Ezkilaxoxo

Pardon aux bascophones de traduire ainsi Clochemerle. Nous sommes à mi-mandat de la dernière municipalité élue dans notre village de 4.000 habitants, et, comme chez nos grands cousins américains, il est temps d’établir un historique et un pré-bilan.

Notre maire est un médecin généraliste encore jamais impliqué dans la vie locale, dont c’est le premier mandat électif. Lors de la première réunion du nouveau conseil, est décidée une importante augmentation des indemnités des élus. Puis, peu de temps après, l’adjoint à l’urbanisme démissionne, sitôt remplacé par un urbaniste expert qui fait actuellement l’objet d’une enquête du parquet pour prise illégale d’intérêts dans la vente de terrains de sa belle famille rendus grandement constructibles.

Deux projets pharaoniques – à notre échelle – sont lancés, la construction d’une nouvelle école, et l’aménagement du centre bourg, de quoi faire exploser la dette de la commune.

Pour le premier, un terrain de centre ville a été réservé au PLU, estimé par les Domaines au prix du terrain agricole, et froidement exproprié au grand dam de la famille qui en réservait l’usage pour ses enfants.

Le second projet, établi sans analyse des flux d’automobiles qui nous envahissent périodiquement, impose un schéma irréaliste de circulation, fait l’objet d’une information publique du bout des lèvres, ne tient pas compte des critiques et observations les plus sensées, au point que, grande première, une association de défense s’est créée pour tenter d’infléchir les choix pris dans le secret des cabinets.

Dans le même temps, une alerte est donnée : un sentier d’accès à la Rhune est élargi à au moins 6 mètres, on y travaille au bulldozer de jour et de nuit, sans que l’on sache qui a ordonné de tels travaux. La municipalité ignore que le site est classé et dans la zone Natura 2000. Les amoureux de la montagne se mobilisent, le chantier est arrêté, la commission des sites, saisie, impose de ramener à une voie unique, de constituer des bas-côtés, organiser l’évacuation des eaux et replanter ce qui a été sauvagement arraché.

Apparaît soudain une passerelle sur un ruisseau affluent de la Nivelle. L’ouvrage en bois est massif, laid, posé de travers, inondable. Il se trouve malencontreusement à moins de 500m d’un pont moyenâgeux, dit « romain », classé, et l’architecte des bâtiments de France (ABF) n’a pas été consulté. Il ordonne donc l’arrêt des travaux, et nous en sommes là aujourd’hui. Personne n’a officiellement ordonné ces travaux….

Je cite en passant les 300 ou 400 logements sociaux qu’une loi parisienne contraint le village à construire – il y a 5 demandes en cours – , notant au passage que les terrains retenus pour cela appartiennent pour la plupart à des élus.

Et nous arrivons enfin au clocher. La grande manifestation culturelle de notre village est une exposition de photos en plein air. Ces photos grand format sont tirées sur des calicots accrochés ça et là par des ficelles. L’année dernière, un de ces calicots très grand format aux couleurs criardes a été accroché sur une face du clocher, sans demander ni l’avis de l’ABF – le monument est classé , ni l’avis du curé qui a l’exclusivité de l’usage du bâtiment. Cela a soulevé un tollé, toutes opinions et religions confondues, et les deux autorités concernées ont refusé de donner leur accord cette année. Et les organisateurs de se plaindre amèrement des calotins rétrogrades, et de s’interroger gravement : « peut on toucher aux symboles religieux au nom de la liberté de créer »(sic).

Ne croyez pas toutefois que tout soit tranquille du côté des collectivités de rang supérieur. Notre EPCI, plus grande communauté de communes de France avec environ 135 communes intégrées, lève, contre toutes promesses, une « taxe de transport » qui fait hurler les entreprises, mais est sans risques pour les ordonnateurs qui ne sont pas soumis au suffrage, mais cooptés.

De son côté, le département lance un grand projet d’aménagement de la Rhune. Il faut savoir que les somptueux bénéfices du petit train servent à éponger le déficit chronique des stations de sport d’hiver. A nouveau, les amoureux de la montagne sont mobilisés contre la surfréquentation que cela va induire, et le bétonnage du sommet déjà bien défiguré.

Et c’est ainsi que nous approchons de la trêve estivale pour mieux reprendre les affaires à la rentrée.

Signé : Berriemaile

Sur le chemin de Saint Jacques

L’actualité n’est guère souriante : nos voisins italiens ont choisi une alliance improbable et périlleuse où les extrêmes vont imposer leur dure loi. De l’autre côté des Pyrénées ce n’est guère mieux une coalition de circonstance remet en selle les indépendantistes catalans ; elle est conduite par celui qui se voulait le champion de l’unité espagnole. Bref les nuages s’amoncellent sur le ciel européen que déjà l’Angleterre a abandonné et dont les pays de l’est torpillent les valeurs. Mais d’autres diront mieux que moi ce climat anxiogène qui encourage l’éloge de la fuite…

Peut-être est-ce la raison qui conduit tant de marcheurs sur les Chemins de Saint Jacques. On les compte désormais par centaines de milliers de tous âges, milieux sociaux et pays ; de tous les continents aussi. Faisons le lit d’une idée reçue : le pèlerinage n’est pas un pèlerinage au sens religieux du mot ou seulement pour une petite minorité de ce flot ininterrompu. Et les marcheurs d’aujourd’hui ne ressemblent en rien à ceux qui les ont précédés, pressés de se rendre sur la tombe de l’apôtre pour expier leurs fautes. Ceux-là se déplaçaient dans un contexte beaucoup plus dur, vêtus de rien, se nourrissant d’aumônes, victimes des brigands et des pandémies en tout genre. Ils tombaient comme des mouches.

