« Ridicules » : c’est ainsi que s’intitulait une tribune de Sergi Javaloyès dans la République des Pyrénées, dans sa chronique hebdomadaire.
« Ridicule », c’est donc de cet adjectif qu’a été affublé l’atypique conseiller départemental Jacques Pédehontaà, qui a fait parler de sa commune de Laàs , un village de 118 habitants, pour son projet de principauté qui lui valut une caricature du petit journal de Canal Plus fin 2014. De même, un pauvre « étudiant d’HEC » se voyait vilipendé et traité de manière condescendante de « gojat »(1) pour avoir osé écrire, Oh crime odieux, « le béarnais se parle comme il s’écrit ».
On ne pourrait comprendre cet excès de méchanceté gratuite sans être au courant de la sempiternelle et obscure bataille linguistique qui anime, dans la quasi indifférence du grand public, les tenants de « l’occitan » et du « béarnais », et qui permet de décoder la rhétorique étrange du chroniqueur du dimanche (au sens propre) de la Rép. Face à l’adversité et aux difficultés d’une langue qui peine à se transmettre, l’ennemi, tel un mouton noir est ainsi désigné : celui qui ne pense pas pareil, qui n’écrit pas pareil, ou encore celui qui préfère les « baquétes »(2) à la croix languedocienne(3), bref, celui qui rompt l’unité d’un discours que l’on voudrait unique, sans voix différente. Cet ennemi, puisqu’on ne peut pas décemment le désigner d’autres noms plus diffamants (il fut un temps où on aurait pu parler d’« hérétique »), est donc taxé de « ridicule ».
Le ridicule ne tue pas dit l’adage. Mais ce qui est certain, c’est que le ridicule est une notion purement subjective, et en rapport avec la personne qui émet ce jugement. C’est la même chose pour le « con » d’ailleurs, car, si le con c’est toujours l’autre, on est toujours le con d’un autre, et de même le ridicule se trouve toujours chez les autres. Cette notion s’applique d’ailleurs dans notre société à plusieurs adjectifs, qui ont ceci en commun de servir à discréditer, ridiculiser et surtout marginaliser des personnes ou des opinions avec lesquelles on est en désaccord, et qu’on voudrait faire condamner par la vindicte populaire. Ainsi, « extrémiste » est de ceux-ci. En effet, l’extrême gauche ou l’extrême droite ne sont extrêmes que pour ceux qui n’en veulent pas, et de même, les « extrémistes » de tous bords basques, corses, islamistes, laïcards ou libertaires ou que sais-je, ne sont extrémistes que pour ceux qui réfutent ou combattent ces opinions. Tout est une question de point de vue.
Bref, con et extrémiste et ridicule ont en commun qu’ils sont l’expression d’une même subjectivité et d’une tendance de l’esprit humain à vouloir ostraciser les opinions divergentes. Ce sont en d’autres termes, des instruments sémantiques au service de ceux qui veulent limiter la liberté d’expression.
Par Emmanuel Pène, le 1er juin 2016
(1) Enfant
(2) Vachettes, nommant les vaches du drapeau béarnais
(3) Emblême du Languedoc, repris comme drapeau de l’Occitanie
Je vois Jean que malgré les années ton obstination reste entière voire augmentée. Depuis la création de la première école Calandreta en janvier 1980 puis quelques années plus tard les sections bilingues de l’enseignement public, il me semble que des centaines d’enfants ont appris à parleram et écrire cette langue. Je ne sais pas in fine combien d’enfants continuent à la parler un peu, beaucoup et pourquoi pas à la folie, mais ce que je sais avec certitude c’est que les miens la pratiquent régulièrement. Les expériences basque, bretonnes, catalane et bien d’autres encore fort bien étudiées du reste, ont démontré que l’on pouvait remplacer la transmission familiale par la transmission scolaire. Cette langue dont le nom m’importe peu, n’est pas encore morte car comme le dit fort bien Joshua Fishman « tant qu’il lui reste quelques locuteurs elle vit encore. » Peut- être ton chronique d’une mort annoncée sera in fine attestée, je crois très humblement que l’espoir fait toujours vivre et repousse la mort là òu elle se tient habituellement dans le mystère de notre questionnement existentiel.
