ORGANBIDEXKA – Des rapaces et des hommes : bientôt 40 ans de passion !


L’observatoire, le « spot », à Organbidexka

1979 : quelques irréductibles ornithologues sans gêne s’installent, pour observer les migrations de rapaces, au col d’Organbidexka (« le petit chemin des charrettes » en basque) situé au-dessus de Larrau, juste sous les chalets d’Iraty, au beau milieu d’un territoire dense en palombières. Ils viennent de louer un droit de chasse au « nez et à la barbe » des chasseurs de palombes souletins. Méfiance réciproque. Glace qui prendra des années à fondre.

2017: les chasseurs ont (presque) disparu, pour cause de raréfaction des passages de palombes à cet endroit-là. Les « volatiles » ont migré plus à l’ouest de la chaine pyrénéenne. En 4 décennies, le site est devenu un des principaux d’Europe occidentale pour observer les oiseaux migrateurs. Un chiffre : 43.475 rapaces sont passés entre les pics d’Ohry et des Escaliers en 2016.
Pas franchement enthousiaste au-début, la « Commission Syndicale du Pays de Soule », qui gère le site des « Chalets d’Iraty », a finalement compris l’intérêt de cette activité qui, depuis le début de l’été jusqu’à tard dans l’automne, fait venir sur place ornithologues, scientifiques mais aussi simples bénévoles et touristes par centaines. Les chalets sont en effet à 100 m du point d’observation et la terrasse du restaurant donne une vue plongeante sans pareil sur l’alignement impeccable des observateurs qui scrutent et comptabilisent sans relâche depuis le lever du soleil jusqu’au coucher.
En ce lundi 21 août, vers 14h, plus de trente personnes sont là. Le spectacle est magnifique: les milans noirs et les bondrées apivores inondent le ciel. Ils ne sont pas seuls : des circaètes-Jean-le-Blanc, rapaces qui se nourrissent principalement de serpents et de lézards, quelques balbuzards (mets favori : le poisson), des éperviers, des busards cendrés et busards des roseaux, un aigle botté, un autour des palombes « mâle immature » (quelle précision !) etc. mais aussi des martinets et hirondelles sont observés.
Au milieu de tous ces oiseaux circulent des « autochtones » en quantité : principalement des vautours fauves mais aussi de petits éperviers et des faucons crécerelles.
Les années d’expérience ont permis la mise en place d’un protocole d’observation très précis où les membres de la LPO présents (Ligue de Protection des Oiseaux – plus de 50.000 adhérents) ont chacun leurs tâches : repérer, identifier (sexe et âge, juvénile ou immature), comptabiliser et enregistrer « en temps réel » les individus qui passent.

Ce jour, 2.149 oiseaux sont comptabilisés. Beaucoup pour le néophyte. Pas tant que cela pour les observateurs qui, le 7 août ont vu, en 4 heures, passer 13.268 milans noir ! Un rapace « opportuniste » qui s’adapte plutôt bien à l’univers de l’homme.
Un grand silence règne. Les longues-vues et jumelles suivent de près les oiseaux qui passent soit sur la gauche, sous sur la droite du promontoire d’Oxogorrigagne qui domine Larrau et sa vallée.
Sergio Barande, observateur depuis 37 ans, a traduit en mots simples les formes du terrain : la Pyramide, le Mamelon, le Crocodile, le Chapeau du Gendarme, la Selle etc. Dès qu’il repère au loin des oiseux qui « pompent », Sergio alerte, parfois avec humour, la troupe. C’est plus simple d’annoncer une « espadrille »(escadrille) vers la Selle ou le Crocodile que vers Léhenchégaratia, Mendikotzigue ou encore Saltéburia…
De temps à autre, une exclamation fuse : « le circaète a un serpent dans son bec ! » Toutes les têtes se tournent vers le rapace. Pas facile à distinguer ! Plus tard, ce sera un aigle royal qui s’en prendra à une cigogne.
C’est le jour des bondrées apivores : 632 comptabilisées. Vues de dessous, les couleurs sont variées, bariolées, souvent claires. A ne pas confondre avec des buses variables. Principale différence : l’un à la tête plutôt rentrée dans les épaules (la buse), l’autre l’inverse. Pas simple à différencier !
Les bondrées, stars du jour, sont bien plus belles à observer que le milan noir, autre star du jour, qui est tout de noir vêtu. Un austère séminariste basque ?
Pour les milans, on préférera attendre la migration, plus tardive, des milans royaux, au plumage magnifique et au vol sans pareil. Pour certains ornithologues, c’est le plus beau rapace à observer. Sergio préfère le gypaète barbu. Des gouts et des couleurs.

