Charlie Sarl

C ‘est donc à 7 millions d’exemplaires que la dernière édition de Charlie Hebdo aura été tirée d’après les gazettes. Un record absolu pour la presse française. Mais aussi des montants considérables qui au delà de l’émotion peuvent tout de même interroger. 7 000 000 X 3 € = 21 millions d’ €. C ‘est le chiffre d’affaires de la semaine des Editions Rotative, la Sarl de Presse dont les capitaux propres négatifs et le chiffre d’affaires en constante dégradation (5 600 000 € pour l’année 2014) n’en finissaient pas d’inquiéter ses malheureux actionnaires et rédacteurs aujourd’hui disparus.

En passant d’un tirage moyen de 30 000 exemplaires à 7 000 000, la Sarl Charlie Hebdo vient tout simplement de changer de planète. Beaucoup d’argent, trop d’argent pour une petite équipe d’une vingtaine de personnes, dont le moins qu’on puisse dire est qu’ elle n’a pas été véritablement préparée à ce tsunami financier. D’ autant qu’il y a tout lieu de penser que les sollicitations médiatiques, l’effet panurge et le contexte émotionnel ont dû provoquer un afflux aussi considérable d’abonnements, afflux qui multipliera dans des proportions extraordinaires l’enrichissement des propriétaires de cette feuille de chou.

Pour donner des ordres de grandeur, les 3 socio-milliardaires qui font désormais la loi dans la presse de gauche (Bergé, Niel, Pigasse) au travers de leur Holding « Le Monde libre », propriétaire du Monde,  ont repris 65% du nouvel Obs pour 13,5 millions d’€. Soit à peine une semaine de résultat pour Charlie après déduction de ses frais de tirage et de distribution. Le Monde avait lui été recapitalisé en 2010 à hauteur de 110 millions d’ €. Pas hors de portée, pour nos conquérants du petit dessin désormais. D’autant que les appels à la mobilisation générale pour « aider Charlie Hebdo », continuent. Et les braves gens sollicités par nos antennes nationales, je viens de l’entendre sur France Info, de sortir leur portefeuille en essuyant une larmichette, car vous savez mon bon Monsieur, la liberté d’expression dans notre pays c’est sacré.

Alors attendons-nous à un véritable déferlement. Ah certes, il ne sera pas le fait de Luz, de Willem ou d’autres, dont il ne me viendrait pas à l’idée de douter de la sincérité des sentiments. Mais comptons sur tous ceux qui ne manqueront pas de leur venir en aide. Libé s’est placé en pole position en abritant les malheureux sous la protection et le sourire carnassier de Laurent Joffrin. Lui-même sous la coupe de Patrick Drahi, un des actionnaires de référence de la société, et aussi un tycoon des Telecoms. Numericable contre Free dans les médias de gauche, c’est plutôt drôle. Une belle bataille en vue pour ramener le petit Charlie à la maison, chez des gens raisonnables.

Nous allons voir fleurir, des albums souvenir, des éditions originales numérotées, des exemplaires d’artistes signés et puis bien plus tard, des casquettes et des T shirts qui nous rappelleront ces tristes moments et nous permettront d’afficher notre inébranlable solidarité. Le nouveau chiffre d’affaires des Editions Rotative ne peut évidemment laisser personne indifférent, puisqu’il devrait être probablement multiplié par 10 au moins cette année. Mais pour y parvenir, il faudra bien entendu un contenu éditorial renouvelable et durable. Durable dans la contestation ou dans les anathèmes blasphématoires ? C’est une excellente question. Car en déversant avec la bénédiction de notre gouvernement un pactole sur Charlie, il nous faut bien constater aujourd’hui au fil des manifestations et mouvements divers qui parsèment la planète musulmane en y semant violence et incompréhension que désormais,  c’est une part importante de notre politique étrangère qui est entre les mains de nos joyeux dessinateurs, au gré de leur première page le mercredi. Très belle opération construite pour durer. Nos trublions pourront tenir. Nos futurs otages beaucoup moins.

Le tout bien entendu au nom de la liberté d’expression, à laquelle soyez assuré que je tiens par dessus tout. Comme vous d’ailleurs, bien sûr, avec toutes les exceptions prévues par la loi au fil du triomphe du politiquement correct. Mais ce n’est pas le moindre paradoxe que d’en mesurer le prix, avant d’avoir à en mesurer le coût. Gageons que nos milliardaires ou leurs agents qui ne sont certes pas des charlots sauront trouver des solutions raisonnables afin que notre Président dont tout le monde a admiré la conduite exemplaire et empressée, puisse également retrouver en plus de sa douloureuse et médiatique compassion, son gouvernail et les moyens d’empêcher une toute petite poignée d’ idéalistes de mettre le feu à la planète avec les moyens que nous leur avons donné pour apaiser nos consciences et défendre notre République.

L ‘entreprise, un petit bout de France

Comme toujours, les événements les plus tragiques sont aussi des révélateurs et des électrochocs utiles si tant est qu’il faille que nous leurs trouvions quand-même un sens, tant ils nous permettent parfois de déverrouiller des situations qui n’auraient guère pu l’être autrement. Déverrouiller la réflexion à tout le moins et avancer ne serait-ce qu’un tout petit peu.

Il y a cependant un angle que je n’ai guère vu traité, parmi les milliers de lignes d’analyses et de commentaires dont notre peuple raisonneur est tellement friand. Et je ne suis certes pas le dernier… C’est celui des héros ordinaires dont le courage, l’extrême dévouement et le sens énorme des responsabilités dont ils ont fait preuve se sont exercés dans le cadre de leur travail, celui de leur entreprise.

Ce chef d’entreprise tout d’abord, patron d’une petite imprimerie, Michel Catalano, qui calmement s’interpose, pense d’abord à protéger son employé Lilian en lui disant de se cacher et lui donne le temps nécessaire pour le faire, en offrant un café à ses agresseurs puis en soignant celui d’entre eux qui était blessé. Lilian Lepère caché pendant 8 heures sous un évier qui communique calmement par SMS à l’extérieur et guide le GIGN jusqu’à sa délivrance. Un jeune Français magnifique de courage et de lucidité et son patron, deux héros cachés dans une zone artisanale et qui nous apparaissent aujourd’hui

Lassana Bathily, employé malien et musulman de l’ Hyper Cacher de Vincennes. Oui, employé malien et musulman d’une supérette Casher. Une entreprise, avec ses clients certes, mais surtout ses employés, sans discrimination de couleur de peau, d’origine ou de religion. Et ce qu’a fait Lassana est magnifique de courage, de détermination lucide, de calme et aussi de leadership. Ce jeune homme a tout simplement pris le dessus sur une situation de panique absolue avec calme et résolution, au point de sauver par sa maîtrise et ses bons réflexes, ses clients et son patron.

Je ne reviendrai évidemment pas sur ces scènes incroyables, en particulier sur ce policier du Raid qui rentre seul, face aux balles dans la supérette. Et ceux derrière qui le couvraient, exposés au feu direct de ce pauvre fou. Comme ceux du GIGN qui se sont lancés à l’assaut avec un cran magnifique mais après qu’un Gendarme  se soit aussi interposé seul, et comme les autres victimes innocentes de leur devoir. Le visage qu’ont montré ces citoyens ordinaires est magnifique et nous a rendu à nous ce petit bout de fierté et d’honneur dont nous commencions à sérieusement manquer. C’est aussi ça que nous avons tous retenu.