Je raisonne sur les grands nombres; le fait que quelques enfants devenus adultes possèdent bien et utilisent le béarnais appris à l’école ne permet pas de reconstituer une société de locuteurs. C’est une langue que l’on a qualifiée parfois de « liturgique », réservée à des cercles étroits de gens en connivence.
Les sociolinguistes qui ont étudié les résultats de politiques linguistiques n’ont trouvé que l’hébreu d’Israël qui ait réussi à renaitre, dans des conditions qu’on n’est pas près de trouver chez nous !!
Le juif pieux qu’était Joshua Fishman pensait peut-être à cela en écrivant qu’il y a toujours de l’espoir.
Mais il me semble plus réaliste quand il définissait les étape s de recul d’une langue; voci ce qu’en dit Wikipédia:
1 : la langue est parfois utilisée dans l’éducation supérieure et aux échelons supérieurs du gouvernement.
2 : la langue est utilisée par les médias et le gouvernement local de la communauté minoritaire.
3 : la langue est utilisée dans les commerces et par les employés les moins qualifiés du marché du travail.
4 : la langue est utilisée à l’école élémentaire.
5 : la langue est encore bien vivante et utilisée par la communauté.
6 : la langue est parfois utilisée en échange intergénérationnel.
7 : seuls des adultes qui ne sont plus en âge de procréer parlent la langue.
8 : seuls quelques anciens parlent la langue.
Nous en sommes au stade 7, sinon 8, même si des individus ou couples ultra-minoritaires peuvent être cités comme locuteurs habituels.
Et cela ne m’empêche pas de consacrer 4 heures par semaine (2 de trajet, 2 de cours) à l’enseignement bénévole du gascon, pour la 27ème année.
Les langues vivantes sont celles dont la population d’un territoire use quotidiennement pour toutes sortes de communications. Comme la vie, par les rapports que l’on sait, passe des parents aux enfants, les langues vivantes se transmettent à l’enfant dès qu’il est capable de parler.
L’école vient après pour « grammaticaliser » la parole spontanée et en permettre l’écriture puis la lecture, au delà du cercle familial, voire du monde entier.
L’« occitan » est depuis les années 1930 un regroupement savant et technocratique d’idiomes naturels alors en perdition, car réfugiés dans la population rurale peu instruite… et désireuse de d’élever par le français, que les élites avaient délibérément adopté depuis des siècles. Penser à Gaston Fébus (1331-1391) écrivant — ou plus probablement dictant — en français son Livre de la chasse.
Gascon (nom de langue attesté depuis 1313), béarnais (…depuis 1533), ou « occitan » (entré en français après 1935) ne désignent plus qu’une langue morte qu’on ne pourra faire revivre. Tout au plus l’argent du contribuable affecté à son enseignement et à sa promotion ne serviront qu’à payer des professeurs et autres intervenants, à qui l’on ne demandera jamais des résultats chiffrés par des enquêtes objectives.
Tout le reste n’est que nostalgie ou enfumage.
Et bravo à Emmanuel Pène pour son article.
Mon intention n’était absolument pas de réveiller cette guerre des rigoles, mais de réagir à la tribune de S Javaloyes qui était injustement méprisante à l’égard d’un jeune que je connais et qui a donné beaucoup de son temps gratuitement pour la langue béarnaise.
La querelle ridicule entre occitan et béarnais n’a plus lieu d’être aujourd’hui, car nous sommes passés à la bataille sérieuse entre le français et l’anglais.
Toujours en retard d’une guerre !
Il n’y a pas de bataille entre le français et l’anglais. Il n’y a qu’une langue aujourd’hui indispensable pour la majorité des habitants de notre planète : l’anglais.
L’occitan ou le béarnais sont des langues mortes comme l’explique Jean Lafitte.
Je ne comprends pas comment en France les pouvoirs publics subventionnent des calendretas ou autres écoles de langues mortes alors que les français doivent avoir au moins jusqu’au collège un enseignement unique. Et si on doit proposer des classes primaires bilingues (ce qui serait un atout considérable) alors il faut que ce soit l’anglais.