Non ! Aujourd’hui, cela n’a plus rien à voir et le « chemin » n’est plus de larmes. C’est une sorte d’aventure sans risque où l’on trouve une solution rapide aux problèmes concrets qui se posent. Ainsi, même s’il y a une course à « l’albergue », refuge nocturne, s’il n’y a pas assez de places et qu’aucune autre possibilité n’existe, le maire du village fera ouvrir la salle des fêtes… Il y a aussi une véritable entraide entre les marcheurs qu’elle soit morale ou même matérielle : « prête moi ta crème solaire je te passe mon sparadrap pour tes ampoules ». Ainsi la marche se fait dans la bonne humeur, la détente, l’effort aussi, la découverte des paysages sauvages parfois et splendides mais surtout la rencontre avec l’autre. C’est peut-être avant tout ce que l’on cherche sur le « camino » : parler –contre toute attente-, échanger, rencontrer…

C’est sans doute un besoin profond de l’être humain que ces rencontres inattendues. Un besoin frustré dans le monde moderne. Certes le téléphone portable a pris une place importante sur le chemin mais il n’est plus une obsession et le soir dans l’albergue ou l’hostal, affamé, en engouffrant le roboratif « menu del peregrino » les échanges sont souvent émouvants, personnels, authentiques, en tous les cas.

Je voudrais évoquer ici les belles rencontres faites en compagnie de mes amis palois : celle de Fred un « ostéopathe intérimaire » de 50 ans venu de Perpignan, sur le chemin depuis 50 jours pour lequel « cela s’imposait » et qui communique chaque dimanche avec sa famille par Facebook. Pour Alain, poissonnier l’essentiel c’est le retour et il se fera à pied. « Pourquoi le « chemin » ? … Il le fallait ». Il n’en dira pas plus mais changera de vie à l’arrivée. Elly vient du Massuchets et elle fait le chemin avec sa classe de biologie. Elle aime parler français, la langue de ma mère. Pas d’angoisses métaphysiques ou religieuses, elle marche comme une flèche malgré une tendinite. Si heureuse de découvrir la vie dans ce qu’elle a de plus vraie. Petite blonde fragile, Joan originaire de Caroline du Sud donne des cours d’Anglais à Bordeaux. Elle a 22 ans à peine et elle avance seule et déterminée dans la vie comme sur le « chemin » où elle est arrivée un peu par hasard. Elle ne s’y sent jamais seule.

Les quatre chums des « Trois Rivières » ont les pieds en compote et cela ne les empêche pas, en bon Québecois, de vider de gouleyantes pintes de bière en arrivant à l’étape. Ils font des étapes de trente kilomètres : « le billet d’avion ne dure qu’un mois, il faut qu’on arrive au bout ». Le fiston si heureux d’accompagner son père et ses amis n’est pas dernier à lever le coude. Pour lui c’est une épreuve initiatique qui le fera entrer définitivement dans le monde des adultes. Il faudrait aussi évoquer Andrew venu du Manitoba, nos amies Colombiennes ou cet Equatorien, qui, désormais à la retraite va rejoindre sa patrie après avoir passé le plus clair de sa vie en Allemagne. Décision prise sur le « chemin »… ?

Que seraient devenus les villages, les paysages, les champs traversés s’il n’y avait eu le « chemin », désormais patrimoine mondial de l’humanité ? Sans doute auraient-ils été abandonnés aux herbes folles ou, au contraire, aux défoliants, ravagés par le progrès, cités anonymes, routes bétonnées… L’âme de ces terres mystérieuses aurait laissé place à cette modernité trop louée. Là se trouve le miracle : l’essentiel de cette route a été gardé dans son jus. Les maisons aux balcons étroits, les plafonds des albregues aux longues poutres de châtaigniers, les troupeaux de vaches qui barrent les routes, les ponts moyenâgeux rebâtis, jusqu’aux amas de pierre évoquant le souvenir de tel ou tel tombé en ce lieu sauvage… tout ce décor anime la réflexion, pousse au recueillement, aide au retour sur soi-même. Il s’en dégage, même sous la pluie, une mélancolie douce et plus prosaïquement une économie consolidée un peu utopiste –baba comme on dit désormais- qui fonctionne et qui est bien sympathique.

Sur le Chemin de Saint Jacques on découvre que le monde réel n’est pas forcément celui qu’on croit… Les peuples y sont en marche, dans la paix, l’amitié et les individus, paisibles, y trouvent une certaine réconciliation avec eux-mêmes. N’est-ce pas une raison d’espérer ?

Pierre Vidal

Train et route en vallée d’Aspe : enjeux et questions

La réouverture controversée de la voie ferrée entre Oloron et Bedous à l’été 2016 et la frustration évoquée par les maires de la vallée face aux aménagements attendus de la RN134, ont relancé le sempiternel débat qui rebondit depuis des décennies dans cette vallée.

Dans cet échange nourri, passionné et parfois virulent qui anime sans fin les blogs de la presse locale dès qu’elle traite l’un ou l’autre des sujets, s’opposent inlassablement, selon l’image que chaque clan a de l’autre, les affreux tenants du tout camion et les idéalistes du rail dépositaires autoproclamés des vertus du développement durable.

Dans ce domaine comme dans d’autres la caricature est trompeuse et la confusion mauvaise conseillère. Poser le débat en décidant que rail et route sont par définition incompatibles et exclusifs l’un de l’autre, ne peut conduire qu’au contre sens et au dialogue de sourds.

La question aujourd’hui en vallée d’Aspe n’est pas dans le schéma réducteur et stupide du « tout pour le camion, rien pour le wagon », ou de son inverse.

Personne ne conteste bien sûr l’impérieuse nécessité d’un transfert modal massif de la route au rail dans les flux de marchandises longue distance et notamment dans les échanges transpyrénéens.

La vraie question est donc de savoir

  • si la réouverture de la voie ferrée internationale est ou non susceptible d’amener une contribution autre que symbolique à cet objectif de transfert modal pour un coût raisonnable,
  • et si, à supposer que ce soit le cas, le train soulagerait significativement la RN 134 de son trafic poids lourds.

Les limites de l’espoir ferroviaire

Alors que tout le monde admet que le bus opérant la liaison Oloron Canfranc répondait très largement au besoin des très rares voyageurs concernés, démonstration est déjà faite que le rétablissement du train pour 24 voyageurs par jour en gare de Bedous en 2016 (1) au prix d’un coût et d’un déficit exorbitants n’a, isolément, aucun sens.