Mais au-delà de cette fierté bien naturelle que nous éprouvons tous après tant d’humiliations pour notre pays, c’est aussi une autre image de l’entreprise que ces horreurs ont renvoyé. Des entreprises certes petites, mais où règne la paix sociale, une excellente entente entre employés et patrons visiblement. Où les gens se connaissent et s’apprécient pour ce qu’ils sont, dans l’immense variété de leurs origines de leurs religions et de leurs conditions et ou, autour de leur patron qui les conduit plus qu’il ne les dirige, ils sont capables de comportements exemplaires et d’un dévouement extrême.

Bien loin des clichés qui trop longtemps nous ont été proposés ici ou là. Avec des patrons sans scrupules, obsédés par leur enrichissement personnel, des employés exploités et condamnés à toujours plus de résultats pour toujours moins d’argent. Des dirigeants sans foi ni loi, soumis à la grande finance etc..etc..

Le temps est déjà venu pour ces héros modestes, de reprendre le travail. De reconstruire tout ce qui a été cassé et de rouvrir au plus vite leurs portes à leurs clients. C’est certainement une excellente idée que de s’ abonner à Charlie Hebdo qui est aussi une entreprise dont nous avons pu mesurer les liens qui avaient été tissés entre ses membres. C’est drôle, je n’ai pas vu grand monde se demander ce qu’il pouvait faire  pour aider les deux autres entreprises pourtant bien abîmées à redémarrer. Pas grave, avec des patrons et des collaborateurs pareils, elles retrouveront, je l’espère très vite, le chemin du succès. Leurs clients désormais savent à qui ils ont à faire.

Et moi je me dis que la réponse à la dislocation sociale est bien dans ces micro-organismes que sont ces petites entreprises. Et qu’il est prioritaire d’en créer d’autres et beaucoup..et vite. Et que donc le moment est venu de changer de lunettes, de trouver des entrepreneurs dans ce pays et de les mettre en condition de réussir en leur faisant simplement confiance.

~ Oscar du Pont~

http://www.francetvinfo.fr/faits-divers/attaque-au-siege-de-charlie-hebdo/exclusif-france-2-retrouvez-le-temoignage-de-lilian-lepere-cache-durant-huit-heures-dans-l-imprimerie-de-dammartin_795415.html

http://tempsreel.nouvelobs.com/charlie-hebdo/20150110.OBS9684/lassana-bathily-heros-de-la-prise-d-otage-hyper-cacher.html

Liberté d’expression , mon culte..

Pour une fois, je ne m’exprimerai pas . Je me suis contenté de tenir la plume du traducteur. Celui d’un article paru dans le Washington Post à propos de la Liberté d’expression en France . Ecrit par un juriste, mais également un fin connaisseur de notre société qui nous montre qu’en France, la « liberté d’ expression » qui a mobilisé des millions de personne, ça ne se décline pas aussi facilement que celà et que des questions , mais celles-ci comme bien d’autres, restent et resteront ouvertes, après que chacun ait rangé ses pancartes, avec le sentiment du devoir accompli.

Je fais des recherches pour voir si je trouve quelque chose en chinois sur la liberté de pensée 🙂

~ Oscar du Pont~


En France la plus grande menace contre la liberté d’expression, ce n’est pas le terrorisme. C’est le Gouvernement 

By Jonathan Turley 
Le 8 janvier 2015
Jonathan Turley est Professeur de Droit Public à  l' Université George Washington 

Traduction du Washington Post par Oscar du Pont

 

Dans l’heure qui a suivi le massacre de Charlie Hebdo, des milliers de parisiens se sont spontanément rassemblés, Place de la République. Réunis sous les statues monumentales qui représentent la Liberté, l’ Egalité et la Fraternité ils ont clamé « Je suis Charlie » et « Charlie Liberté ! ». Un moment rare d’unité nationale française aussi touchant qu’authentique.
Mais on aurait pu aussi se demander pourquoi ils étaient là. La plus grande menace contre la liberté en France n’est pas venu des terroristes qui ont commis ces actes horribles, la semaine dernière. Mais elle est venue des Français eux-mêmes qui ont engagé le monde occidental dans une forme de répression de la libre expression.
Si les Français voulaient vraiment rendre hommage aux morts de Charlie Hebdo, ils devraient peut-être d’abord revoir leurs lois qui criminalisent les propos, qui insultent qui diffament ou qui incitent à la haine, à la discrimination ou à la violence sur des fondements ethniques, de religion, de race, de nationalité, d’infirmité, de sexe ou d’orientation sexuelle. Ces lois ont été utilisées pour poursuivre le journal satirique et menacer ses journalistes pendant des années. La parole a toujours été conditionnée en France à la notion de responsabilité, suggérant ainsi que la parole libre est davantage un privilège qu’un droit pour ceux qui tiennent des propos controversés.
En 2006, après que Charlie Hebdo ait réédité les dessins tellement controversés de Mahomet qui avaient été publiés par le journal danois, le Président Chirac condamnait officiellement cette publication et mettait en garde contre cette évidente provocation. « Tout ce qui peut offenser les convictions personnelles devrait être évité et la liberté d’expression devrait s’exercer dans un cadre régi par l’esprit de responsabilité».

La Grande Mosquée de Paris et le CFCM poursuivirent le journal pour avoir insulté les Musulmans, un crime passible d’une amende de 25000 € et 6 mois d’emprisonnement. La Cour de Cassation débouta les demandeurs finalement, mais l’appétit français pour davantage de règles et de contraintes n’en faiblit pas pour autant.
Les cas ont couvert un spectre assez large et souvent bizarre. En 2008, par exemple, Brigitte Bardot fut condamnée pour avoir écrit une lettre au Ministre de l’ intérieur de l’ époque par laquelle elle lui indiquait penser que les Musulmans et les homosexuels étaient en train de ruiner la France. En 2011, le couturier John Galliano fut condamné pour insultes antisémites contre au moins 3 personnes dans un café parisien. En 2012, une loi proscrivant toute forme de déni de l’holocauste arménien est bien votée mais est déclarée non constitutionnelle ensuite, même si le négationnisme reste un crime. En 2013 une Française fut condamnée pour « apologie du crime », après avoir permis à son fils nommé Djihad, d’aller à l’école avec un Tshirt portant la mention, « je suis une bombe ». L’an dernier, Manuel Valls, alors Ministre de l’Intérieur « déclarait la guerre » à Dieudonné M’Bala M’Bala en disant qu’il n’était pas un comédien mais un antisémite et un raciste. Il est facile de faire taire ceux qui propagent des idées haineuses ou des mots offensants, mais la censure ne s’arrête que rarement aux comportements marginaux.
En particulier, parmi les manifestants de la semaine dernière Place de la République, on pouvait voir Sasha Reingewirtz, Président de l’ Union des étudiants juifs de France, qui dit à la NBC : « Nous avons à rappeler aux terroristes que la religion peut être critiquée librement ». En 2013, le même syndicat n’était pas aussi généreux quand ils poursuivirent Tweeter pour avoir propagé des termes antisémites. Un tribunal français obligea Tweeter, sous peine d’accusation de complicité à révéler les noms des auteurs de ces tweets.
La règlementation française a été récemment étendue aux propos porteurs de haine et les tribunaux interviennent très fréquemment pour des questions relevant de l’opinion. Une bloggeuse , Caroline Doudet, fut ainsi obligée de changer le titre se son blog afin de réduire le nombre d’occurrences Google qui mettaient son blog en tête et avec lui, des critiques négatives sur un restaurant ! Alors même que la France a mis un terme depuis longtemps à ses lois anti-blasphématoires, il n’y a guère  de changement pour les auteurs de propos diffamatoires ou haineux. Les extrémistes en tout cas, s’en moquent bien comme ceux qui à Paris ont établi leur propre règles pour des propos considérés comme des crimes par la loi française. Pour eux, ce qui compte c’est le degré de la réponse à des provocations considérées comme illégales à leurs yeux. Comme l’écrit le radical Islamiste Anjem Choudary cette semaine : « Pourquoi, dans ce cas, le gouvernement a-t-il autorisée Charlie Hebdo à insulter les Musulmans ? »