Pensez M. Sango, au message délivré par Georges Orwell dans son chef d’œuvre » 1984″ (modèle sublimé par l’immense écrivain algérien Boualem Sansal, « 2084, La fin du monde ») : tout état (donc tout gouvernement qui le dirige) qui aspire à faire d’une langue, une seule langue, unique et terrifiante d’une nation, est totalitaire. L’histoire et l’actualité hélas nous le montrent. La France fait exception en Europe. Les pays de l’U.E sont pour la plupart d’entre eux bilingues voire trilingues et cela ne les empêche pas de vivre au mieux leur existence, leur destin de nation civilisée.
La chronique de Mr Javaloyès est assez « partisane », il le sait, ou il fait exprès de nous faire croire qu’il ne fait pas exprès… son dernier livre le montre clairement. Il faut être honnête et ne pas oublier son parcours (qui l’honore) au service de l’occitanisme et de l’occitan. Mais qui d’autre que lui peut sur ce quotidien, se permettre quelques piques « maladroitement » glissées entre deux ou trois mots de béarnais??? Déjà deux tribunes sur le sujet et deux articles avec D. Grosclaude. Le débat est ouvert sur la transmission, le sauvetage ou la valorisation d’un patrimoine linguistique même si ce n’est pas la priorité de la société en crise. Le Conseil Départemental pilote la démarche Initiativa et Les Béarnistes doivent être traitées avec le même respect que les Occitanistes.
Amistats biarnéses.
Je ne dénie pas le droit des associations occitanistes de defendre le béarnais, mais le quasi monopole dont ils disposent au niveau des instances publiques est un déni de démocratie. La langue n’appartient pas à un groupe de pression et certainement pas à M. Grosclaude.
Propos de M. Grosclaude, relevé dans le débat avec M. Jacques Pédehontaà dans « La République » de samedi 04 Juin :
«Au nom de l’équité, on distribue à tous. Il faut choisir l’efficacité et les priorités sinon la langue est en danger mortel. »
Je pourrais mettre beaucoup de choses à la place de « la langue ».
Mon intervention ne vise absolument pas à faire une analyse critique du texte dont je partage par ailleurs l’esprit, mais simplement à manifester un désaccord sur le sens donné au mot extrémisme ou extrémiste.
Dans le texte, je lis:
«Ainsi, «extrémiste» est de ceux-ci. En effet, l’extrême gauche ou l’extrême droite ne sont extrêmes que pour ceux qui n’en veulent pas, et de même, les «extrémistes» de tous bords……. ne sont extrémistes que pour ceux qui réfutent ou combattent ces opinions. Tout est une question de point de vue.»
Je ne suis pas d’accord sur cette position qui consiste à considérer que la notion d’extrémiste est subjective.
Deux définitions du Larousse et de wikipedia.
Il ressort de ces définitions que l’extrémisme s’étalonne au sein de la doctrine ou de l’idéologie et non au niveau des tiers extérieurs qui la juge. Elle est plutôt, au contraire, une valeur objective.
Ce n’est pas parce que je suis contre les libéraux que je considère les libéraux comme des extrémistes! Par contre, chez les libéraux il y en a qui sont pour appliquer ‘à «l’extrême» les critères du libéralisme, ce sont des extrémistes.
Pour moi, l’extrême gauche ou l’extrême droite ne sont pas extrêmes que pour ceux qui n’en veulent pas, mais peuvent être extrêmes par rapport à ceux qui partagent les critères de leur idéologie.
Par contre, con et ridicule ne sont pas des doctrines ou des idéologies; ce sont des jugements de valeur attachés à la subjectivité de l’auteur qui évalue.