Mais peu importe, répètent à l’envie le Président de la Région et les militants du rail, puisque c’est l’amorce indispensable à la réouverture complète de la ligne internationale jusqu’à Canfranc.

Faut il ainsi admettre la pertinence de « Pau-Canfranc » comme une vérité révélée, un postulat de droit divin, qui emporterait une adhésion aveugle ?

Un minimum de lucidité et d’esprit critique doit plutôt conduire à juger sur pièce comme l’avait pragmatiquement suggéré la Commission d’enquête publique dans son avis défavorable (2) : elle préconisait logiquement de vérifier la justification socio-économique de ce projet global avant d’engager 100 M€ pour une amorce sans intérêt.

Car, contrairement à ce qui est affirmé ici ou là de façon péremptoire, cette justification n’est pas à ce jour établie. Le fait qu’elle n’ait jamais pu être l’être par les promoteurs de Pau-Canfranc en plus de 40 ans de mobilisation et d’études coûteuses, prouve si besoin est que la démonstration est tout sauf évidente.

La difficulté de cette démonstration réside très certainement dans le constat somme toute banal du double handicap de cette ligne emblématique.

Le premier, le plus déterminant, transcende le contexte et la passion des débats locaux : il tient à la situation objective du marché du fret ferroviaire qui ne peut aujourd’hui soutenir la concurrence de la route. En témoigne sa baisse ancienne et régulière que les acteurs peinent pour le moins à enrayer.

Les raisons, pour regrettables qu’elles soient, sont bien connues et nombreuses. Elles recèlent des enjeux complexes de compétitivité qui échappent malheureusement aux leviers locaux voire même nationaux : sujétions techniques (accès et branchements, massification des convois, réactivité et souplesse des délais), ouverture à la concurrence, disparité salariales, sociales ou de taxation entre les modes concurrents.

Il y a là une réalité incontournable, à laquelle la liaison Pau-Canfranc ne peut se soustraire par on ne sait quel miracle local.

Le second handicap, presque subsidiaire, mais qui accentue les effets du premier, tient aux caractéristiques montagnardes du tracé en plan et en rampe et à la contrainte de la voie unique. A supposer en outre réglée la difficulté d’écartement différent des rails français et espagnols, ces spécificités sans être rédhibitoires constituent, sauf aveuglement dans l’analyse, autant de facteurs limitants de l’efficacité technique et économique et donc du potentiel de cette ligne.

Il faut enfin considérer qu’en l’état du réseau actuel, des marges importantes de capacité restent inutilisées aujourd’hui par le fret sur les grands corridors ferroviaires des seuils basque et catalan .

La dernière étude en date (2015) du cabinet Rail-Concept que la Région a été récemment contrainte de rendre publique confirme malheureusement ces perspectives. Elle montre en effet :

  • que malgré un scénario et un montage explorant tous les leviers d’optimisation et de rationalisation susceptibles de dynamiser l’économie générale et l’efficacité du projet de réouverture de la liaison , le bilan socio-économique des avantages attendus est loin de compenser les investissements à consentir.
  • que le gain attendu en termes de transfert modal de la route au rail (660 à 860 000 tonnes/an selon les hypothèses) reste symbolique en regard du volume du fret routier transpyrénéen (88 millions de tonnes/an)
  • que de surcroît, l’économie générale de ce projet, fût elle optimisée par la performance attendue de la gestion privée, n’évitera pas un lourd déficit annuel du service ferroviaire évalué chiffré entre 18 et 25 M€/an.
  • que les hypothèses de couverture de ce déficit par des recettes improbables (péage du tunnel routier) ou pour le moins hasardeuses (activités touristiques ou commerciale connexes) laissent peser un risque majeur de couverture quasi totale de ce déficit par les collectivités publiques.

La prétendue suppression des poids lourds sur la RN134

Un autre raccourci trompeur, mais malheureusement répandu, consiste à considérer qu’une voie ferrée accessible au fret en vallée d’Aspe capterait ipso facto le chargement des camions empruntant aujourd’hui la RN 134, réglant ainsi du même coup les problèmes d’insécurité et de nuisances subies par les populations riveraines des agglomérations et villages traversés.

C’est en premier lieu faire abusivement abstraction du tonnage purement local des activités économiques d’Oloron, du piémont et de la vallée qui emprunte la RN134 et qui bien sûr ne sera jamais transféré sur le rail : selon les comptages 2016 de la DIR Atlantique, sur les 489 PL traversant Asasp, seuls 296 (60%) traversent la frontière.

Par ailleurs, la nature du fret, sa saisonnalité, son conditionnement, la possibilité de massifier ou non les convois, le poids du coût de transport dans celui du produit, les ruptures de charge au départ et à l’arrivée, la distance de transport sont autant de questions déterminantes pour conditionner un éventuel transfert possible sur le rail.

Mais une chose est sure : ce transfert est loin d’être total.

L’étude de Rail-Concept récemment dévoilée par la Région apporte aussi un éclairage utile sur cette question.

On y relève notamment :

  • que le marché potentiel du fret ferroviaire en vallée d’Aspe se limite logiquement aux flux générés par l’Aragon (environ 4 millions de tonnes) qui représentent moins de 5% des échanges terrestres avec la péninsule ibérique,
  • que la RN134 n’ achemine aujourd’hui que 1,3% du fret routier transpyrénéen et un quart du fret routier généré par l’Aragon,
  • qu’en dehors de l’hypothèse fantaisiste d’une écotaxe réhabilitée localement en vallée d’Aspe pour pénaliser le transport routier, le fret ferroviaire escompté serait de 820 000 tonnes dont 20% serait un simple transfert des flux ferroviaires et 80% (660 000 T) seraient transférés des flux routiers;

En imputant ce transfert aux seules traversées routières centrales (par le Somport et par Vielha) en proportion des tonnages qu’elles acheminent de et vers l’Aragon, c’est environ 440 000 tonnes/an (sur 1 154 000 tonnes/an) qui basculeraient de la route au rail en vallée d’Aspe soit 93 poids lourds en moyenne journalière

Ceci ne représente donc qu’un tiers des 300 PL/j qui franchissent la frontière et moins de 20% de ceux qui gâchent la vie des habitants d’Asasp.