C’est l’intolérance française croissante à la liberté d’expression qui a motivé les journalistes de Charlie Hebdo – et particulièrement son rédacteur en chef-  à traiter par la dérision toutes les religions. Charbonnier eut à faire face à des menaces permanentes, pas uniquement celles de ses assassins mais aussi des poursuites judiciaires. En 2012, au milieu de protestations internationales contre un film anti-islamique, le Premier Ministre, Jean-Marc Ayrault prévint que la « liberté d’expression doit s’exercer dans les limites de la loi et sous le contrôle des juridictions »

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Les Français bien sûr n’ont pas été les seuls à promulguer des lois sur la libre expression. La Grande Bretagne, le Canada et d’autres Nations en ont fait de même. Pareil chez nous aux US. En 2009 l’ administration Obama a supporté d’une manière particulièrement choquante des propositions venant de musulmans et visant à établir un « standard international du blasphème » La Secrétaire d’ Etat Hillary Clinton a invité des délégations à Washington afin de travailler sur ce sujet pour « muscler » un corpus visant à éviter les vieilles divisions. De la même manière en 2012, le Président Obama déclara à l’ ONU que le futur n’appartenait pas  à « ceux qui salissent le prophète de l’ Islam. »

Traduction sous les réserves d’usage

http://www.washingtonpost.com/opinions/what-it-means-to-stand-with-charlie-hebdo/2015/01/08/ab416214-96e8-11e4-aabd-d0b93ff613d5_story.html


Edit:

Un remarque technique pour mieux comprendre ce texte. La liberté d’expression est un droit positif aux Etats-Unis. Elle est garantie par le Premier amendement de la Constitution:

« Le Congrès ne fera aucune loi relative à l’établissement d’une religion, ou à l’interdiction de son libre exercice ; ou pour limiter la liberté d’expression, de la presse ou le droit des citoyens de se réunir pacifiquement ou d’adresser à l’État des pétitions pour obtenir réparations des torts subis. »

En France ce n’est pas du tout le cas. La liberté d’expression est à géométrie variable et se construit au fil des lois qui en limitent la portée d’une part et de la jurisprudence qui en arbitre l’application.

 

La poule et l’oeuf (ou alternativement)

L’œuf vient de la poule comme la poule vient de l’œuf. Mais une question véritablement existentielle s’incruste dans nos têtes dès que ce constat est posé. Oui, mais qui de l’œuf ou de la poule est venu le premier ? J’ai attendu que Noël qui est plutôt le temps des chapons, soit passé pour poser une question qui ne tarabuste pas que moi mais qui me hante à mesure que nous nous approchons de Pâques, une saison où les oeufs tendent à prendre le dessus

Supposons que tout ait commencé par la poule. Au commencement était la poule. Bien, mais d’où venait-elle ? Du néant mon bon Monsieur, diront les uns. La poule est une créature de Dieu diront les autres. La poule était un canard qui nageait mal dans une vie précédente, affirmeront d’autres encore. Pas facile de se faire une opinion. Et si c’était l’œuf ? Comme la poule il pourrait venir du néant mais plus facilement, sa forme aérodynamique s’y prêtant mieux. Il pourrait aussi avoir été directement créé par Dieu qui inventa également les omelettes, car l’omelette vient de l’œuf, plus personne ne le conteste. Ou avoir été bon élève dans une vie précédente avec sa tête bien faite à la Fabergé. Qui sait ? Et le coq au fait ? C’est bien de débattre sur la chronologie poule-œuf, mais sans coq, point d’œuf non plus. Et de lui, on ne parle jamais. Evidemment, l’œuf ne vient pas du coq. Mais imagine-t-on la terrible situation dans laquelle les poules nous placeraient si tout d’un coup tous les œufs ne donnaient que des coqs. C’est vertigineux. C’est sûr, il nous faudrait plus de transparence dans les œufs, afin qu’on puisse savoir à l’avance ce qui nous attend. Une omelette républicaine ou un poussin démocratique ?

A gauche, on pense dur comme fer que l’œuf était là le premier. Un œuf, ça se tond puis ça se partage. Un aliment essentiel, nécessaire à tous, obligatoire à la survie de l’espèce. On ne plaisante pas avec l’œuf quitte à sacrifier la poule en exigeant d’elle de pondre deux fois par jour. Il en va de l’égalité non pas entre la poule et l’œuf qu’à la rigueur on pourrait admettre, mais entre les omelettes. La même pour tous. Et vos gueules les poules ! Certains les plus à gauche sont même convaincus que la poule aux œufs d’or existe vraiment et qu’il est donc légitime de lui extorquer sa production de gré ou de force. Evidemment, les poules bien que dotées de petits cerveaux, finissent par se rendre compte qu’elles ne pourront plus garder le moindre poussin auprès d’elles et se mettent à rechercher le plus infime trou dans le grillage qui leur permettrait de s’évader sous les cieux plus accueillants du poulailler du voisin. C’est bête une poule et ça n’est pas reconnaissant. Attachons-leur les pattes. Bonne idée, mais ce n’est pas facile de pondre avec les pattes attachées et la tête en bas. Alors tordons leur le coup et mangeons les !

A droite on déclare que la poule est à l’origine du monde. Comme on est aussi laïque, on ne dit pas que la poule vient directement du Ciel, mais on le laisse penser. Il faut protéger la poule qui produit de si beaux œufs qui eux-mêmes donneront d’autres poules sélectionnées et magnifiques. Elles croîtront en nombre, de manière à préserver l’espèce tout en permettant la réalisation d’un nombre toujours plus grand d’omelettes qu’il faudra néanmoins mériter, les fainéants en étant privés. Ceci dit, on leur laissera quand-même les œufs les moins frais et quelques plumes, afin qu’ils n’aillent pas se servir directement dans le poulailler, ce qui ferait désordre. Il faudra donc ainsi se résoudre à plumer les poules mais en les laissant vivantes tout en leur promettant des jours meilleurs. Certains pensent en effet que les plumes repoussent et travaillent sur la question au niveau européen.

