Sur le bord de la route

Une partie des gilets jaunes va rester, déterminée. C’est son affaire, dans la mesure où elle n’occasionne pas de gêne pour le pays (mais est-ce possible : rien que le tourisme et l’image de la France vont se trouver marqués pour une longue période). Penchons-nous ici sur des catégories de Français qui ont été abandonnées au bord de la route. Faut-il les oublier ?

Ces Français sont nombreux et ce sont les plus faibles de notre société : les travailleurs qui gagnent moins que le smic parce que leur emploi est précaire ou intermittent, les retraités qui voient leur retraite revalorisée de 0,3% alors que l’inflation est à 2,3%, les fonctionnaires qui subissent aussi une érosion de leur pouvoir d’achat. Les agriculteurs forment aussi une catégorie professionnelle de plus en plus déclassée, au moins pour ceux qui ne se sont pas tournés vers une production industrielle.

Les mesures annoncées par M. Macron ne sont pas vides, mais elles ne peuvent répondre à la colère qui s’est manifestée. Des gestes d’apaisement auraient dû être faits, et bien plus tôt. Le principal aurait dû consister à donner la totalité de la taxe carbone à la lutte contre le réchauffement climatique et la pollution. Mais il est des gestes de moindre portée qui auraient eu un impact. Par exemple, pour calmer la grogne contre les amendes infligées par les radars. Si la revendication n’est guère mise en avant, la mise hors service de la moitié des radars est éloquente (et 95% dans le Puy de Dôme tandis que le Cantal n’en dispose plus que d’un !). Un geste de mansuétude limité aux excès de vitesse compris entre 80kmh et 90kmh pour la période de juillet à décembre 2018 ne pourrait être interprété comme un abandon de l’objectif de réduction de la mortalité routière. Il serait apprécié comme une mesure de compréhension pour une adaptation difficile. Je précise que je ne préconise pas cette mesure pour des raisons personnelles car je ne crois pas être dans le cas évoqué.

Une autre mesure d’ordre psychologique concerne le sentiment d’injustice face aux grandes disparités de revenus. Il n’a pas été calmé car les tranches de la population les plus aisées sont restées épargnées par la bourrasque. Une taxation des recettes des entreprises qui croîtrait avec la proportion des bénéfices versés en dividendes aurait calmé le jeu et aurait rapporté plus que le rétablissement de l’ISF puisque 51 milliards de dividendes ont été versés l’an passé. A l’inverse, un bonus pourrait être accordé aux entreprises qui embauchent ; les finances publiques s’y retrouveraient, les indemnités pour le chômage se trouvant allégées. A cet égard, la transformation du CICE en baisse de charge pérenne n’est pas cohérente avec la volonté affichée d’évaluer les résultats des réformes entreprises.

Quant à la défiscalisation des heures supplémentaires, elle est non seulement nuisible pour le budget de la nation, mais aussi nuisible pour l’emploi, car le recours massif aux heures supplémentaires peut faire obstacle au recrutement. Seules certaines branches soumises à des aléas devraient bénéficier d’un tel allègement.

Je n’ai pas reçu de contradiction à l’idée que j’ai lancée de jouer sur l’année blanche en 2018. Un report de l’application de la retenue à la source permettrait pourtant une taxation normale des revenus financiers pour 2018 au lieu d’une taxation réduite qui peut être choquante pour les contribuables qui paient leur part entière. Mais, pour être honnête, je dois reconnaître que les revenus financiers seront taxés deux fois en 2019. Pourquoi cela n’a-t-il pas été objecté à ceux qui exigent que l’on fasse payer les riches ? Décidément, la communication de l’exécutif n’est pas au point. Et malheureusement, il n’y a pas que la communication. Il y a aussi l’attention et la direction. Admettons que c’est difficile lorsque l’on n’a pas eu soi-même l’expérience de « manger de la vache enragée » et que l’on doit traiter des problèmes des nations. Mais c’est pour cela qu’il n’aurait pas fallu gouverner seul et repousser les offres de dialogue.