L’existence d’un trafic routier de marchandises sur cet axe routier est donc une réalité durable et ce, quoi qu’il advienne de la réhabilitation de la voie ferrée et de son éventuel succès.

En conclusion, il n’est bien sûr pas question d’insulter l’avenir et le jour viendra peut être où le contexte rendra pertinent et nécessaire la mise en œuvre d’un tel projet .

Mais à l’heure ou l’argent public est rare et où la rigueur et la rationalité s’impose plus que jamais dans l’arbitrage des priorités d’investissement, n’ y a t’ il pas plus pertinent, efficace et urgent à faire dans la promotion et le développement du fret ferroviaire ?

G. Manaut
Association CROC

(1) Source : SNCF data
(2) Avis de la commission d’enquête sur la DUP d’OLoron-Bedous

Documents joints :

Jugement du tribunal administratif de Bordeaux pour la communication de l’étude de rentabilité
Etude de rentabilité – Phase 1
Etude rentabilité – Phase 2
Communiqué – Analyse de l’association CROC

Crédit photo : Créloc

Mariano à la Cité des Pyrénées : Générosité avant tout !

Rencontre-au-sommet-avec-Mariano_001-619x348Quand Mariano quitte les sommets pour aller à la rencontre de ses lecteurs, c’est un exercice plutôt difficile pour lui qui aime la discrétion, et un évènement* pour tous les amateurs de son site, dédié à la randonnée dans les Pyrénées.

A Pau, Cité des Pyrénées, vendredi 26 février, la salle de la Médiathèque de la Montagne, affichait complet bien avant que ne démarre la réunion. Beaucoup restaient debout au fond de la salle et une cinquantaine de personnes trouvèrent porte close. L’ancien footballeur, Mariano « jouait à guichet fermé ». Un indice indiscutable de l’intérêt porté à son site, topopyrenees.com, qui est devenu une référence, tout au long de la chaine, en seulement quelques années.

Originaire des Asturies, ayant passé la plus grande partie de sa vie en Lorraine, c’est une mission pour son employeur, qui l’amène sur le bassin de Lacq d’où il découvre les Pyrénées. Le coup de foudre est immédiat. Il s’installe à Pau en 1998 et se met à enchainer les randonnées jusqu’à un accident au Palas, en août 2007, où il dévisse le long de sa corde. Il ne doit la vie sauve qu’à une étroite vire qui lui évite le grand saut dans le vide et la mort. Dans l’hélicoptère qui l’évacue, il pense à ces topos inexistants ou incomplets qui peuvent conduire à de mauvaises prises de risque. Sa décision est prise : A partir de ce jour, il mettra en ligne toutes ses randonnées, avec un maximum d’informations. Objectif : permettre avant tout d’effectuer des sorties avec un maximum de sécurité.

Dix ans plus tard, l’Asturien déplace les Pyrénéens en masse. Parmi eux, beaucoup d’animateurs du Club Alpin Français, des Amis du Parc National des Pyrénées et des OVS mais aussi des randonneurs anonymes de la région paloise, de Bayonne, Tarbes et d’ailleurs. Tous veulent découvrir l’homme au 546 topos, 454 panoramas et 120.000 photos disponibles sur Topopyrénées.

A l’assistance qui lui est acquise d’avance, Mariano, explique qu’il fait en réalité deux fois chaque randonnée : une fois sur le terrain et une fois, chez lui, derrière son ordinateur, où il traite entre 1.000 et 1.500 photos – il en a même pris jusqu’à 4.500 pour une seule sortie -, corrige la trace GPS, prépare l’accès voiture, met en place une carte 3D et une carte IGN, rédige les commentaires sous les photos etc.

Le résultat est là : En 2015, le site a connu plus d’un million de connexions dont 20% de l’étranger. Parmi ces dernières, près de 10.000 pour la seule Amérique du Nord. Le site, fait plus pour la promotion des Pyrénées à l’étranger que beaucoup et… sans argent public !

En 6 ans, il reçoit 6.000 commentaires auxquels il répond toujours, même quand des canadiennes lui demandent d’organiser un trek de plusieurs jours en vallée d’Ossau. A nouveau, plusieurs heures de travail !

Enfin, Mariano nous livre les « best-off » de consultations qui montrent bien le caractère généraliste du site, un caractère auquel il tient particulièrement pour que ceux qui ne peuvent plus pratiquer les Pyrénées, ou en vivent éloignés, puissent les découvrir depuis chez eux :
– le tour des lacs d’Ayous (Béarn) : 50.000 connexions
– le Canigou (Catalogne) : 40.000
– la passerelle d’Holzarté (Soule) : 37.000
– le pic d’Aneto (Aragon) : 30.000
– le pic du Midi de Bigorre (Bigorre) : 28.500

Passant alors la parole à la salle, beaucoup de questions techniques remontent sur la gestion des milliers de photos prises, leur traitement mais aussi sur les GPS montagne qui sont encore inconnus de beaucoup alors qu’ils sont un complément de sécurité indiscutable (même s’il ne faut pas oublier, dans son sac, carte, boussole et sifflet).

Le mot de la fin viendra de Martine, une responsable des « Montagnards du Lavedan » d’Argelès-Gazost, qui remercie, au nom de tous, Mariano pour la qualité de son travail, son dévouement et son bénévolat. Elle traduisait bien l’état d’esprit de la salle et déclenchait des applaudissements généralisés.

– par Bernard Boutin

Photo-Conference-rencontre-au-sommet_011-619x348Les photos de la soirée : c’est ICI

A lire aussi : Pyrénées : Internet pour randonner en sécurité

* Une conférence mise une place par la Maison de la Montagne et le réseau des Médiathèques de l’agglomération paloise.