Le choniqueur du dimanche puisque tu donne dans l’ironie te dis que je ne réglais pas de comptes avec qui tu prétends. Non j’y disais, mais as-tu lu vraiment ma chronique ?, que pour sauver une langue et Jacques est me semble-t-il en charge de ce sauvetage dans le cadre du schéma départemental de développement linguistique Iniciativa pour la langue béarnaise-gasconne-occitane, a cette année décidé de mettre un frein notable à mesures permettant une transmission véritable de cette langue -qu’importe sans nom- par l’école, privilégiant ce que je dénomne le folklorisme qui n’est comme l’écrivait Dumesnil la mise en scène d’une lente et inexorable agonie. Je ne défendais en rien un point de vue occitaniste. J’y disais que lorsqu’on décide, le CD 64, en l’occurrence, de sauver une langue selon le mode employé au Québec, au PaysBasque sud et nord, Catalogne, Bretagne, etc., on ne privilégie pas la mise en scène plus ou moins mortifère de cet idiome. Ceci dit, Jacques Pèdehontaà a tout à fait le droit de remettre en cause une politique pensée, lancée financée par la la majorité à laquelle il appartient en 2005. Mais qui le dise haut et fort. Aujourd’hui ce n’est pas le cas. Hélas. Quant au « gojat » qui n’est pas un mot péjoratif Dieu merci, je disais que ce qu’il a dit de la langue béarnaise est une contre-vérité scientifique. Mon message était simple : toute langue doit être codifiée (je n’ai rien contre la graphie fébusienne conçue en 1900 par Edouard Bourciez à la demande des félibres béarnais et gascons) et ne peut être en aucun cas l’écho exact de sa pronciation. Ceci est vrai pour toutes les langues. Ce type de déclare ne peut que nuire à l’image de la langue qu’elle soit béarnaise ( de facto gasconne) ou d’oc comme la dénommait Simin Palay, Miquèu de Camelat, Julien de Casaboune, etc. Je trouve ton article injuste et surtout malhonnête. Je le répète je n’ai jamais pratiqué l’exclusion, l’anathème, la violence verbale alors que j’ai subi pendant plusieurs années attaques diffamatoires de tes anciens amis. Parfois elle tenaient d’une xénophobie qui ne voulait pas dire son nom.
Atau qu’ei e qu’ei atau. Atau qu’ey e qu’ey. Hè beròi/ Hè beroy !
Un article intéressant, mais je trouve qu’il manque d’exemples. Alors, au bénéfice des lecteurs, j’ai voulu illustrer le texte par quelques citations d’un homme politique choisi au hasard.
Voici donc quelques passages extraits du blog de M. Nicolas Dupont-Aignan:
« 80 000 peines de prison ne sont pas appliquées en France mais la justice, au nom du peuple français, condamne le Conseil Général de la Vendée à enlever une crèche de Noël placée sous un sapin. Jusqu’où ira-t-on dans le ridicule ? »
« Mais aujourd’hui, même les députés socialistes commencent à se désolidariser du président de la République et du gouvernement, réclamant à grands cris la publicité de cette lettre et martelant la souveraineté budgétaire du Parlement, comme pour s’exonérer du diktat programmé de Bruxelles. Quel spectacle lamentable ce sauve-qui-peut donne-t-il de la majorité et de l’Etat, comme si la France avait besoin d’ajouter le ridicule à l’humiliation ! »
« M. Haziza, et c’est ce qui me révolte, connaît parfaitement cette vérité mais a complètement transformé l’histoire pour étayer sa thèse politique ridicule d’une peste brune qui réapparaîtrait dans notre classe politique. »
« Or depuis son arrivée à Élysée, François Hollande semble avoir confondu la Présidence d’un pays comme la France avec celle d’un Rotary Club. Pour le plaisir tragi-comique et souligner le ridicule de la chose, je me suis amusé à recenser les commissions créées par François Hollande depuis sa prise de fonction »
« Collectionnant de longue date les sommets « de la dernière chance », les dirigeants européens n’ont plus peur du ridicule. »
François Hollande, Mme Taubira, la majorité parlementaire, M. Haziza, les dirigeants européens, etc..; Elles sont très nombreuses les personnes que M. Dupont-Aignan juge ridicules.
Je suis tout à fait d’accord avec la conclusion de M. Pène: M. Dupont-Aignan est un digne représentant « de ceux qui veulent limiter la liberté d’expression ».
Mon propos n’était pas politicien.. vous l’avez compris
on est toujours le con, le ridicule et l’extrémiste de quelqu’un de toute façon. même si c’est une analyse un peu « viste hèit » comme on dit…Mais à cette heure-ci, peu de temps : j’ai l’estomac dans l’étalon
Adishatz,
très intéressant.
Mais il n’empêche comme vous le signalez que le con, le ridicule et l’extrémiste partent d’un point donné, d’une normalité ou d’un étalon.
Même si je me serais bien vu en étalon, de toute évidence, il semble que je sois pour beaucoup un ridicule con d’extrémiste