A l’extrême droite, on pense que tout vient du coq et que ce débat entre poule et œuf est inutile et stérile. Et que le coq français doit retrouver très vite un poulailler bien fermé et solide qui le protège à la fois des renards européens et  des poules d’origine très subalterne dont les voisins ont garni leurs poulaillers où elles crèvent de faim. On pense à peu près la même chose à l’extrême gauche, sinon qu’il faudrait d’abord plumer et rôtir les vieux coqs qui font la loi dans le poulailler et mettre à leur place des coqs tout rouges qui mettraient les poules au pas et qui sauraient chanter l’Internationale tous les matins à 5 heures, afin d’éduquer les masses de poussins.

Au centre, on commence par ne pas être d’accord entre centristes, afin que les idées du centre puissent couvrir un spectre le plus large possible de gauche à droite du poulailler. Donc il faut à la fois des poules et des œufs et ne pas perdre de temps en se demandant d’où ils viennent bien que la question mérite cependant d’être posée, si on y réfléchit. Mais est-ce le moment d’y réfléchir quand il y a le feu au poulailler. Non, bien sûr. C’est le moment d’agir et d’envoyer le coq s’occuper des poules qui le veulent bien. Car chacun est libre tant qu’il y a des œufs et on sait bien que les méthodes autoritaires promises à droite, comme le laxisme de gauche ne sauraient garantir la survie de l’espèce. Donc les centristes qui ont toujours raison avant tout le monde mettent la poule de droite au milieu des œufs de gauche et plus personne n’y comprend rien.

Et puis, il y a les écolos. Eux pensent qu’à la fin de toute façon, les poules crèveront de faim à cause du maïs OGM qu’elles n’aiment pas. Ou qu’il n’y aura plus de quoi fabriquer des enclos et que donc, elles retourneront à l’état sauvage. Certains affirment qu’il ne faut pas manger des œufs, parce que c’est mauvais pour le cholestérol qui bien que renouvelable et biodégradable, ne constitue pas une ressource énergétique facile à exploiter. Et qu’avec des herbes en salade ou en cigarettes, on peut se débrouiller. La poule est donc condamnée d’avance et les œufs avec elle. Et tous ceux qui pensent le contraire sont aveugles et idiots ou parfois les deux. De toute façon ils ne comprennent rien à la science. Les écolos qui ne sont jamais d’accord entre eux non plus, ne débattent  ni des poules, ni des œufs, ni des coqs, sauf qu’il faut cependant en protéger l’espèce, mais en la laissant à  l’appréciation des renards qui eux s’en lèchent les babines. Mais avouez que ce n’est pas facile de convaincre tout le monde de l’importance de la réintroduction progressive du renard dans son milieu naturel, le poulailler des autres. Tout en protégeant soigneusement ses poules à soi nourries à la bonne herbe et qui ont aussi le droit de se marier entre elles et d’élever des canetons produits par GPA, au nom de la survie de l’espèce.

Comme vous le voyez, le débat risque de durer encore et pour longtemps dans notre pays et dans les colonnes d’ A@P. Il alimentera de longues dissertations qui ne parviendront jamais à en clarifier les options. Elles sont pourtant simples et pratiquées depuis des temps immémoriaux dans nos fermes béarnaises. Plus les poules peuvent courir libres de toutes entraves dans les prairies environnantes, mieux elles se portent. Il faut certes les « rentrer » chaque soir dans le poulailler où elles accourent d’ailleurs de bonne grâce, afin de les protéger de toutes sortes de prédateurs. Pas besoin non plus de 36 coqs. Il en faut un, qu’il soit grand ou petit , dressé sur ses ergots ou bedonnant, même s’il à l’air un peu crétin, du moment qu’il ne fait pas de mal aux poules et chante chaque matin, de bonne humeur, c’est tout ce qu’on lui demande. Quant aux œufs, il faut prendre la peine « d’aller se les chercher ». Tout là-haut dans la grange, derrière la botte de paille. Ou sur le tas de foin. Ou cachés derrière une barrique au fond du chai. Les œufs ça ne vient pas tout seul dans l’assiette normalement. Mais les poules heureuses, ça fait de beaux œufs dont bonnes filles, elles ne manquent jamais de signaler l’apparition en chantant à tue-tête. A chacun d’en mériter un pour faire son omelette et à la fermière de savoir en porter assez en couveuse pour garantir la poule au pot du dimanche, mais aussi celles des dimanches suivants. Et si des plus malins ou des plus chanceux trouvent plus d’un œuf à la fois, grand bien leur fasse. Les plus gloutons sont-ils les plus heureux ?

Le coq, lui, bien que de plus en plus  coriace avec le temps, finira de toute façon en marinade. C’est le destin des grandes gueules. Souhaitons-nous pour 2015 que le nôtre soit de mériter à la fois la poule et l’œuf, à condition de cesser de se poser des questions sans réponses et de se lever chaque matin pour aller les chercher.

Pas les questions, les œufs !

Le grand scandale des autoroutes – Une histoire française

La saga des sociétés autoroutières est une nouvelle illustration du décalage entre le monde réel et les illusions d’une minorité d’élus de gauche qui, lorsqu’ils entendent le mot profit, se précipitent pour brandir sous le nez d’un peuple effaré, la tête des « profiteurs ». Peuple français qui  a toujours l’impression qu’on lui fait les poches, habitué qu’il est à ce que tout ce qui ressort d’un service dit public, soit gratuit. J’allais ajouter un couplet sur les média, mais il est inutile. Les média ne sont que le reflet amplifié et caricatural de nos propres infirmités congénitales et de notre incapacité à comprendre les mécanismes les plus simples qui président à notre activité économique.

Donc, les sociétés d’autoroute qui publient des bilans affriolants sont les coupables désignées à la vindicte publique. Nous avons la mémoire bien courte. Au point de ne pas nous souvenir de l’infernale situation de notre réseau routier à la fin des années 50, comparé à celui de tous nos voisins. Les journaux faisaient leurs titres sur le retard croissant de nos infrastructures qu’un Etat déjà impécunieux n’ était capable de combler qu’à la vitesse d’un escargot, tandis que l’insécurité routière était élevée au rang de fléau national. Les autoroutes à péage furent une réponse parfaitement libérale au problème qui était posé. En faisant payer aux utilisateurs le coût réel d’utilisation d’infrastructures publiques elles-mêmes confiées à des sociétés concessionnaires autorisées à mettre en place des péages. La gauche avait d’ailleurs bataillé ferme contre cette initiative du gouvernement Pinay, qui contrevenait selon elle au sacro-saint principe d’égalité. Au point d’obtenir que ces péages ne seraient que provisoires. Et la voici qui retrouve la mémoire.