Jean-Paul Penot

PS On pourra lire avec profit l’entretien du sociologue Alexis Spire dans Télérama du 15 au 21 décembre.et le livre de Nicolas Delalande « Les batailles de l’impôt. Consentement et résistance de 1789 à nos jours (éd. Le Seuil).

Etat d’urgence, mesures d’urgence ?

L’urgence est palpable. Le pays a peur. Les affrontements ont déjà fait quatre morts et plusieurs centaines de victimes. Le second personnage de l’Etat déclare « Il faut sauver la République ». Loin de moi la volonté de jeter de l’huile sur le feu. Bien au contraire je pense que cet appel est exagéré s’agissant du Sénat et que l’embrasement des lycéens relève de la contagion et non de l’urgence. Mais, même s’il reste à perfectionner le fonctionnement de parcoursup, il n’y a pas de quoi perdre un œil ou une main. Cependant, il y a urgence à apaiser le pays et à restaurer son image.

Comme beaucoup, je pense qu’il vaut mieux prévenir que guérir. Il vaut mieux filtrer que bastonner et lancer des grenades lacrymogènes. Les gilets jaunes eux-mêmes ne peuvent refuser qu’on les sépare des casseurs venus pour vandaliser, voire blesser ou tuer ; c’est leur intérêt devant l’opinion. Celle-ci ne verra sans doute pas d’inconvénient à ce que pour une journée et une nuit ces opérations de filtrage et de fouille soient menées. Le pays a connu ces dernières années des périodes d’état d’urgence bien plus étendues. Que l’armée monte la garde devant les lieux marquants de nos institutions s’ils sont menacés et que cela permette de libérer la police pour de véritables actions de maintien de l’ordre (qui ne sont pas du rôle de l’armée, c’est entendu) ne serait pas considéré par la majorité des citoyens comme une menace sur nos libertés. Et si cela permet d’éviter l’exaspération des forces de police et des manifestants, tant mieux.

Mais l’apaisement est à trouver ailleurs. Il serait venu bien plus sûrement si l’exécutif n’avait pas distillé au compte-gouttes ses concessions et s’il l’avait fait plus tôt. Maintenant il ne lui reste que peu de munitions.

D’autant que la colère est diffuse et tient à de multiples facteurs, le moindre n’étant pas l’exaspération de n’être pas considéré. Mais il y en a bien d’autres, exprimés ouvertement ou non : la difficulté de boucler les fins de mois pour les plus pauvres, la frustration devant les tentations de la société de consommation, l’impossibilité de se munir d’un véhicule ou de le renouveler, la grogne devant la multiplication des amendes ou les limitations de vitesse, l’indignation contre des revenus « dingues » de grands patrons. Il faudrait des centaines de voitures électriques offertes aux communes isolées pour que M. Carlos Ghosn fasse oublier ses faramineux émoluments. Il y aurait-là cependant matière à développer une solidarité qui se manifeste ici ou là.

La promesse d’une remise à plat de la fiscalité reste le principal élément à mettre en jeu pour que la crise ne s’aggrave pas. Mais elle prendra du temps. Et le refus par M. Macron de revenir sur l’abrogation partielle de l’ISF ne va pas faciliter les choses. Il lui reste cependant une possibilité qui lui permettrait de ne pas trop se déjuger : abandonner, au moins provisoirement, la mise en place du prélèvement de l’impôt à la source. Cette mesure pénalise les entreprises, surtout les petites, et inquiète les personnes qui emploient des aides ménagères ou de santé. Personne n’a encore vu en quoi la charge de fonctionnement du ministère des finances en serait soulagée (ce serait cependant logique). L’abandon pourrait être justifié par le constat que faire de 2018 une année blanche est inéquitable. Cet abandon, à l’inverse de l’abandon partiel de l’ISF, apporterait de l‘équité et donnerait un caractère social qui manque à la politique gouvernementale ou à son appréciation jusqu’ici (mettons à part le dédoublement des classes fréquentées par les enfants des secteurs défavorisés et la baisse de la taxe d’habitation). En effet, dans le dispositif prévu, les revenus financiers de 2018 sont moins taxés que lors des autres années. Cela apparaît comme un cadeau aux riches, même si ce n’en est pas un. A l’inverse, une personne ayant eu une perte d’emploi ou une baisse d’activité ou de revenus peut se sentir lésée par cette année blanche. Il en est de même pour les couples qui se sont mariés en 2018 et qui ne pourront bénéficier de la réduction d’impôt qu’apporte le bénéfice de deux parts. Un dispositif de lissage sur plusieurs années, en particulier pour l’ISF, permettrait un compromis raisonnable. Mais dans le contexte actuel, l’important serait que la mesure pourrait être annoncée pour l’immédiat et aurait un caractère apaisant.