GRT11 – Baliseur : Hommage à ces anonymes qui rendent la randonnée possible

Le
Le « barda » du baliseur

Pierre Grand est « baliseur » auprès du comité départemental de la Fédération Française de Randonnée. Il a, avec près d’une centaine de baliseurs du comité, la tâche de maintenir en état environ 1000 km de GR® (Chemins de Grandes randonnées) dans les Pyrénées Atlantiques. Chaque baliseur doit donc s’assurer que les célèbres marquages, rouges et blancs, soient bien visibles et les sentiers praticables sur une distance d’environ 10 kilomètres. Travaillant en binôme, c’est en fait 20 km que Pierre surveille pour le bénéfice de milliers de randonneurs et de pèlerins qui traversent les Pyrénées Atlantiques dans tous les sens.

Avec son petit seau, ses pots de peinture rouge et blanc, ses pots remplis d’eau pour nettoyer les pinceaux, son racloir, son grattoir, son sécateur, son cutteur, le baliseur arpente, en Béarn et en Pays Basque, les chemins qui permettent aux pèlerins de traverser les Pyrénées Atlantiques en direction de l’Espagne pour rejoindre St Jacques de Compostelle. Il y a quatre voies à « flécher » : celle d’Arles, celle de Vézelay, celle du Puy en Velay et celle de Tours.

Il entretient aussi la signalétique du célèbre GR10 qui longe le versant nord des Pyrénées de part en part ; un sentier particulièrement utile pour les randonneurs qui font la traversée des Pyrénées. Il ne faut pas oublier aussi le GR78 qui longe le Piémont Pyrénéen*.

Depuis peu, le célèbre « chemin Henri IV », est balisé depuis Pau jusqu’à Lourdes. En fait, il part de Lescar pour permettre aux pèlerins qui vont sur Compostelle de « faire un saut » à Lourdes s’ils le désirent. Un aller et retour de 70 kilomètres ! Une paille, quand on sait que les pèlerins en font des centaines !

Le comité départemental développe actuellement des GR Transfrontaliers permettant de relier le GR10 français au GR11 espagnol qui longe tout le versant sud de la chaine pyrénéenne. L’ouverture de ces GRT, qui empruntent de nombreux cols d’altitude, a permis de créer des boucles sur l’ensemble du massif. De tout temps, ces chemins ont été empruntés par les populations des deux versants des Pyrénées : conquérants, contrebandiers, bergers ou encore passeurs lors de la seconde guerre. Ces boucles des GRT ont un réel intérêt historique et… sportif.

Bénévoles, souvent solitaires, les baliseurs sont avant tout des anonymes auxquels le randonneur, qui passe à coté du double trait rouge et blanc, ne pense pas. Sans eux, les vallées ne seraient pas reliées par des sentiers praticables, les randonneurs ne les traverseraient pas et toutes une économie de gites, refuges, auberges végéterait ou disparaîtrait.

Les photos ci-dessous ont été prises, alors que nous accompagnions, Pierre Grand, qui, sorties après sorties, fait peu à peu progresser le GRT11 qui doit relier Logibar (près de Larrau où passe le GR10) à la frontière où ses homologues espagnols vont s’assurer de le relier au GR11.

Logibar est situé à 400m d’altitude. Le col d’Uthuroudinétako Poralloua que doit atteindre le GRT11 se situe à 1663m. Il emprunte des sentiers que seuls les bergers connaissent.

Ce jour-là, Pierre portait dans son sac 3 jalons en bois qu’il savait où planter pour indiquer la direction à suivre sur les hautes estives où le rocher est, quelquefois, plus rare et donc pas « peignable ». Les jalons plantés, vers 1490 m, notre baliseur, repris sa marche dans le sens de la descente, non sans avoir, au préalable, repéré les endroits où planter les pieux suivants et enfin atteindre la crête frontalière. Une fois de plus, il lui faudra remonter en direction du col (au nom imprononçable !) sinon le sentier ne se terminera pas et ne rejoindra pas les topos de la Fédération.

Ce jour-là, notre randonnée fit plus de 20 kilomètres et 1250m de dénivelé. Une longue journée : repérer des rochers à peindre, s’assurer qu’ils soient visibles du randonneur, gratter le rocher, sortir les pinceaux, tracer deux traits strictement parallèles (l’un rouge, l’autre blanc), nettoyer les pinceaux, reprendre sa marche. Et encore, et encore etc. Baliseur : un véritable sacerdoce qu’il convient de saluer !

Bien entendu, l’abnégation que demande le travail du baliseur a quelques contreparties : Traverser la belle passerelle d’Holzarté, longer la cascade de Pista, voir le Pic d’Orhy depuis les pentes de Béhilogia et revoir le magnifique pont naturel, taillé dans la roche par les eaux, dans le bois de Beltzourti. Un pont à rechercher parmi les broussailles, au milieu de nulle part (voir photo**). Rencontrer aussi le berger et l’aubergiste. Baliseur, un rôle social apprécié des locaux, et indispensable pour les randonneurs (et pèlerins) d’ailleurs.

– par Bernard Boutin

Le verdict du GPS : déplacement 5h31, sortie : 9h14, trajet : 20,5 kms, dénivelé 1250m, plus haut : 1490m, plus bas : 400m, 4,2 kms/heure

Pour mieux visualiser l’ensemble des sentiers, gérés dans le 64 par le comité départemental de la Fédération Française de Randonnée, se reporter au site : C’est ICI 

**  magnifique pont naturel, taillé dans la roche, par les eaux dans le bois de Beltzourti : Un lecteur peut-il nous en dire plus sur ce pont ? et son nom pour commencer.

Ours des Pyrénées : Cela parait pourtant si simple !

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Cannelito marquant son territoire

Dans les Pyrénées, il y a deux zones à ours. La première, située en Béarn-Bigorre, a une « population » qui se réduit à deux mâles célibataires de souche, plus ou moins, « autochtones », Néré et Cannelito. Ceux-ci sont en quête désespérée de femelles.

S’ils trouvaient des « compagnes », si une ou deux étaient réintroduites, il est fort probable que cela serait insuffisant pour pérenniser l’ours dans cette partie des Pyrénées. Il serait intéressant d’entendre, des scientifiques, en dehors de toute passion ou polémique, évaluer le nombre d’ours et ourses qu’ils faudraient réintroduire en Béarn-Bigorre pour espèrer ne plus entendre parler de population ursine en voie d’extinction, sur ce territoire.