Mais c’est semble-t-il la privatisation de ses sociétés autoroutières qu’il faudrait remettre en question. On se demande d’ailleurs au nom de qui et de quoi, dans la mesure où des contrats ont bien été signés et que nous sommes pour le moment encore dans un Etat de droit. Certes, on peut toujours rompre un contrat, mais une rupture contractuelle s’accompagne aussi toujours de légitimes indemnités, comme on le vérifiera bientôt avec l’affaire Ecomouv qui est  à l’origine de tous ces débats. Première et honteuse reculade de l’Etat grand ordonnateur de la dépense de ses partenaires privés bien trop confiants dans sa signature. On n’imagine d’ailleurs pas, à quel point toute cette gestion hasardeuse, à coups de déclarations ministérielles, toutes ces proclamations et « rapports » intempestifs de députés PS qui ne débouchent généralement sur pas grand-chose de concret influencent négativement les décisions d’investisseurs, y compris dans des domaines qui n’ont rien à voir avec celui-là. Et on nous parle ensuite de confiance ? Le premier niveau de confiance c’est bien entendu celui de la sécurité juridique que garantissent toutes les démocraties avancées. Et au premier rang , la signature de l’ Etat.

Sur  la forme. Que les contrats de privatisation aient été mal bouclés, c’est possible. Mais encore faut-il être capable pour en juger d’en consulter la teneur précise. Or on peut toujours compter sur l’ Etat et ses serviteurs pour l’avoir rendue la plus complexe possible, avec toutes sortes de paramètres et de règles visant à assurer à l’ Etat un droit de regard sur leur gestion. La bureaucratie est très tatillonne et craint toujours de voir ses règlements, si longuement élaborés, être contournés par des plus malins qu’elle. Alors elle en invente d’autres, plus raffinés encore afin de se rendre indispensable. Et quand elle n’a plus d’arguments, il lui reste l’abus de droit…Donc ces Messieurs les Ingénieurs des Ponts et Chaussée ou autre Enarques ont certainement tout prévu. Le problème, c’est qu’en face d’eux pour en discuter du côté des sociétés d’autoroutes, ils ont généralement comme interlocuteurs, leurs camarades d’école, formés au même moule et donc parfaitement capables de leur opposer des arguments tout à fait imparables, en de délicieux débats d’experts. En l’occurrence et pour ce qui concerne les augmentations de tarifs annoncées, il apparaît clairement que les augmentations de péage qui ont été prévues contractuellement étaient la contrepartie logique de l’augmentation de la redevance domaniale que l’ Etat a imposé aux sociétés d’autoroutes dans le cadre de leur contrat de concession.

Sur le fonds ensuite. Comment imaginer qu’en rendant à un Etat désargenté et hors tout contexte contractuel, le droit exclusif de gérer à son profit des autoroutes à péage, celui-ci n’en profitera pas rapidement pour satisfaire son insatiable appétit et donc ses prélèvements sur le compte des automobilistes ? Il faut être véritablement en dehors des réalités pour espérer le contraire. Nos autoroutes privatisées constituent aujourd’hui de très loin le meilleur réseau autoroutier européen , en termes sinon de densité, au moins de qualité. Elles sont parfaitement entretenues et sûres surtout si on les compare aux autoroutes allemandes qui sont particulièrement délabrées et saturées, au point que des voix s’élèvent pour proposer leur privatisation. Et à l’évidence, si l’ Etat ou pire, les régions, devaient en reprendre le contrôle nous bénéficierions très vite d’augmentations sensibles des tarifs (afin de financer la transition énergétique),  puis des effectifs dédiés à l’entretien (afin de créer des emplois même inutiles), le tout avec comme principal résultat, une baisse constante de la qualité des services (afin de garantir la paix sociale et de satisfaire les légitimes  revendications syndicales du personnel). Un triptyque infernal mais commun dès lors que l’ administration se mêle de gestion et d’entreprise.

Cession mal négociée de sociétés semi-publiques très (trop) profitables, volonté d’accaparement par la gauche populiste de ces sociétés présentées comme les symboles du « mal financier », tous les ingrédients sont réunis pour un psychodrame à la française qui tournera court mais qui nous aura fait un mal fou. L’Etat n’a ni les moyens ni intérêt à rompre ses engagements. D’autant qu’il tend et il a raison, à se délester de ses participations dans des activités pas ou peu stratégiques, comme on vient de le voir avec l’aéroport de Toulouse et d’autres à suivre. Il est clair que dans un système parfaitement ouvert, la privatisation des autoroutes aurait dû mettre en compétition non seulement des Enarques entre eux, mais éventuellement les mêmes Enarques face à des investisseurs internationaux. Et donc pas uniquement face à leurs camarades de promo chez lesquels ils entendent bien « pantoufler » confortablement un jour ou l’autre.

Mais je n’ose imaginer ce que nos journaux auraient écrit si nos autoroutes étaient désormais gérées par les Chinois. Espionnage industriel des sociétés routières ? Argent sale recyclé en liquide dans les stations de péages ? Déménagement du Pont de Tancarville ou de Viaduc de Millau à Pékin ou à Shangai pourquoi pas ? Derrière ce tapage médiatique inutile, c’est toute l’impuissance de notre démocratie qui apparait lorsque les mêmes voix qui se sont élevées contre une initiative intelligente visant à renchérir un trafic routier bien trop compétitif tant au plan économique qu’écologique  (Ecomouv), proposent sans vergogne d’aller puiser plus profondément encore dans la poche des automobilistes, au prétexte fallacieux, d’améliorer les conditions d’accès de tous les Français à leurs autoroutes.

Enorme plaisanterie.

Houlala les Chinois arrivent !

L’entrée au capital de l’Aéroport de Toulouse d’un consortium constitué de sociétés chinoises, a une nouvelle fois mis en évidence l’incapacité qu’ont nos media et la classe politique et donc l’opinion derrière eux, de comprendre le mode de fonctionnement d’une économie mondialisée et d’en accepter les conséquences sans nécessairement les redouter.

De quoi parle-t-on d’abord ? L’Aéroport de Toulouse n’est qu’une société d’exploitation d’une infrastructure qui elle reste la propriété de l’Etat et des collectivités. L’ Aéroport exploite un contrat de concession de ces infrastructures sous la protection de notre réglementation nationale contrôlée par la DGAC .  Il n’est donc pas question de démonter les pistes et les bâtiments pour les transporter en Chine. Qu’avons-nous vendu au Chinois ? Une minorité dans ladite société d’exploitation qui était détenue par l’Etat dont on sait bien qu’il n’est pas le meilleur gestionnaire d’entreprise qui soit. Le tout contre beaucoup d’argent. Beaucoup plus que n’en offraient les deux autres compétiteurs intéressés, Aéroport de Paris et Vinci. Une décision donc logique de la part de l’Etat qui se désengage de l’exploitation d’une plate-forme aéroportuaire dans laquelle il laisse la majorité aux collectivités locales adossées à un groupe spécialisé.

La gestion d’aéroport et plus généralement des grandes infrastructures de transport est en effet devenue un métier, une affaire de spécialistes. Il faut être capable de faire valoir auprès des compagnies aériennes la plate-forme dont on a la gestion pour y développer du trafic, leur offrir des services de qualité au meilleur prix, assurer la promotion de l’aéroport auprès de ses clients, recruter et former un personnel spécialisé. On peut donc se réjouir à juste titre de voir Toulouse bénéficier d’un soutien international conséquent même si on peut sans doute considérer les projections de trafic du Groupe Symbiose comme un peu optimistes.