Une autre menace est bien présente : le dérèglement climatique. Il faudra bien prendre le problème à bras le corps et de manière urgente. Ne remplissons pas les abris d’urgence, les hôpitaux et les prisons si nous pouvons éviter des désastres. Il y a mieux à faire.

Jean-Paul Penot

Quel avenir, pour nous, ici ?

La cinquième édition des rencontres « Les idées mènent le monde » mérite bien un petit coup de chapeau. Nul doute que son succès ne démentira pas celui des années précédentes. Son thème m’incite à évoquer l’avenir de notre territoire et de notre environnement.

Une exposition itinérante a été consacrée au Plan Local d’Urbanisme Intercommunal  (PLUI) 2020-2030, différentes manifestations ou rencontres ont été organisées de septembre à octobre, et une concertation a été menée. En ce mois de novembre un bilan doit être tiré et ses conclusions présentées au public des 31 communes de l’agglomération (162.000 habitants). On ne peut pas dire que l’exposition à la médiathèque des Allées ait attiré les foules, au contraire de ce que le Palais Beaumont va connaître dans les prochains jours. Après avoir trouvé porte close, j’ai pu la parcourir en solitaire quelques jours plus tard. J’ai d’autant plus été frappé par le contraste entre les photographies aériennes prises récemment et celles qui ont été prises il y a cinquante ans. L’urbanisation du territoire est flagrante. De larges étendues qui étaient naguère consacrées à l’agriculture sont devenues des zones pavillonnaires. On peut facilement imaginer les conséquences pour l’environnement et les déplacements. Ne cherchons pas plus loin l’origine de bien des engorgements en ville et dans les accès. Interrogeons-nous sur ce que sera ce territoire dans 10, 20 ou 30 ans.

L’abondance d’instances, d’organismes et d’initiatives parviendra-t-elle à juguler ce développement anarchique ? Une petite brochure intitulée « Vers un meilleur cadre de vie avec le PLUI » dresse un florilège des sigles des organes qui se proposent de nous offrir un meilleur cadre de vie. Je ne le reprends que partiellement et je vous invite à méditer sur les intentions affichées. Leur formulation toute empreinte de volonté de développement durable correspondra-t-elle à la réalité que nous connaîtrons (ou pas) ? Est-il seulement certain que ce territoire ne sera pas affecté par des événements climatiques comme des inondations ? Et qu’en sera-t-il des paysages, alors que les routes sont de plus en plus longées par des entrepôts, des magasins en tous genres et des aires de stationnement bitumées ? Ne faudrait-il pas aussi porter notre attention sur le projet immobilier d’Eiffage entre la gare et le stade d’eaux vives ? Sera-t-il exemplaire, car vu depuis le boulevard des Pyrénées, ou sera-t-il une verrue formée d’immeubles sans style, sans attache locale, sans attrait, comme tant de zones de banlieue qui se sont développées comme des excroissances cancéreuses dans le pays ? La question n’a pas l’envergure de celles qui porteront sur l’avenir de notre planète et qui seront au menu des « idées qui mènent le monde ». Mais pour ceux qui vivent ici, elle n’est pas indifférente.

