GURS


«Gurs, une drôle de syllabe, comme un sanglot qui ne sort pas de la gorge »

Louis Aragon

Les deux et trois avril, l’Amicale du Camp de Gurs célébrera le 80ème anniversaire du Camp de Gurs. Ce sera un colloque qui se tiendra à Pau et à Oloron, une visite du camp et un concert qui réunira le chanteur basque Beñat Acharry et le musicien gascon Bernard Lubat le 2 avril à l’atelier du Neez à Jurançon (renseignements http://www.campgurs.com/). Il convient avant tout de saluer le travail des bénévoles de l’Amicale qui maintiennent la flamme du souvenir. Parmi eux, Claude Laharie historien Palois, l’Oloronais Emile Vallés enfant du camp comme Raymond Villalba qui présidèrent aux destinées de cette association et l’actuel président André Laufer. Appuyés par une poignée d’hommes et de femmes dévouées, ils ont évité que l’infamie ne tombe dans l’oubli et que la souffrance et les morts ne disparaissent de la mémoire collective comme en avait été fait le projet. Mais, posons-nous la question qui connaît, en France et même en Béarn, l’existence de cet immense camp où furent enfermés des dizaines de milliers d’innocents dans des conditions atroces avant, qu’ils ne soient, pour une bonne partie d’entre eux, envoyés dans les camps d’extermination ? Peut-on oublier que cela s’est déroulé sous l’administration française, dans une indifférence quasi générale malgré quelques exceptions isolées et remarquables ?

Nous avons, avant tout, un devoir de mémoire devant tant de souffrance, face à cette accumulation de mort innocente. Nous devons nous poser la question aussi au regard des événements qui se déroulent dans notre pays : l’histoire se répète-t-elle ? A cela il convient de répondre clairement : non l’histoire ne se répète pas. L’Etat Français dirigé par Pétain était viscéralement –structurellement même- antisémite ce n’est pas le cas du pouvoir actuel. On peut même dire que c’est le contraire même si on peut critiquer des maladresses graves comme la tentative de réhabilitation de Pétain. Une faute qui, -est-ce un hasard ?-, aura coïncidé avec le début des désordres que l’on connaît.

Alors l’antisémitisme est mort ? Non, on le voit bien, et les terribles images de l’agression d’Alain Finkielkraut, la multiplication des inscriptions nazies sur les bâtiments publics, les apostrophes sur les ronds-points et les lâches destructions de cimetières Israélites nous le rappelle : un fantôme hante les populations européennes même si sa nature, ses vecteurs ont évolué, celui de l’antisémitisme. Il faut en analyser les causes pour en comprendre les effets même si elles ne font pas plaisir. C’est un autre débat. Essentiel.

Les 80 ans du camp de Gurs évoquent d’abord la grande vague d’immigration des républicains espagnols défaits par le Franquisme –le camp fut créé à cet effet- qui provoqua un spasme terrible dans la majorité de la population qui déjà avait refusé une intervention qui pourtant aurait pu être salvatrice. La Retirada : 500 000 personnes qui passent la frontière catalane en trois jours ; les restes de ce qui fut la grande utopie Espagnole et peut européenne écrasée par le fascisme avec l’appui nazi, dans l’indifférence européenne (déjà!). Après beaucoup de difficultés l’intégration d’une grande partie de cette immigration s’est réalisée -dans la douleur sans doute- pour aboutir à une osmose, une harmonie nouvelle qui caractérise la Nation française, creuset commun où se mêle des origines diverses.

Cela devrait nous faire réfléchir sur notre hostilité à l’égard de ces populations qui frappent à notre porte, qui enjambent les barbelées et sautent les murs qu’on leur oppose. Elles sont, elles aussi, victimes de régimes brutaux et inhumains. Ces noyés dans des conditions atroces, au cœur de la Méditerranée, dont nous détournons les yeux devraient nous interpeller. Ils ont touché la chancelière Angela Merckel qui, courageusement, les a accueillis en grand nombre, assumant les critiques. Car n’avons-nous pas de quoi partager ?  Faire de la place à ceux-là qui n’ont rien ? Ne serait-ce pas être fidèle à une longue tradition nationale, républicaine ?

Surtout l’exemple espagnol donne à penser sur ce qu’un apport de population extérieur a de positif. En définitive, la France a intégré une part importante de ce qui avait été vu dans un premier temps comme un déferlement de va-nus pieds. Combien de nos voisins venus désespérés, dans le fleuve de la Retirada sont devenus depuis des chefs d’entreprise efficaces, de brillants intellectuels, des artistes renommés, des citoyens modèles ?