Et qu’avons-nous entendu ou lu ? L’expression des pires fantasmes dont les medias se sont emparés avec une délectation stupide afin de faire peur au bon peuple. Les Chinois débarquent ! Ils vont tout nous voler. Nos plus grands secrets chez Airbus depuis la tour de contrôle de l’aéroport, qui sans nul doute sera tenue par des contrôleurs aériens chinois. Ils vont tout acheter en France et nous forcer à manger du riz. Ils vont nous obliger à rire tout le temps et à travailler plus encore. On n’en veut pas des Chinois nous en France. Et c’est lamentable que l’ Etat vende les « bijoux de famille », les joyaux de ce que la France a de meilleur..etc…etc..

Les politiques, surtout localement d’ailleurs, se sont exprimés gravement sur ce nouvel recul de notre indépendance nationale et ont protesté contre la « dilapidation » des investissements consentis par les collectivités dans l’aéroport. Alors qu’ au prix où l’Etat a vendu ses actions, on ne peut que redouter de la part des acheteurs qu’un excès d’optimisme ou la volonté de payer « un ticket » d’entrée dans un métier que les CCI dominaient jusqu’à présent mais qu’elles seront désormais incapables de maîtriser dans l’avenir.

Un point cependant mérite notre attention. C’est la présence d’un autre spécialiste dans le tour de table réuni par des entreprises chinoises à Toulouse. Il s’agit de la société canadienne Lavallin déjà présente dans la gestion de l’aéroport de Tarbes et dont on parle pour prendre la concession de l’aéroport de Pau à la suite de la CCI. Or c’est bien Lavallin qui sera dans les faits le véritable opérateur de Toulouse. Deux visions stratégiques devront donc être confrontées. Celle d’une gestion commune des aéroports du grand sud-ouest qui risque fort désormais de privilégier largement Toulouse,  ou celle d’une gestion indépendante de Pau et/ou de Tarbes, mais probablement sans Lavallin. Ceci dit, ce sont d’abord les compagnies aériennes qui décident de l’ouverture des lignes, même si le coût d’utilisation des infrastructures intervient d’une manière ou d’une autre dans leurs décisions.

On peut donc s’attendre à d’autres débats sur ce sujet.

Un zeste de zistes

C’est fou le nombre de mots en « iste » que nous employons tous les jours. Si j’en crois Wikipedia le suffixe « iste » est un substantif servant à former un nom correspondant à un métier, ou à un adepte d’une activité, d’une idéologie, ou d’une théorie.  Rendez-vous compte, notre belle langue en compte 683. Ce doit être un record du monde.

Nous laisserons de côté les saxophonistes, les ophtalmologistes,  les cyclotouristes et tous les paisibles  zistes laborieux, artistiques ou sportifs . On est forcément ziste soi-même un jour ou l’autre. Touriste ou fantaisiste.

Mais imaginons un monde où d’un coup de baguette magique on ferait disparaître les terroristes, les racistes, les extrémistes, les intégristes, les marxistes et les fascistes ? On n’aurait plus besoin de révisionnistes, de trotskistes, de nationalistes ou de sécessionnistes. On imagine la délivrance. En étendant un peu nos recherches, avouons qu’on pourrait aisément se passer des traditionnalistes, des islamistes, des évangélistes et des fondamentalistes. Comme des impérialistes et des indépendantistes.

Là ça irait déjà beaucoup mieux. Mais ce serait dommage de s’arrêter là. Nous sommes en crise, nous perdons nos repères et ceux que nous proposent les zistes qui accaparent micros et caméras et mobilisent nos yeux et nos oreilles à longueur de journées avec leurs antiennes, leurs idéologies et leurs théories aggravent la confusion générale et participent à la dépression collective.

Alors moi je rêve d’une France où pendant, allez, disons 5 ans, nous déciderions de payer afin qu’ils ou elles se taisent, les éditorialistes et les journalistes. Ce qui priverait de leurs porte-voix, les écologistes et les féministes pour notre plus grand soulagement. On garderait les cegetistes et les communistes quand-même, sans lesquels nous risquerions de perdre notre identité nationale et notre conservatoire vivant de la lutte des classes qui fait notre fierté et notre réputation dans le monde entier. Mais on se débarrasserait sans vergogne et dans le même temps, des grévistes et des gauchistes en leur proposant de devenir plagistes ou choristes.

Quant aux socialistes, notre premier Minist(r)e, en bon exorciste, a bien compris qu’il fallait au plus vite se débarrasser des plus passéistes des utopistes afin de montrer l’exemple. Il s’en occupe, gardons l’espoir.

Et les centristes ? N’espérons pas qu’il(s) se désiste(nt). Il(s) se voi(en)t déjà en haut de la liste.

La saga du Grobus: on change tout mais on fait la même chose

Donc le Bus à Haut Niveau de Service (BHNS) a désormais un tracé et un budget. 51 millions d’€ qui seront pour l’essentiel financés par le SMTU (94% du coût total).

Nicolas Patriarche a annoncé avec une satisfaction à peine voilée et en bon Raminagrobus, que la Ville de Pau économiserait grâce à la nouvelle définition du tracé urbain environ 14M€ par rapport au budget de l’équipe précédente. Donc en gros on fait la même chose pour moins cher en réduisant un peu le site propre de notre BHNS Place des Halles où il devra cohabiter avec les voitures si j’ai bien compris. Les riverains qui devront subir les travaux de rénovation des Halles échapperont donc à la restructuration simultanée de la voirie. Toujours ça de gagné.
En revanche, on attend encore de explications sur la légitimité de cet investissement et des prévisions honnêtes sur ses perspectives de trafic.
J’avais, dans une série d’articles, établi un certain nombre de faits à partir des données très partielles qui sont rendues disponibles par Idélis et qui tendent à rendre parfaitement inutile la réalisation de ce projet, même avec des perspectives de croissance du trafic très optimistes. Voir en particulier cet article

Il nous avait pourtant semblé lors de la campagne électorale que ce projet serait réexaminé à la lumière de son utilité réelle pour la ville face au coût de sa réalisation. Je n’avais pour ma part que peu d’ illusions cependant. Il n’en a aucune et personne n’est dupe des perspectives flamboyantes annoncées par le SMTU pour le justifier. Mais il a bien une fonction quand-même, équilibrer un trou sans fond dans le budget d’ Idelis. Et nous touchons là du doigt une des facettes d’un mal français dont on aurait pu espérer que les circonstances actuelles et le renouvellement des élus auraient permis qu’il soit au moins identifié avec franchise par celui qui ne se prive pas de les dénoncer au plan national.