Jean-Paul Penot

http://www.agglo-pau.fr

AUDAP : Agence d’urbanisme Atlantique et Pyrénées

CAPBP : Communauté d’Agglomération Pau Béarn Pyrénées

CAUE64 : Conseil Architecture Urbanisme Environnement

PCAET : Plan Climat Air Energie Territoire

PDU : Plan de Déplacements Urbains

PLH : Programme local de l’habitat

PPR : Plan de prévention des risques

SCoT : Schéma de Cohérence territorial (145 communes)

Les halles renaissent.

En ce vendredi 26 janvier, il y avait foule aux halles de Pau. L’inauguration a été incontestablement un succès.

D’abord parce que l’installation est conforme au projet qui avait été présenté, et qu’il est gai et lumineux, festif. Ensuite parce que la réalisation n’a connu aucun retard et aucun dépassement, comme me l’a glissé François Bayrou à l’oreille, connaissant l’esprit critique des rédacteurs d’AP. Je lui ai répondu qu’en effet c’était un fait rare et il a rétorqué « Pas à Pau. Tous nos chantiers, dont le dernier, celui du Hédas, n’ont pas connu un euro de dépassement. » Il a repris ce thème dans son discours et souligné la contribution de ses adjoints, des architectes (qui ont remporté une consécration à égalité avec ceux du jardin de la Maison Blanche) et des nombreuses entreprises de la région. Il a aussi souligné l’importance des contributions financières du département et de l’État à travers le prêt de 16 millions à taux zéro sur 20 ans de la Caisse des dépôts et consignations. Mais surtout, le pari de faire des halles le « cœur battant du centre-ville » a bien des chances d’être gagné. Les esprits malicieux rectifieront en parlant de l’estomac plutôt que du cœur. Mais il est vrai que la chaleur humaine se sent ici plus que dans les grandes surfaces. Les nombreux parlementaires et élus locaux ne s’y sont pas trompés et y sont allés de leurs bises ou poignées de mains. J’ajoute, que question chaleur… la salle est climatisée et que l’on s‘y sent bien. De plus elle ouvrira le dimanche !

La mezzanine est très agréable, même si l’on n’y a pas la vue sur les Pyrénées. Elle regorge de lieux attirants. Ma crainte est qu’ils soient destinés aux bobos fréquentant le Oyster bar (difficile de faire moins local…) ou le bar à truffes. Le prix des cèpes (49,50 le kg), du raisin muscat ( 5,9 le kg) et des artichauts (1,90 la tête) risque d’effrayer les familles populaires. Mais les fumets sont puissants et vous saurez sans doute trouver de bonnes affaires et des mets de qualité. Et le carreau des producteurs va revenir. De plus, la tour sera rénovée et mise à la disposition d’associations et de services.

C’est en pensant à l’initiative des membres d’AP qui ont battu le pavé et les claviers pour souligner la nécessité de rénover les halles que je me suis rendu à cette inauguration. Je n’étais pas convaincu. On se réveille quand on peut. Merci à eux, à Bernard Boutin et Hélène Lafon en particulier. Et merci à tous les acteurs qui ont œuvré pour cette revitalisation du cœur de ville.

Jean-Paul Penot

Le droit à la vérité

A une époque dans laquelle les fausses nouvelles et les rumeurs pullulent, ce droit est plus précieux que jamais. Mais quelle patience ne faut-il pas pour l’obtenir !

La famille de Maurice Audin a attendu plus de 61 ans pour obtenir une explication officielle sur sa disparition, survenue après son arrestation le 11 juin 1957 à Alger par des parachutistes du général Massu, devant sa femme et ses trois jeunes enfants. Maurice Audin était un jeune mathématicien de l’Université d’Alger, militant anticolonialiste. Pendant des années la thèse officielle était qu’il s’était échappé durant un transfert et qu’on ne l’avait pas retrouvé. Des témoignages, dont celui d’Henri Alleg, l’auteur de « La question » affirmaient qu’il était mort sous la torture, un cas non isolé. Le général Aussaresses a confié avant sa mort qu’il avait donné l’ordre de son exécution au couteau, afin de faire croire que le crime avait été commis par les indépendantistes algériens.