Toutes ces photos, tous ces suivis, tous ces débats, toute cette énergie derrière Néré et Cannelito sont inutiles. Du gaspillage de temps et d’argent public. L’ours est « fini » dans cette partie des Pyrénées occidentales d’autant plus que les bergers y sont, dans leur majorité, farouchement opposés. Les introductions massives d’ours, les seules qui pourraient pérenniser Néré et Cannelito, n’auront tout simplement jamais lieu. Néré et Cannelito mourront sans descendance et avec eux disparaîtra l’ours dans les Pyrénées occidentales.

La deuxième zone à ours, se situe entre Ariège et Catalogne espagnole. Ils sont une trentaine environ et leur nombre se développe lentement mais sûrement. Ceux-ci, tous d’origine Slovène, suite aux réintroductions de 2006, sont eux aussi menacés, mais par un autre problème : leur trop grande consanguinité. Un mâle, Pyros, « semble toujours être le mâle dominant du noyau central ». (Source : le rapport de Pays de l’Ours Adet). Cette population a donc besoin de sang neuf pour assurer son futur.

Au vu de ce constat, pourquoi ne pas dès lors, transférer Néré et Cannelito dans le « noyau central » ? Ils apporteraient le sang neuf qui lui est nécessaire et, les deux animaux trouveraient enfin des femelles à satisfaire. Néré et Cannelito ne disparaîtraient pas sans laisser une « suite » comme cela sera, très probablement, le cas s’ils restent dans les Pyrénées occidentales.

En procédant de la sorte, il y a fort à parier que les bergers des Pyrénées occidentales, où la tradition d’élevage, est très ancrée, seront plutôt contents de voir les deux quadrupèdes s’éloigner. Les Pyrénées centrales, moins pourvues en pastoralisme, gèrent, semble-ils, plutôt plus facilement la problématique ours qui, sur place, est même devenue un outil de promotion touristique.

Pourquoi ne pas, dès lors, redistribuer les aides et subventions locales, régionales, européennes qui sont allouées aux Pyrénées occidentales et aux Pyrénées centrales en veillant à favoriser d’un côté des Pyrénées le pastoralisme et de l’autre le développement d’un tourisme responsable et proche de la nature et de ses ours ? Une opération beaucoup plus compliquée à mettre en place que le transfert des ours eux-mêmes.

Il appartient aux acteurs de trouver rapidement des solutions pour créer les conditions du transfert de Néré et Cannelito car, si rien n’est fait, et au rythme actuel, rien ne sera fait en Béarn-Bigorre, Néré et Cannelito disparaîtront tôt ou tard de l’espace des Pyrénées occidentales et avec eux les dernières traces de sang d’ours autochtone.

Ours des Pyrénées : Cela parait pourtant si simple !

– par Bernard Boutin

PS : crédit photo FIEP (Fonds d’intervention éco-pastoral groupe ours Pyrénées)

J 33 et 34 – La leçon du Vignemale

Face Nord du Vignemale depuis le refuge de Gaube
Face Nord du Vignemale depuis le refuge de Gaube

En quittant le refuge La Grange de Holle (1495), situé au-dessus de Gavarnie, « la mule et son intello », accompagnés d’Iñigo, ont un objectif simple : remonter la vallée d’Ossoue qui conduit au refuge de Bayssellance (2651). Pour l’intello, qui a déjà parcouru cette longue vallée pour « faire le Vignemale », c’est un peu comme s’il se retrouvait chez lui. Rien de bien nouveau pour exciter sa soif de découvertes.  

Le jour suivant, il en sera de même pour le trajet entre le refuge des Oulettes de Gaube, au pied du Vignemale, et les cols des Mulets et d’Arratille avant de descendre vers Pont d’Espagne, terme de la traversée des Pyrénées centrales 2015. « Business as usual ! » diraient les anglo-saxons.

Pendant qu’Iñigo est tout à la découverte de la « langue frontale » du Glacier d’Ossoue et du Petit Vignemale, l’intello, lui, ne fait que parcourir les 40 kilomètres de ces deux dernières journées de traversée. Il n’est pas fatigué. Il avance. L’excitation de nouveauté n’y est pas. Il connait déjà. C’est presque frustrant.

Pendant 18 jours, à chaque instant, du lever au coucher du soleil,  tout était objet de curiosité, de coup de cœur, d’extase quelques fois, comme lors de l’étonnante découverte, par au-dessus, du canyon d’Aniscle ou, celle du massif de la Maladetta depuis le col de Mulleres.

Sous le Vignemale, les sentations sont éteintes, même si sa vue depuis le refuge des Oulettes reste un grand moment visuel. La leçon du Vignemale est là : ce qui fait avancer le « traverseur » des Pyrénées, c’est un désir, jamais éteint, de découvertes. Derrière chaque nouveau virage, chaque nouveau sommet, chaque nouveau col ou fond de vallée, se cache une part de rêve, de beauté, d’excitation dont l’homme a tellement besoin.

La traversée des Pyrénées, c’est un peu une antidote à la routine. Cette routine qui endors les capacités, d’observations et de réflexions, de l’Homme.

Ce besoin d’antidote a sa traduction dans un constat : l’intello n’a jamais croisé un randonneur faisant pour la seconde fois la traversée. Ce serait entrer dans la routine. Tout au plus, a-t-il vu des Suisses faire la traversée des Pyrénées une seconde fois mais… en sens inverse ! Avez-vous déjà rencontré un pèlerin faisant deux fois Saint Jacques-de-Compostelle par la même voie ? L’Homme et ses excitations visuelles !

De la montée à Baycellance, les deux randonneurs et leur fidèle mule retiendront qu’elle fut champêtre pendant un long moment. Au lieu-dit du « pont à neige », changement d’ambiance : Un gros névé couvre le gave des Oulettes. Un troupeau de moutons y prend le frais, à moins que cela ne soit une tentative pour tuer les parasites qui se logent sous leurs sabots.

Frigidaire ou tue-parasites ?
Clim ou tue-parasites ?