Ce dont le SMTU avait réellement besoin, ce n’est pas du Grobus. Mais plutôt d’une copieuse augmentation du « versement transports » ponctionné sur les entreprises de l’agglomération et qui est passé de 1.05% à 1,8% de leur masse salariale. Soit un prélèvement supplémentaire de 12 millions d’ € par an sur les résultats des entreprises paloises. Autant de moins pour leur compétitivité si elles sont confrontées à la concurrence à l’export par exemple . Autant de plus qui sera ajouté, quand elles le pourront, dans leurs prix et qui sera donc payé par les consommateurs ou les budgets publics. Mais cette augmentation brutale n’était rendue possible du point de vue réglementaire que si notre agglomération s’engageait avec ferveur sur la voie du transport durable en site propre avant 2015. Les travaux commenceront donc en décembre, comme prévu. En y renonçant, le SMTU se serait retrouvé sans maillot de bain à marée basse. Une perspective insupportable pour ceux qui sont habitués aux eaux tourbeuses de l’économie mixte. A droite comme à gauche.

J’y vois une double illustration de notre inconséquence publique. D’une part des élus qui se pensent roublards en profitant de textes règlementaires qui leur donnent tout d’un coup les moyens de dissimuler la gestion calamiteuse d’un service public (sureffectifs, productivité lamentable, mafias syndicales) par une taxation discrète qui ne touche pas directement leurs électeurs. Et d’autre part un Etat obèse et omniprésent qui se mêle de fixer de manière centralisée une taxe à vocation locale (le versement transport) en l’assortissant de conditions aberrantes et qui ne sont applicables qu’aux grandes villes. Mais sans interdire aux plus petites d’en abuser.

Donc, nous sommes sauvés. Le SMTU pourra continuer à subventionner la gabegie d’ Idelis, à couvrir ses insondables deficits et sa gestion lamentable mais profitable pour Veolia et ses crocodiles. Il faudra auparavant dépenser inutilement 50 millions d’€ de plus. Mais promis, nous aurons un Grobus « haut de gamme », car désormais tout ce qui touche le centre ville doit l’être, ce qui réjouira les habitants de l’ Ousse des Bois enfin respectés et qui pourront donc aller en ville en carrosse..

En passant et sur la base du trafic actuel, ces 12 millions d’ € supplémentaires ne représentent « que » 3,55€ par voyage de plus. Une paille. Dans l’ancienne STAP, les subventions publiques s’élevaient à 1.6€ par passager…Les bus étaient aussi vides qu’aujourd’hui mais nettement moins « haut de gamme » c’est sûr.

Ne touchez pas à mon Boulevard, Diou Biban !

Je l’aime bien mon Boulevard des Pyrénées. Tellement emblématique de ma ville que je n’hésiterai pas à emprunter un pont aux ânes plutôt que le Pont Oskar, pour le décréter tout net : c’est notre Promenade des Anglais ou notre Croisette à nous. Avec vue imprenable sur nos Pyrénées quand il va pleuvoir et sur les coteaux quand il fait beau. A condition bien sûr de s’y promener en voiture, car à pied, la vue sur les plages du Sernam est certes moins appétissante. Et à condition aussi que les palmiers rabotés au ras du trottoir ne viennent pas obstruer la vue magique qui s’offre à nous quand toutes les conditions sont réunies. Pas tous les jours et c’est justement ce qui fait son charme, à notre Boulevard.

Mais en lisant ici ou là telle ou telle déclaration, tel anathème anti-bagnole ou pro-cycliste, tel projet de concertation visant à l’amélioration de la fréquentation du centre-ville ou quelque ballon d’essai émis prudemment par notre bon Maire béarnais à tous , je le sens en danger mon vieux Boulevard. Un peu coincé et incapable de se défendre, il serait condamné soit à l’amputation, soit à la piétonisation, soit à la mise en sens unique, mais il n’échapperait pas à notre sort commun : vieux et cabossé, il faudrait tout faire pour le soigner afin qu’il meure guéri après avoir été ou amputé ou lourdement opéré.

Mais qu’est ce qu’un boulevard ? Wikipedia, généralement pas si mal informé nous dit : « Le mot boulevard dans son sens premier militaire désigne, dans la fortification d’une ville, un ouvrage de protection avancé construit en madriers et en terre. Avec la transformation de la fortification, le mot va désigner un ouvrage, souvent maçonné, ajouté en avant d’une fortification plus ancienne et destiné à porter de l’artillerie. Un boulevard a le même rôle qu’un «bastion» ou un «rempart». »

A l’origine, un boulevard est donc construit à l’extérieur des fortifications d’une ville et permet de la contourner. A ce point de vue notre Boulevard mérite son nom, comme il mérite aussi d’ailleurs son Wiki *, qui nous rappelle que des décennies de palabres furent nécessaires pour que les Palois se décident enfin à ouvrir sous l’égide du Maire Henri Faisans dans les toutes dernières années du 19ème siècle, cette belle perspective Hausmanienne que nous devons justement à un des collaborateurs du Baron,  Jean-Charles Alphand, désireux d’attirer nos hôtes anglais comme ce fut le cas à Nice, grâce à une belle promenade aérée.

Et pourquoi Diable faudrait-il « déboulevarder » notre Boulevard en le fermant à la fonction principale pour laquelle il a été construit, contourner facilement et au plus près, notre centre-ville déjà suffisamment cadenassé ?

Est-il trop fréquenté ? C’est une plaisanterie, le boulevard n’est pas un véritable axe de passage. C’est un moyen d’accéder facilement à la vieille ville ( comiquement appelée Cor Historic par une association de chasseurs à courre sans doute, à moins qu’il ne s’agisse de vieux podologues occitans ? ) pour les habitants de l’ Est palois. D’y déposer ou d’y reprendre facilement quelqu’un au passage ou même de s’y garer, généralement sans difficulté. Avec une soixantaine de places disponibles et faciles d’accès , moyennant petit ticket ou grosse amende.

La circulation est-elle une gêne pour les piétons ? Mais de quels piétons parlons-nous en semaine ? Ils sont fort peu nombreux et rien n’empêche de réserver la totalité du passage aux patins à roulettes le dimanche après-midi. Très bien, la promenade du dimanche après-midi.

Les voitures vont-elles trop vite ? Je ne connais pas le taux d’accidentologie du Boulevard , mais il ne me parait pas être particulièrement important, même s’il faut bien constater de temps à autre les excès de quelque conducteur ou motard décérébré. Mais une limitation à 30 km/h devrait y être facilement contrôlable. Même si c’est moins rentable que de coller un radar tronçon sur la rocade..

Bref, si ni la fréquentation piétonnière, ni les embarras automobiles, ni la pollution sur un axe particulièrement aéré ne justifient qu’on enlève au Boulevard son caractère si pratique et sa facilité d’accès, quelle raison pourrait donc justifier de nouveaux aménagements piétonniers, la perte de précieuses places de parking et des complications pour les riverains ?  Et pourquoi faudrait-il risquer d’y voir les voitures y rouler plus vite s’il était mis en sens unique ? Ah si, la circulation pourrait être dangereuse pour les terrasses de nos célèbres établissements à Licence IV qui empiètent désormais sur une bonne moitié de la surface du boulevard, au moins pour sa partie occidentale. Il faudrait donc que notre Boulevard soit dénaturé au profit des Centres de lutte contre la soif ? Est-ce sérieux ? Si oui, qu’on nous le dise !