Pendant des années, mon collègue Gérard Tronel, un homme d’une grande culture qui nous manque, a animé un comité afin que la vérité éclate. Inlassablement, il a collecté des fonds pour un prix scientifique visant à promouvoir des relations de qualité entre les communautés mathématiques algériennes et françaises. Plusieurs mathématiciens de grande envergure (Laurent Schwartz, Pierre-Louis Lions, Cédric Villani entre autres) ou de stature plus usuelle ont soutenu cette initiative et un colloque s’est tenu à Paris l’an passé, devant une assistance nombreuse.

Espérons que les fortes paroles du Chef de l’Etat en ce jour auront des conséquences pour sa famille, que toutes les archives seront ouvertes, y compris à la caserne Bernadotte et que des témoignages nouveaux contribueront à dévoiler l’entière vérité. Il s’agit de notre honneur à tous.

Jean-Paul Penot

Des liens sur

https://www.franceinter.fr/emissions/comme-un-bruit-qui-court/comme-un-bruit-qui-court-16-juin

L’Affaire Audin, Pierre-Vidal Naquet (1958)

Une vie brève, Michèle Audin (2013)

Le dépassement

Comme vous, je crois parfois me dépasser. C’est sans doute une illusion : me maintenir serait déjà trop beau ! Mais ce n’est pas de tels dépassements dont il va être question.

Ne pas dépasser chaque mois ses ressources est un objectif que nous essayons tous de respecter. Mais collectivement, les humains n’y prêtent guère d’attention. Au premier août, ils ont déjà consommé la totalité de ce que le terre peut leur fournir pour l’année. Et le pire est que ce manque de retenue s’accélère. En 1970 c’était le 24 décembre, comme s’il fallait jeûner pendant les fêtes. En 1999 c’était le 2 octobre, en 2000 le 25 septembre, en 2005 le 29 août, en 2010 le 14 août. Il faudrait donc disposer de près de deux terres (1 ,7 exactement) pour vivre comme nous vivons.

Ce constat alarmant se combine avec l’évidence d’un réchauffement climatique. Passons sur des faits isolés (pointe à 52° à Madrid hier, 53,5° au Pakistan). Mais le fait est là : en 2017 la température moyenne a dépassé de 0 ,38° à 0 ,48° la moyenne des années 1981-2010. En accédant au modernisme, les populations de pays émergent auront de plus en plus besoin d’air conditionné et le réchauffement des calottes polaires aura des conséquences dramatiques sur les océans dont la température s’élève de 1,7 degré par décennie et dont le niveau augmente de 3,1 cm par décennie.

On envie ici la croissance américaine qui s’est élevée à 4 ,1% au second trimestre. Mais est-ce bien raisonnable ?

Ne faudrait-il pas pénaliser le gaspillage ? Il est facile (en théorie) de proposer de sortir du système financier américain et de préconiser une monnaie internationale dont la valeur serait calculée sur un panier de monnaies. Le monde doit sortir d’un tel modèle dans lequel la finance et les échanges internationaux font la loi.

Mais regardons autour de nous. Utilisons-nous la bicyclette autant qu’il serait possible de le faire pour laisser l’automobile à l’arrêt et entretenir notre santé ? Avons-nous étudié comme il le faudrait l’acquisition de pompes à chaleur, la végétalisation de nos murs ? Prenons-nous le train même lorsqu’il est plus cher que l’avion pour se rendre à Paris ? Lorsque nous prenons l’avion prenons-nous garde au trajet et au nombre de décollages ou au coût proposé par les comparateurs sur internet ? J’avoue avoir fauté sur ce point et je le fais pour que vous en tiriez la leçon. Pour aller de Tarbes à Bari une compagnie à bas coût proposait de passer par Londres puis Milan. Le prix était attractif et les horaires corrects. Les escales prévues étaient d’au moins deux heures. Mais je n’avais pas prévu l’arrivée tardive de l’avion à Tarbes, l’inefficience pour les bagages à Stansted et le fait que Ryanair impose 3 heures pour les escales (ou les exclue lorsqu’elle vend le billet directement, j’ai entendu les deux versions dans la bouche de ses employés). Résultat : une journée de stress et un séjour amputé. J’avais rejeté un passage par Cracovie. Mais j’aurais dû être moins confiant et plus soucieux d’un vol plus direct et plus sûr. Faut-il préconiser la restriction de nos libertés, interdire de tels vols, prendre des mesures pour éviter aux vacanciers les 700 km de bouchons que la France connaît ce samedi ?