Une chose est certaine, sur le point d’observation d’Organbidexka, on ne s’ennuie pas. Une magnifique pièce de théâtre, à l’issue improbable, se déroule tout au long de la journée, dans un cadre de toute beauté. C’est à découvrir, ou redécouvrir, avec les passionnés de la LPO Aquitaine et, si vous voulez en savoir plus, malgré le silence et l’attention de tous, les ornithologues n’attendent qu’une chose : transmettre leur (saine) passion. N’hésitez pas à aller au contact.

Beñat Bernard Boutin

– Le programme de suivi de la migration s’inscrit dans le cadre du projet Lindus-2, cofinancé par le Fonds Européen de Développement Régional (FEDER) dans le cadre du programme Interreg V-A Espagne-France-Andorre).


– Le site de la LPO Aquitaine : c’est ICI
– Les synthèses des passages comptabilisés à Organbidexka : c’est
– La formation à l’identification des rapaces en vol prévue à IRATY du 4 au 8 septembre 2017. Plus : c’est ICI
– Crédit photo rapaces : Topo Pyrénées
– Passez le curseur de votre souris sur les photos pour faire apparaitre les commentaires ou cliquez sur la première photo pour dérouler le diaporama.

15 commentaires sur « ORGANBIDEXKA – Des rapaces et des hommes : bientôt 40 ans de passion ! »

  1. Je suis tout à fait d’ accord avec vos propos, notamment avec votre dernier paragraphe.
    Pendant des années les chasseurs, mais également les Sociétés de chasse et les autorités de tutelle ont mélangé droit de chasser et droit de passer. Le permis de chasse donne le droit de chasser, sous certaines conditions, mais surtout pas le droit
    d’ empêcher de passer. Hors c’ est ce qui c’ est passé pendant des années, avec la complaisance des Maires, Elus et Autorités de tutelle. Dans certaines communes
    l’ électorat chasseur était majoritaire et pouvait faire ou défaire une élection municipale ou du CD.
    Il y a eu également pendant des années et peut être aujourd’hui’ hui encore une lacune flagrante d’ éducation, de la part des responsables en matière de chasse et de droit de chasse, mais également de la part de l’ éducation nationale face au comportement des chasseurs et de la considération de la faune sauvage.( N’ oublions pas que beaucoup
    d’ enseignants étaient eux mêmes chasseurs, ou présidents de sociétés de chasse) Ce qui peut expliquer cela. Ce contexte là est peut être dû au fait que la révolution française s’ est déclenchée à partir d’ une limitation du droit de chasse, qui était considéré
    à l’ époque comme inaliénable. A l’ époque, la chasse était le seul moyen de survie de certaines tranches de la population. !!!!!. Ces choses là révèlent encore aujourd’hui’ hui les vieux atavismes familiaux de certains, face à la chasse.

  2.  » Pourtant que la montagne est belle,
    comment peut-on imaginer, que l’homme soit si …  »
    Pierre Lafon
    amoureux de la montagne

    1. et le salmis de palombe au col d’Ahusqui en automne, plein de chasseurs, d’autochtones, avec ses frites bien grassouillettes.
      https://www.tripadvisor.fr/Restaurant_Review-g1915309-d4794386-Reviews-Auberge_D_ahusquy-Aussurucq_Basque_Country_Pyrenees_Atlantiques_Nouvelle_Aquitai.html
      (merci de m’indiquer comment réduire les liens)
      J’y suis allé voici maintenant quarante ans, au début de l’automne, tirer quelques coups de fourchette: les ailes des palombes étaient aussi bleues que les yeux de la serveuse. Certes le fusil m’honorait encore en tant que chasseur alpin, mais voler dans les plumes de ma belle blessée devînt pour moi comme la fin d’un voyage en train d’où l’on partirait le soir pour s’éveiller le lendemain matin. Un train qui s’appellerait, par exemple, « la Palombe bleue ».
      une réflexion dite : »(de l’un à l’autre, sans passer par derrière), mais qui prend ses devants -merci-)

      1. La Palombe Bleue, bien qu’elle soit l’une des dernières représentantes de l’espèce dite « trains de nuits », a été lâchement mitraillée cet été.
        A l’origine de cette chasse sans scrupules, on trouve la politique du tout TGV, la finance, les bétonneurs de tout poils et leurs lobbies (comme BAP par exemple), en fait les ennemis des peuples et de la planète.
        Heureusement, grâce à la mobilisation de citoyens responsables (peut-être les mêmes que ceux qui protègent les rapaces du col d’Organbidexca), la Palombe Bleue, bien qu’elle ait pris du plomb dans l’aile, continue quand même son action d’intérêt général, jusqu’aux prochaines battues. La mobilisation continue pour la sauver ainsi que ses derniers congénères.