Plus haut, l’équipe laisse, à sa gauche, l’embranchement qui conduit vers la grotte Henry Russell, le glacier d’Ossoue et finalement au Vignemale. Arrivée, quelques minutes plus tard, au plus haut refuge de la chaîne pyrénéenne : celui de Bayssellance situé à 2651 m. Un refuge cosy à l’intérieur avec une magnifique vue, non pas sur le Vignemale, mais sur… le massif de Gavarnie, au fond de la vallée. Pas de douche, ni chaude, ni même froide. Repas de cantine. Bonne nuit dans un dortoir pour 4.

Le lendemain, passé le col de la Hourquette d’Ossoue, c’est la descente vers le refuge des Oulettes de Gaube. Café sur place et, séance photo avec la face nord du Vignemale en toile de fond. Un grand classique. Montée au col des Mulets pour la belle traversée qui le relie au col d’Arratille dans un univers 100% minéral. Derrière le col, la descente sur les lacs d’Arratille et le refuge Wallon marque la fin de la traversée des Pyrénées, en commun, d’Iñigo et de l’intello.

Iñigo, réplique du « basque bondissant », décide de ne pas s’arrêter au refuge Wallon et de faire « deux étapes en une ». Il doit aller jusqu’à Hendaye. Il lui reste 12 étapes. Il les réduira à 7 ! Après de chaleureux abrazos, Iñigo file vers le col de la Fache et le refuge de Respumoso. La mule et son intello le regardent s’éloigner. En 2016, ils partiront aussi dans cette direction.

Bonne surprise, Iñigo parti, c’est MaryMar, femme de l’intello, qui arrive à Wallon. Deux basques de Bilbao viennent de se rater de quelques minutes. De nouveaux abrazos et descente vers Pont d’Espagne pour terminer la traversée 2015 par une dernière étape de près de 25 kilomètres. « La mule et son intello » sont maintenant bien rodés !

– par Bernard Boutin

PS : Pour la « petite histoire » : à l’arrivée, sur la balance, la mule a perdu 2 kilos après la traversée des Pyrénées centrales. En 2014, pour les orientales, elle en avait gagné 2. Tentative d’explication : L’étape moyenne 2014 était de 20,3 km pour 1059 m de dénivelé. En 2015, elle est de 16,8 km pour 1080 m de dénivelé. Les Pyrénées centrales sont plus raides. On le savait déjà !
Il y a aussi plus de gîtes, aux menus « bio » ou gastronomiques, dans les Pyrénées orientales que dans les centrales où les menus des refuges rappellent bien souvent ceux de cantines ou de cafétérias de périphérie des villes.

Nota :
– Le verdict du GPS :
J 33 La Grange de Holle – Refuge de Baycellance : 3,3 k/h, 5 h 08 de marche, 7 h 03 de rando, 17,1 km parcourus, 1361 m de dénivelé positif
J 34 Baycellance – Pont d’Espagne : 3,5 k/h, 6 h 54 de marche, 9 h 55 de rando, 24,2 km parcourus, 709 m de dénivelé positif
–  Les précédentes étapes de la traversée des Pyrénées, d’est en ouest, pour  la « mule et son intello » : c’est ICI
– Crédit photo : Bernard Boutin

J 32 – Passage de la Brèche de Roland

Le cirque de Gavarnie
Le cirque de Gavarnie

Après avoir fait la queue pour le petit déjeuner, la cuadrilla quitte le refuge de Goriz sans regret. Une usine, ce refuge ! Un très beau lever du soleil sur le Mont Perdu (3355) et un univers minéral au col de Millares, le font vite oublier. Asmosphère Atlas pour démarrer la journée.

Au col, spectacle inédit : 4 izards tournent en rond dans le sens des aiguilles d’une montre, chacun de son côté, en léchant le sol fait de gravillons fins pour se nourrir de sel. Ils dessinent des cercles presque parfaits. De temps à autre, les izards changent de cercle et passent à celui du voisin !!! Un beau spectacle, vu de trop loin pour faire des photos précises. Dommage.

Etape suivante : passer au-dessus du col du Descargador. La fausse brèche et le Taillon (3144) apparaisent à l’horizon. Le cirque de Gavarnie n’est plus loin. La trace tourne en direction du nord-ouest et, très vite, c’est la Brèche de Roland qui montre la voie.

La pente, plutôt raide, est enneigée aux environs de la célèbre grotte gelée Norbert Casteret. Toute l’équipe met les crampons à neige. Une glissade serait fatale. Passé le « Pas des Izards », la Brèche de Roland est atteinte. Une surprise attend la cuadrilla. Elle est classique : une mer de nuages recouvre la vallée au-dessus de Gavarnie. Comme si souvent: ciel dégagé au sud, couvert au nord de la chaîne !

Wikipedia raconte que « selon la légende, la Brèche fut ouverte par Roland, le neveu de Charlemagne, alors qu’il tentait de détruire son épée Durandal en la frappant contre la roche à l’issue de la bataille de Roncevaux. Voyant qu’elle ne cassait pas, il l’aurait envoyée de toutes ses forces dans la vallée et elle se serait fichée dans une falaise à Rocamadour dans le Lot.

Roland est devenu un géant et a laissé des traces de son passage un peu partout dans les Pyrénées. Il y a la Brèche de Roland mais aussi, dans la sierra de Guara, le Salto de Roldán (Saut de Roland) constitué par deux sommets, séparés par un précipice, que le cheval de Roland aurait franchi d’un bond. Il existe aussi de nombreux Pas de Roland comme celui situé entre Itxassou et Bidarray, en Pays Basque,

Au Pays Basque, l’enfance de Roland est un thème récurrent : un berger trouve un enfant nouveau-né qui tète une de ses vaches. L’enfant grandit et révèle une force phénoménale. Devenu adulte, il se fait forger un makhila de fer, « gros comme une poutre ». Il s’en va combattre les Mairiak, dans ce cas clairement désignés comme les Maures… ». Passer par la Brèche de Roland est plus qu’un acte de randonneur, c’est aussi un retour sur l’histoire agitée des Pyrénées. Qui y pense réellement ?