Jean-Paul Penot

Y-a-t-il trop de culture, trop de salles de spectacle à Pau ?

Les réponses à une telle question peuvent varier selon l’âge du questionné, ses occupations ou son origine. Selon qu’on est issu  de Paris ou d’un hameau perdu comme Goust, les exigences ne sont pas les mêmes. Selon qu’on est passionné de montagne, sur les crêtes plus souvent que devant un écran, ou lecteur fervent de poésie, les besoins sont différents.

La problématique de Daniel Sango dans son article «Pau : la gabegie en spectacle » se situe dans l’optique du coût pour les finances publiques, ce qui est bien le domaine d’un site d’observation citoyenne. Son recensement (qui ne prétendait pas à l’exhaustivité), pourrait être complété par le Palais Beaumont, le théâtre Saragosse, la Maison de l’étudiant, l’atelier du Néez et bien d’autres salles périphériques ou centrales dans l’agglomération. Force est de constater un éparpillement, notamment dans la périphérie de l’agglomération, peut-être causé par le désir des maires de laisser une trace et le souhait de montrer à ses administrés que l’on fait quelque chose qui restera. Un tel foisonnement coûte cher aux finances publiques et il faut le dénoncer. Cependant, une telle offre est une chance pour les associations qui veulent faire découvrir un spectacle. J’ai vu ou écouté des spectacles de qualité à Serres-Castet, à Lons et à Bizanos.

Les amateurs de cinéma ne peuvent rejoindre la critique du Méliès, qui est un instrument remarquable d’une diffusion artistique de qualité. Il est douteux que les dirigeants du CGR aient la même exigence en matière artistique. Si le Méliès disposait d’une salle supplémentaire, sa programmation serait plus régulière et donc plus accessible au public. Ses prix sont raisonnables, ce qui, de mon point de vue, n’est pas le cas du Zénith, même s’il faut faire la différence des contenus. Cependant, il serait bon que le Méliès dispose de plus de facilités de stationnement, ce qui serait le cas s’il était déplacé au Parc des expositions, par exemple. De plus, il faudrait que pour tout transfert une réutilisation fructueuse soit faite pour la salle laissée libre.

Tout ne peut être examiné sous le seul angle de la rentabilité. Les spectacles d’été en plein air ne sont pas rentables, puisque gratuits ; mais ils contribuent à fixer la population sur place et à lui apporter des satisfactions. Voudrait-on faire de Pau une ville encore plus morte en été ?

Non, le Tour de France ne remplace pas une vie culturelle au long de l’année et son coût me paraît beaucoup plus discutable.

Le succès des « Idées mènent le monde » qui ont succédé au salon du livre montre qu’il faut être prudent : la rénovation du Palais Beaumont voulue par André Labarrère a sans doute été coûteuse, mais elle porte ses fruits.

Jean-Paul Penot

De la difficulté d’être maire

Il faut aller à la rencontre de ses électeurs. Les réunions de quartier sont faites pour cela. Comme celle qui a eu lieu vendredi 2 mars au Conservatoire de musique de Pau.