Moi, mon Boulevard, je veux le conserver comme il est. Je veux pouvoir y amener rapidement des amis de passage, pour leur montrer Pau et leur donner envie d’y revenir. Je veux pouvoir y déposer  quelqu’un pour une course ou y passer pour aller m’y garer ou accéder au Parking Aragon, sans embouteillages. Je veux même de temps en temps m’offrir mon petit détour favori par la Place Gramont puis la Place Royale pour me sentir un peu Palois. Je veux continuer à m’y promener en vélo sans avoir , en fonction de l’horaire, à enjamber des trottinettes ou à devoir zigzaguer pour éviter tel ou tel rassemblement interlope de punks à chiens ou autres zigottos qui sont à la rue piétonnière ce que le moustique est au lampadaire.

Les contraintes géographiques de notre ville ont rendu sa traversée centrale est-ouest difficile. Nos anciens ont eu la sagesse d’y pallier grâce à cette œuvre architecturale originale dont Pau peut s’enorgueillir sans cependant avoir l’outrecuidance d’ espérer pour elle, je ne sais quelle reconnaissance officielle par l’ Unesco, avec son cortège d’obligations bureaucratiques et artificielles dont nous n’avons que faire.

Et s’il fallait vous convaincre, je vous propose de vous y promener par un jour ordinaire de juin 2014.

https://www.google.fr/maps/@43.2940196,-0.3636926,3a,75y,267.22h,90.82t/data=!3m4!1e1!3m2!1sueY7yJnfqreTOY3nIIZjfw!2e0

(cliquer directement sur le boulevard pour y avancer)

Ou si vous n’êtes pas convaincu de son caractère paisible et immuable, vous pouvez aussi remonter le temps et revenir l’arpenter en tous sens en avril 2008, plus jeune et plus alerte

https://www.google.fr/maps/@43.2940167,-0.3637122,3a,75y,267.22h,90.82t/data=!3m5!1e1!3m3!1sw75r7aOmICG52uMl1XSPpw!2e0!5s2008-04

La Croisette certes, mais sans les encombrements et avec aussi peu de piétons que de voitures. C’est même pour ça qu’on l’aime. Alors n’y touchons pas ou occupons nous d’abord de la « vue sur la plage »…

Le Boulevard des Pyrénées sur Wikipedia http://fr.wikipedia.org/wiki/Boulevard_des_Pyr%C3%A9n%C3%A9es#Histoire.5B1.5D

Le malotru

imageLe gros homme s’est assis à côté de moi dans la salle d’attente du 19h20 qui nous ramène à Pau. Chance, les pilotes de Hop sont de bons gars. Ils volent et les passagers se pressent sur les sièges alignés dans le hall , les uns le nez dans leur journal, les autres pianotant fiévreusement sur leur téléphone en silence, une manie désormais universelle. On entendrait les mouches voler. Le bonhomme se saisit de son portable. Pas un smartphone sophistiqué, non. Le truc de base. Et le voici qui appelle un de ses amis d’une voix forte. Pas gêné du tout par toutes ces oreilles qui se tendent et qui participent involontairement à la conversation.

 » Mais non, Michel, tu t’inquiètes pour rien. C’est organisé, je te dis. Mais non, je t’assure (rire étouffé et satisfait), tu n’es pas au courant mais je te le dis, ne t’inquiète pas… » Et je vous la fais courte. Puis l’homme interroge sa boîte vocale qui semble bien remplie. C’est une chance, nous n’en profitons pas mais il ponctue son écoute par de sonores et virils « Supprimer » qui poubellisent immédiatement les messages inutiles. Moderne et efficace. Un message l’arrête cependant et semble requérir une réaction plus urgente qui nécessite un ferme et technique « rappelez ». La machine obéit et la voici qui appelle Sud-Ouest. Un Monsieur X journaliste de son état.

 » Vous m’avez appelé, mais je ne vous connais pas. Vous êtes nouveau à Sud-Ouest ? Et que voulez vous savoir ? Vous enquêtez sur la réserve parlementaire ? Ah ? Et c’est important pour vous ça ? C’est du croustillant ? Et pourquoi moi ? Vous connaissez le nom de l’autre sénatrice ? Appelez-là, c’est ma collaboratrice. Vous n’ignorez pas, jeune homme, que nous sommes en guerre. Oui en guerre contre l’ Irak . Ca vous dit quelque chose au moins ? En ce moment vous parlez au Président de la commission Défense et Affaires Etrangères du Sénat voyez-vous… Alors ne mélangeons pas tous les sujets. Adressez-vous à la Présidence du Sénat. Ou bien à Emmanuelli tiens, pourquoi -pas tiens . Remarquez, je vous répondrai même si je n’y suis pas obligé, car je ne veux pas me fâcher avec Sud-Ouest, mais avouez que j’ai d’autres chats à fouetter etc…etc.. » S’en suit une discussion qui s’envenime, à voix de plus en plus forte et qui fait lever toutes les têtes dans la salle d’attente. Le bonhomme finit par raccrocher et marmonne in petto « Bande de fouille-m.. »

Et le voici qui appelle sa collègue sénatrice pour lui laisser un message sur son répondeur et la prévenir de la menace.  » Je viens de m’eng.. avec un petit journaliste qui enquête sur la réserve parlementaire. Tu te rends compte ? Comme si on n’avait pas d’autres chats à fouetter en ce moment ? Envoie le c.. »

Dans sa liste de personne à rappeler c’est au tour du Préfet. Qu’il obtient en 10 secondes et qui venait s’enquérir, si j’ai bien compris, des résultats du débat sur l’intervention armée en Irak qui se tenait dans les deux chambres, l’après-midi même. Une urgence pour le Préfet des Landes sans doute.

 » Oui, Monsieur, le Préfet, ça s’est très bien passé etc..etc.. ». Le ton cette fois se fait plus complaisant, plus enjoué, plus policé. Nous sommes entre personnes du même monde. « Non, lundi, je ne pourrai pas, il faut que je retourne au Sénat. Nous avons nos élections, comme vous le savez.. »

Nous n’aurons pas la suite de ces intéressantes conversations auxquelles ont participé les cent passagers qui attendaient le départ de leur avion, tandis que l’heure de l’embarquement y mettait enfin un terme. Mais les regards qu’ils s’adressaient entre eux et quelques sourcils interrogateurs en disaient long sur ce qu’il fallait penser du comportement d’un malotru.

Ce dernier a trouvé sa place au premier rang de la cabine, comme il sied à tous nos notables qui sont d’autant mieux traités qu’ils ne payent pas leur billet. A l’arrivée, sa belle C6 l’attendait garée en stationnement interdit. Là où normalement l’usager lambda se prend une cartouche en moins de 3 minutes s’il s’y risque.

Journée ordinaire d’un malotru qui a perdu le sens des réalités et celui du savoir-vivre que son ancienne profession d’instituteur aurait dû lui garantir. Que penser de quelqu’un qui considère son entourage comme assez transparent, sourd et aveugle pour qu’ aucune conversation téléphonique ne soit  trop privée en public ? Probablement qu’il ne voit ni n’entend plus personne depuis trop longtemps.

Je laisserai à chacun le soin de deviner son nom, ce n’est pas trop difficile. Vérification faite, il n’est pas concerné par les élections dimanche. Mais à quoi sert le Sénat au fait ?