Pierre Michel Vidal

 

11 commentaires sur « GURS »

  1. Alors que certains écrits et/ou déclarations, banalisent l’holocauste de manière irresponsable : une insulte à la mémoire d’environ 6 millions de juifs exterminés dans les camps de concentration nazis, il est toujours nécessaire de faire des rappels sur un des lieux de mémoire, tel que le camp de Gurs…

    Rappels : voir svp le site web suivant « Amicale du camp de Gurs » + 2 articles parus sur le site web « Alternatives Pyrénées » (AP) en février 2018 :
    1) « Amicale du camp de Gurs » :
    Extrait de la rubrique « L’Amicale » de ce site : « L’Amicale du camp de Gurs », née en 1980, se fait donc la voix de toutes les « victimes » de Gurs. Cette association de témoins portée par des hommes militants reçoit un soutien néces­saire à la mémoire : celui de l’histoire en la personne de Claude Laharie. »
    URL du site : http://www.campgurs.com/

    2) Article AP du 04/02/2018 publié par « altpy rédacteurs » : « Gurs, un silence assourdissant »
    URL : https://alternatives-pyrenees.com/2018/02/04/gurs-un-silence-assourdissant/

    3) Article AP du 11/02/2018 publié par Jean-Paul Penot : « Gurs, un silence assourdissant »
    URL : https://alternatives-pyrenees.com/2018/02/11/gurs-un-silence-assourdissant-2/

  2. Non M. Vidal, M. Macron n’a pas réhabilité le maréchal Pétain, relisez bien son texte. D’autre part ouvrir les portes pour accueillir sans discernement les migrants alors que nous narrivons pas à régler le problème des trois millions de chômeurs. En France il y a des priorités impératives.

    1. Peut-on considérer le prétendu vainqueur de Verdun isolément de son rôle de chef de l’Etat Français? Rendre hommage au premier en oubliant les exactions terribles du second ? Pétain a toujours été antisémite viscéralement, il est donc discrédité . Ce fut une faute politique de lui rendre un hommage qui avait valeur de réhabilitation. Faute qui fut d’ailleurs reconnu de facto par le président lui-même. Un peu de plus de prudence une fois de plus lui aurait été utile. C’est à mon avis un moment clé des événements politiques qui se sont déroulés pas la suite.

  3. Je partage le fond et l’esprit de votre article, Monsieur Vidal et en salue l’opportunité. Cependant, permettez-moi de relever quelques petites choses, la première de détail, les autres plus profondes :
    1/ Le chanteur basque qui interviendra pour la commémoration est Beñat Achiary ;
    2/ La première moitié de votre intéressant exposé pourrait laisser penser que Gurs fut un camp de concentration créé par l’État français de Pétain en vue d’y enfermer des Juifs. Or il fut un camp d’internement, créé en 1939, comme vous le dites ensuite, par le gouvernement issu du Front populaire, pour les réfugiés espagnols qui ne partirent pas en camp d’extermination. C’est ensuite, que le camp fut reconverti, si je puis dire, pour un autre objet que son objet initial. Ce qui n’enlève rien à la pénibilité de l’internement mais je doute que pour les réfugiés espagnols, il fut atroce ;
    3/ (…) antisémite ce n’est pas le cas du pouvoir actuel. On peut même dire que c’est le contraire (…) Mmmmm quelle curieuse phrase sujette à mauvaise interprétation. Reste à définir ce qu’est le contraire de l’antisémitisme ;
    4/ la tentative de réhabilitation de Pétain. Là, si vous me le permettez, c’est une erreur. Pour le centenaire de la victoire de 1918, le Chef de l’État voulait rendre hommage aux 8 maréchaux de la Grande Guerre dont Pétain. Ce n’était pas une réhabilitation. Il n’a jamais été réhabilité de sa condamnation à l’infamie ni à la peine de mort, même si elle fut commuée en réclusion à vie, en résidence surveillée ;
    5/ écrasée par le fascisme. Même si cela peut paraître un détail, car le régime ne fut pas plus joyeux pour autant, on ne peut idéologiquement tenir pour équivalents franquisme et fascisme. Les différences sont de fond. Le fascisme relève d’une idéologie, pas le franquisme ;
    6/ Et enfin, aucun des réfugiés d’aujourd’hui n’est interné en camp tel que celui de Gurs. Heureusement, cela n’existe plus. Vous avez raison, comparaison n’est pas raison.