Là un impertinent, alors que personne ose poser la première question, demande : « Monsieur le Maire, avez-vous goûté l’eau du bassin extérieur du stade nautique en ces temps de froidure ? » Ce n’est pas qu’il veuille évaluer les capacités sportives du maire de la ville, car il ajoute : « A-t-on fait un bilan thermique de cet équipement ? Et pourquoi n’y a-t-il pas de panneaux solaires sur cet emplacement privilégié ? Ni même sur la terrasse du bâtiment du Conseil Général ? Et qu’en est-il du problème des dalles qui en été sont brûlantes ? »

Piqué au vif par la question sur le bâtiment du 64, François Bayrou avance un argument esthétique : « Ce bâtiment a cinq faces et doit pouvoir être vu du boulevard des Pyrénées. » (*) Pour ce qui est du stade nautique, dont il rappelle que c’est l’œuvre de la municipalité précédente, il laisse la parole à son fidèle lieutenant, Jean-Paul Brin. L’exposé de celui-ci est détaillé et magistral. Plutôt que de retenir un rafraîchissement des dalles par des brumisateurs situés sous les dalles, il préconise une aspersion par en-dessus ainsi que la pose d’un vélum sur une partie du bord du bassin. Un arrangement financier avec les assurances devrait intervenir.

Suit alors une ribambelle de doléances. Des feuilles sont restées sous des voitures après un élagage. Comme chaque année, des riverains de la rue de Navarre se lamentent sur leurs trottoirs. Le Maire répond que ce n’est pas la rue la plus mal lotie de France (et de Navarre). En fait, je trouve à cette rue un air tristounet, mais un peu de mousse lui va bien. Pour ce qui est du trottoir nord de la portion de l’avenue Trespoey comprise entre l’avenue Édouard VII et la rue de Béarn, il est vrai que sa largeur réduite (1,20 m) et l’avancée des capots des voitures gênent le passage des poussettes et des fauteuils roulants. Il faudrait 1,40 m. Et peut-être que les voitures en stationnement soient véritablement en épi. En attendant, va pour un banc public ! Cela fera peut-être venir les amoureux…

Plus loin, ce sont les pistes cyclables qui gênent le stationnement des voitures aux dires de certains riverains qui demandent que la nuit les voitures puissent stationner sur les pistes cyclables. Peu importe que les cyclistes soient en danger lorsqu’ils devront contourner les voitures en stationnement… Personne ne note qu’une solution originale a été instaurée sur une portion de l’avenue : le large trottoir a été partagé entre (rares) piétons et cyclistes. Elle pourrait être proposée ailleurs que là et que sur le boulevard des Pyrénées. Le sol n’est pas très roulant, mais cela n’a pas coûté trop cher et la sécurité est assurée.

Les habitants du quartier du Buisson se sont regroupés. Espérons que c’est pour défendre les magnifiques cerisiers à fleurs qui font l’enchantement des passants. Malheureusement, le temps des fleurs, comme celui des cerises est bien court.

Le temps n’a pas dû être trop court pour le Maire et les conseillers municipaux ainsi mis sur le grill. Espérons que des questions de plus grande ampleur seront abordées dans d’autres réunions. Il ne doit pas être facile de passer de la vaste question de la moralisation de la vie publique à la question des gravillons sur les trottoirs et des petites querelles entre voisins qui ne se parlent pas. Il m’est revenu en tête une réplique de Charles de Gaulle au cri (que je ne répéterai pas) d’un quidam : « Vaste programme ! » Devinez le cri.

Jean-Paul Penot

(*) J’ai du mal à croire qu’en orientant les panneaux vers le sud on ne puisse pas les habiller au nord de matériaux esthétiques, ardoises ou autres. Question d’exemplarité.

Cheminots

Nous vous avons tant aimés !
Oui, vous les cheminots vous avez été aimés des Français, et ce depuis bien longtemps. Le temps des sièges en bois, des fenêtres laissant passer les escarbilles est révolu. Même le temps des records appartient au passé.

Aujourd’hui, c’est le temps du désamour. Les grèves à répétition (et le manque d’imagination pour le rendre commode) ont eu raison du fret ferroviaire, à peu de choses près. Pourtant, le rail est infiniment plus respectueux de l’environnement que le transport routier. Les voyageurs grognent en raison des retards. Sont-ils plus importants que les ralentissements que l’on observe sur les routes ? J’en doute. De plus, la SNCF a pris ces dernières années des mesures pour dédommager les passagers des trains retardés.