  3. Merci pour ce texte et les précisions de M.Lacanette (je confirme le rôle persévérant et combien bénéfique de Joel Tanguy le Gat que j’ai connu au cours de réunions à l’université de Pau); cela fait du bien au moral car il montre que les préoccupations sur ce site sont aussi exprimées par des amoureux, des observateurs, des chercheurs, des protecteurs de la nature. Des photos magnifiques, une source de renseignements pour éveiller et pratiquer des passions enfouies.
    Comme on aimerait pouvoir s’enrichir ainsi plus souvent!!!

  4. 1979 : quelques irréductibles ornithologues sans gêne s’installent, pour observer les migrations de rapaces, au col d’Organbidexka (« le petit chemin des charrettes » en basque) situé au-dessus de Larrau, juste sous les chalets d’Iraty, au beau milieu d’un territoire dense en palombières.

    A l’ origine ce n’ était pas  » quelques irréductibles ornithologue sans gêne » mais des écologistes de toute nature, bien décidés à agir , qui sous la responsabilité du courageux et téméraire, Joel Tanguy le Gat, décidèrent de mettre un terme au massacre des oiseaux qui passaient ce col, particulièrement facile d’ accès aux chasseurs et difficile pour les oiseaux ( fort vent de Sud), ce qui les obligeaient à descendre à portée de fusil.
    D’ où les massacres de toutes les espèces à l’ époque, sans prises de risques de poursuites.
    Au problème du massacre des oiseaux était également lié le problème des tonnes de plombs répandus dans la nature. Plomb que l’ on commençait à retrouver dans les animaux qui pacageaient sur les terrains de chasse, mais également dans l’ eau des différentes sources.
    De plus se posait le problème de « libre circulation » des usagers de la montagne en période de chasse. Des routes et des pistes étaient carrément fermées par les chasseurs ( appropriation de droits publics en droits privés !!!!) avec l’ accord tacite des Autorités locales de tutelle.
    Sans parler bien sûr du droit d’ accès aux pâturages et lignes de crêtes par les randonneur, car il n’ était pas question de fréquenter ces lieux en cette période chasse frénétique et irrationnelle.
    Fréquentation parfois sanctionnée de quelques volées de plomb, qui faisaient rapidement comprendre aux  » intrus » qu’ il ne faisait pas bon circuler dans les parages.
    C’ est l’ ensemble de ces problèmes qui amena à la création de l’ association OCL
    ( Orgambixeka Col Libre). Association qui eût le mérite de faire prendre conscience que le monde des oiseaux migrateurs était en train de disparaître dans l’ indifférence générale, pour le plaisir de quelques chasseurs nantis, qui n’ étaient pour beaucoup pas de la région.

    1. Cela nous conduit à la question plus générale : A qui appartient la montagne ? En rando, alors que j’ai la « prétention » de me considérer pour un montagnard, j’ai été, il y a peu, traité par un berger de « touriste ». Passez votre chemin…
      Merci aussi pour votre commentaire. Il est très clair et me corrige quelque peu…

      1. Question importante qui prend tout son sens avec la fréquentation, il faut bien le reconnaître, souvent anarchique, de ces pseudo-montagnards en short, petites chaussures….qui n’ont souvent aucun respect pour la végétation (cueillette des Iris!), pour le bétail, pour la propreté des lieux. Une certaine comparaison peut se faire avec la pratique du camping de jadis et de maintenant ou l’occupation des zones maritimes du bassin d’Arcachon (île aux oiseaux ou banc d’arguin).
        C’est ce comportement qui génère l’anti-touriste primaire des bergers. Ils sont pourtant bien contents quand « les touristes » achètent leur fromage! Ils ont, du fait de l’énervement, perdu de vue que des randonneurs expérimentés et respectueux des hommes, de la nature et des bêtes, cela existe depuis longtemps et que la cohabitation ne leur porte aucun préjudice, au contraire; peut-être faudrait-il leur rappeler!
        Question d’éducation donc. La montagne est un bien commun qui n’est pas le monopole des propriétaires de ces gigantesques troupeaux fragiles du fait du nombre et de la sélection.
        Nous retombons toujours sur le même problème: comment faire pour vivre ensemble en harmonie et respectueusement?