    Ces 5 éléments peuvent paraître de détail mais ils sont importants. Je partage totalement le message, essentiel pour nous aujourd’hui et notre comportement, contenu dans vos 2 dernier paragraphes, d’une République fraternelle et accueillante

    1. 1 Faute sur Beñat Aichary, ok. Merci.
      2 En effet Gurs fut créé par le gouvernement de 1939 puis géré par l’administration de l’Etat Français dans sa durée la plus importante. Vous avez donc raison de préciser ce point sur lequel il y aurait beaucoup à dire d’ailleurs.
      3 Oui le pouvoir actuel lutte conte l’antisémitisme et on ne peut donc pas dire que l’histoire se répète comme on l’entend souvent. Il n’y a pas d’autres interprétations possibles à ma phrase.
      4 Sur Pétain cf. réponse précédente à Henry (même si cela ne fait pas plaisir, je persiste).
      5 Le Franquisme est un système politique spécifique comme le salazarisme: avec des nuances il ressemble au fascisme italien. Son idéologie s’est appuyée essentiellement sur un cléricalisme ultra-conservateur. Ce n’est pas un « détail ».
      6 Oui bien sur, aucun réfugié actuel ne vit dans les conditions atroces de celles de Gurs. Je ne l’ai jamais pensé, ni dit, ni écrit. Il y a néanmoins et je pense à la guerre de Syrie ou du Yemen par exemple des camps où des populations civiles très nombreuses sont plongées dans des conditions indignes.

      1. Pauvre Beñat, il n’a pas de chance aujourd’hui 😀
        C’est votre formulation qui m’ennuyait, ce contraire de l’antisémitisme
        Dorénavant, il faut toujours se méfier avec les points de détail.
        En effet, ces différences ne sont pas de détail, elles sont même fondamentales. Mais allons tenir un tel raisonnement aux Folles de Mai ! C’est bien le cadet de leurs soucis !
        En disant détail, je voulais exprimer qu’aucune de mes remarques ne remettait en cause l’intérêt ni la pertinence de votre article dont je partage pleinement l’idée générale.
        Tout simplement

        1. Merci de votre attention et de vos remarques. Elles nourrissent le débat. En toute sincérité.

  4. M.Vidal, comparaison n’est pas raison. Les réfugiés républicains espagnols fuyaient un régime des nantis et d’une église obscurantiste. La dictature en prime. Les populations qui nous arrivent d’Afrique sont, eux, des immigrés économiques où ces Français larmoyants leur garantiront le logement, la santé et l’éducation gratuites et des subventions multiples : ya bon les allocs ! Les demandeurs de droit d’asile après examen s’avouent être des faussaires qui jouent de notre législation généreuse.
    Mon propos sera censuré comme d’habitude, mais je ne baisse pas les bras !

    1. Monsieur Capdebourou,

      Non, les républicains ne fuyaient pas un régime des nantis et d’une église obscurantiste
      Cela est un cliché.
      Le régime, alors, et depuis 1931, était une république en proie à de violents tourments, une instabilité systémique et de sanglantes émeutes dont le clergé fut souvent la proie. L’Église (et non l’église) obscurantiste : une grande partie du clergé fut du côté des républicains quand sa hiérarchie se rangeait du côté des insurgés franquistes.

      Pour le reste et ce qui concerne l’Afrique, je laisse à votre conscience le soin de faire le tri entre les populations qui nous arrivent d’Afrique, vos heureux immigrés économiques, ceux qui fuient les dictatures sanguinaires ou la dictature agonisante d’Algérie ou encore le despotisme, même éclairé, du Maroc ou, bien entendu, l’insécurité meurtrière où règnent gangs et nouvelles mafias surarmées de Libye. J’en passe et des meilleurs…

      Ya bon bien réfléchir

  5. Excellent article sur ce devoir de mémoire, qui rejoint hélas notre criante actualité. Mais la photo qui l’accompagne n’a rien à y faire.
    Pourquoi choisir une photo du camp d’extermination d’Auschwitz pour  »illustrer » le camp de Gurs? Les photos du camp de Gurs sont parlantes et auraient été parfaitement à leur place sur Alternatives Pyrénées.

    1. La photo c’est une erreur de manipulation. Vous avez tout à fait raison. Elle a disparu d’ailleurs comme c’était mon intention première.

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