A ce propos, je voudrais relater ce qui a ponctué mon dernier voyage en train. A Pau, le train venu de Tarbes avait 50 ou 60 mn de retard. Se lever tôt pour attendre sur un quai brumeux n’a rien d’agréable. Mais il a fallu attendre encore avant que le train parte car un train de marchandises bloquait la voie du côté d’Artix. Puis, dans les Landes, notre TGV a encore perdu une heure afin de laisser un TER libérer la voie [sic], ce qui a porté à plus de deux heures le retard à l’arrivée. Mais à Bordeaux des boites repas ont été distribuées aux voyageurs, ce qui a permis d’éviter que la voiture bar soit dévalisée. A l’arrivée on ne trouvait pas les enveloppes que la SNCF distribuait naguère pour obtenir un remboursement partiel du billet ; il fallait donc avoir recours au site internet adéquat de la SNCF, ce qui a pu rebuter certains voyageurs.

Le rapport Spinetta va-t-il ouvrir une ère nouvelle pour la SNCF ? Il est probable que le statut particulier des cheminots tombera en désuétude, ce statut n’étant plus attribué aux nouveaux entrants. Les petites lignes comme celles de Bedous-Pau ou Saint Jean Pied de Port-Bayonne seront menacées. Il peut paraître scandaleux qu’il leur soit attribué quelque 2 milliards d’euros alors qu’elles ne transportent que 2% des voyageurs. Mais elles rendent service à des tranches entières de la population, comme les jeunes ou les personnes sans voiture. Elles contribuent aussi à la survie de territoires isolés ? Il est naturel d’établir une priorité en faveur des voyageurs des métropoles dans lesquelles se concentrent des populations très denses. Mais ce faisant on renforce le déséquilibre du territoire national. Trouve-t-on qu’il convient de renforcer les centaines de kilomètres cumulés d’encombrements journaliers ?

Dernière question. L’effort financier au profit du rail est-il démesuré par rapport aux dépenses attribuées à la route ?

Jean-Paul Penot

Crédit photo : « La Bête humaine » film de Jean Renoir – 1938

Sélection ? Vous avez dit sélection ?

Ou plutôt vous ne l’avez pas dit. Le mot fait peur. Il est vrai qu’il y a des antécédents fâcheux. Mais on ne pouvait rester dans le système d’inscription APB, qui conduisait à bien des aberrations, comme le tirage au sort.

Et si l’on élargissait la vision de la question ? Presque partout dans le monde les universités pratiquent la sélection, retenant ainsi les meilleur.e.s étudiant.e.s pour les études les plus longues. En France, on fait l’inverse : bien des filières courtes sont sélectives, tandis que les filières longues, qui exigent des capacités affirmées, ne le sont pas ! On marche sur la tête !

Il en résulte un gâchis important, même si des étudiants peuvent s’épanouir, se révéler, dans le système universitaire. Les syndicats étudiants et enseignants minimisent ce gâchis (*), mais il existe.

Que se passerait-il si l’on ne faisait pas de sélection pour le XV de France ou pour les jeux olympiques ? Pourquoi la sélection serait-elle bonne quand il s’agit de sport, de musique ou d’arboriculture, mais pas lorsqu’il s’agit d’orienter les étudiants en fonction de leurs capacités et de leur motivation ? Cette dernière doit être certes prise en compte, et mieux que dans le nouveau système « parcoursup ». Mais elle doit s’appuyer sur des évaluations des capacités afin que le taux de réussite soit aussi élevé que possible. Les universitaires le savent bien : ils pratiquent la sélection pour l’entrée en mastère. Et quant à la sélection par l’échec en première année d’université, ce n’est pas la meilleure, loin de là. Il faut en sortir, sortir de l’hypocrisie et faire appel au bon sens.

Jean-Paul Penot

(*) https://nuage.univ-pau.fr/index.php/s/mpCUJEo9iEQC6br