raisonnablement limité, par l’intérêt financier, de leur employeur.
Quelques voix s’élèvent pour défendre ces intermittents qui ne peuvent pas prendre la parole ; elles demandent, par exemple, que le public, au niveau du salon, puisse se rendre compte, de visu, de la façon dont ils sont rémunérés ; ces voies là ne sont pas entendues non plus !
– Par Georges Vallet
Crédit photos : perso.univ-lyon2.fr
Je profite de ce commentaire pour signaler à Georges Vallet un livre qu’on m’a recommandé et que je me suis procuré : » Le tout bio est-il possible ? »
de Bernard le Buanec, Edition Quae..
D’autre part , je suis tout à fait d’accord pour accorder des droits précis aux animaux
cordialement
A ceux qui ont lu mon texte, je signale «le portrait» de l’universitaire limousin Jean-Pierre Marguénaud par Pierre Tillinac dans Sud Ouest du samedi 12 mars.
Quelques extraits:
«Les animaux s’arrangent toujours pour nous renvoyer aux questions cruciales: la vie et la mort, la douleur et le bonheur, la nature et la culture, l’être et le paraître, la servitude et la liberté.
Depuis 2009, et à son initiative les universités de Limoges et de Montpellier publient une revue semestrielle de droit animalier accessible gratuitement sur Internet.
En citant John Stuart Mill, il constate que les grandes causes passent par le ridicule, la discussion et l’adoption.
Des progrès ont été réalisés; en 2015 les animaux sont passés du statut de biens en êtres vivants doués de sensibilité. Or, en droit français, il n’existe que deux catégories: les biens et les personnes!
L’universitaire milite pour accorder aux animaux une personnalité morale permettant de leur reconnaître des droits limités en fonction de leur espèce et de leurs besoins. En effet, ce n’est pas parce que on défend le droit des animaux qu’on se doit de donner les mêmes droits à la puce et au chien! Le prochain combat sera l’extension aux animaux sauvages de la répression des actes de cruauté.»
Le problème qu’il évoque de la différence entre la puce et le chien soulève celui de la limite à définir. Question importante que seule une approche scientifique peut