    2. Merci M. Lacanette pour votre éclairage bien différent sur la genèse d’OCL et la défense du col d’Organbidexca, qui nous permet de passer du gentil conte pour enfants raconté par M. Boutin à la réalité des luttes pour la protection de la nature menées par les associations écologistes contre les lobbies des chasseurs et leurs soutiens variés.

      NB: Je pense que votre dernière proposition « qui n’étaient pour beaucoup pas de la région » est de trop. Qu’importe l’origine des chasseurs! D’où qu’ils vienne, un chasseur est toujours un chasseur, c’est à dire un con.

          1. Effectivement, PierU, vous avez raison. Il y a les bons et les mauvais chasseurs. Le reportage ci-dessus, filmé il y a quelques années dans le Bouchonnois, permet d’éclairer cette distinction, grâce au témoignage de chasseurs expérimentés (régler le curseur sur 2.58).

      1. Je n’ irai pas jusque’ à dire qu’ un chasseur est systématiquement un con.
        Sans être chasseur et pour les avoir combattu, je pense qu’ il peut y avoir une forme de chasse équitable. Celle qui laisse autant de chance au gibier qu’ au chasseur. La chasse en palombière fait partie de ce type de chasse. Après tout un travail de préparation et
        d’ approche du gibier, le chasseur ne pourra prélever qu’ une ou peut être deux palombes sur un vol, mais pas plus.
        Alors qu’ abattre des oiseaux qui luttent face au vent et aux conditions météorologiques difficiles, avec un véritable mur de feu en face, est à considérer comme un massacre. Surtout quand cela se passe sans efforts au pied de la voiture avec la bouteille de
         » jaune » sur le capot.
        Dans le temps les chasseurs locaux qui pratiquaient la chasse dans les cols, le faisait en partant à pieds depuis les villages, avec 2 ou 3 h de marche et autant au retour, pour accéder au col. Cela limitait le nombre de chasseurs, ainsi que le nombre de prises.
        Il fallait ramener les prises sur le dos.
        Puis sont arrivées les pistes et l’ outil qui va avec, le 4×4, le plus puissant possible pour aller de plus en plus loin, de plus en plus vite. Cela à permis aux nantis des villes
        d’ accéder aux cols, sans efforts, mais également d’ éliminer les chasseurs locaux avec une montée en puissances des enchères des cols, jusqu’à plusieurs dizaines de milliers d’ euros pas an.
        En définitive les chasseurs locaux ont très vite été éliminés de ce type de chasse.
        Il n’ étaient bien souvent que des supplétifs ou des prête nom à la solde des nantis.
        Je pense que beaucoup l’ on mal vécu localement, car ce type de chasse n’ était pas dans leurs gênes.
        Aujourd’ hui les chasseurs nantis ont migré comme les palombes, ailleurs, au Maroc, en Mauritanie, au Sénégal, face aux nouvelles réglementations et aux opposants, afin de pouvoir continuer leur massacre à temps plein. Mais en laissant toujours derrière eux un désert cynégétique définitif.

        1. Vous avez raison, il y a certainement chasseur et chasseur, et certains sont plus respectables que d’autres. Hélas, la chasse « équitable » dont vous parlez, celle qui nécessitait beaucoup d’effort pour un résultat aléatoire, a quasiment disparu, anéantie par l’odieuse chasse moderne, celle des battues en 4×4, qui obligent habitants et randonneurs à se calfeutrer chez eux pour laisser passer la meute.

          Dans l’état actuel des choses, qui ne peuvent aller qu’en empirant, je serais beaucoup plus radical que vous. Il faudrait interdire tout loisir qui consiste à tuer des animaux sauvages. Il ne s’agit évidemment que d’un voeu pieux, compte tenu de l’emprise extravagante des chasseurs sur sur la décision publique, au travers notamment de l’ONCFS.

          Et tout cas, cela permettrait de rendre les campagnes et les montagnes à ceux qui les habitent, y compris les animaux, ou qui les pratiquent pour d’autres motifs que de tirer un coup. Quant aux discours transformant les chasseurs en protecteurs de la nature, il ne s’agit que de scandaleuses sornettes.

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