Durandal, à son tour, frappe au milieu de l’équipe et la divise en deux. Connie et Jérôme terminent leur « traversée des Pyrénées 2015 » par cette ultime étape. Ils franchissent la Brèche en direction du, tout proche, refuge des Sarradets puis du col des Tentes, situé au-dessus de Gavarnie.
L’intello, Iñigo et leur fidèle mule partent de leur côté à la conquête du Taillon (3144), situé au-dessus de la Brèche. C’en est fini des parties de « concombre » acharnées lors des soirées en refuge ! Chacun a maintenant un an pour peaufiner ses stratégies…

Après un passage un peu pénible, dans une neige molle, en direction de la fausse Brèche, un SMS, envoyé par Jérôme depuis le refuge des Sarradets, annonce qu’il est complet pour la soirée. A 30 minutes du sommet du Taillon, décision est prise de rebrousser chemin et descendre à Garvarnie pour aller dormir au refuge La Grange de Holle. La poisse. L’étape du jour, initialement prévue entre les refuges de Goriz et des Sarradets, devait être courte. Au final, elle sera longue avec 1443 m de dénivelé descendants supplémentaires au programme. La mule reprend le dessus !

Jérôme en avertissant le trio lui a évité une mauvaise surprise. Une initiative incertaine qui a parfaitement marché : envoyer un SMS à destination de la fausse Brèche (2944 m) ! La technologie repousse les territoires inaccessibles.

Passés la Brèche et le refuge des Sarradets, la descente par la vallée des Pouey Aspé permet de voir avec recul, mais aussi hauteur, le cirque de Gavarnie et sa célèbre chute. Vue d’en-dessous par les touristes, elle ne se dévoile qu’en partie. Dans les faits, la chute est dominée par 4 cascades qui s’enchaînent. Une découverte pour les deux randonneurs. La mule, elle, ne réfléchit pas à ce genre de chose. Elle a simplement hâte d’en finir.

Gavarnie déçoit. Une longue rue commerciale sans charme ! L’équipe ne s’attarde pas. Il est 17 h et il reste 2 à 3 kilomètres pour rejoindre La Grange de Holle qui sera le meilleur refuge de la traversée 2015 : chambre pour deux, sanitaires très propres, douche chaude et dîner fait de produits maison avec soupe de légume, confit de canard, fromage du pays, brownies. Vraiment très bien et ce qu’il fallait pour faire oublier une descente pas prévue au programme.

– par Bernard Boutin

Nota :
– Le verdict du GPS : Goriz – Refuge de la Grange de Holle : 3,4 k/h, 6 h 58 de marche, 10 h 39 de rando, 23,5 km parcourus, 938 m de dénivelé positif
– J 32 de la traversée des Pyrénées d’est en ouest de la « mule et l’intello ». Les précédentes étapes, c’est ICI
– Crédit photo : Connie Mayer et Bernard Boutin

 

 

J 31 – 100% d’émotion sous le Mont Perdu !

Vires de Las Olas
Vires de Las Olas

Le topo-guide est clair pour introduire ce qui attend, en hors-d’œuvre de cette 31ᵉ étape, les 4 compagnons de randonnée : « Toi, qui n’as pas connu la montée du col de Niscle, tu n’as pas connu le doute… En comparaison, l’escalade de Migouélou est une flânerie pour curistes, et le col des Mulets un sentier d’interprétation. Dès que le sentier s’élève, il passe à la verticale…* ».

L’équipe est préparée mentalement et du mental, il lui en faudra. Une montée « au ciel », tout « dret », pour passer de 1240m à 2454m. A 7h30, l’intello sent déjà le « chat mouillé », tellement il transpire. Un peu plus tard, il lui faut des essuie-glaces pour dégager les grosses gouttes de sueur qui lui tombent du front. On l’a compris l’effort est intense. Les gourdes se vident rapidement. L’eau du refuge est remplacée par de l’eau de fonte des neiges.

Pour autant, les semaines de pratique font que toute l’équipe atteint le col d’Aniscle sans difficulté majeure. Repos de quelques minutes puis départ pour le col de Los Maquis (2455), vite atteint. La deuxième difficulté du jour se présente alors : le passage des vires de Las Olas, équipées en deux endroits de chaînes. Main aux rochers à diverses reprises et, progression horizontale pendant de longs moments, à environ 2700 mètres, sous la Punta Olas (3022) qui jouxte le Mont Perdu.

Petit à petit, la vue se dégage en direction du canyon d’Aniscle. Comment une telle « tranchée », aussi profonde, a-t-elle pu se former ? Derrière le canyon, à l’horizon, de hauts plateaux descendent lentement vers l’intérieur des terres. La « meseta » espagnole. L’œil cherche au loin Saragosse et pourquoi pas Madrid ? Quelle vue ! Après trente et une étapes de traversée des Pyrénées, cet endroit est à part. Il y a de la magie dans l’air. La cuadrilla reste un long moment à contempler ce paysage exceptionnel.

Canyon d'Aniscle et la Meseta au fond
Canyon d’Aniscle et la Meseta au fond

Côté émotion, tout n’est pas terminé et loin de là ! Après la montée « verticale », les passages aériens des vires, la vue sur Aniscle, l’équipe rejoint le col Supérieur de Goriz dans une ambiance minérale rappelant l’Atlas marocain (pour l’intello), à moins que cela ne soit l’Altiplano andin (pour Connie) ou la planète Mars !

Que de changements depuis les trois derniers sites traversés ! Le cirque glacière du Portillon, les ambiances « champètres » de Viados et maintenant la minéralité des contreforts du Mont-Perdu n’ont rien en commun. Tous ensemble, ils expliquent une chose : le pluriel donné aux Pyrénées !

Passé le col Supérieur de Goriz, le refuge du même nom, n’est plus loin. Une longue traversée, presque horizontale, y conduit. Au fur et à mesure de la progression, c’est au tour du canyon d’Ordesa d’apparaître sous les yeux des randonneurs. Une nouvelle séquence émotion avec la découverte, par au-dessus, de ce canyon qui partage avec le cirque de Gavarnie le titre envié, et unique dans les Pyrénées, de « Patrimoine Mondial », décerné par l’UNESCO.

Le refuge de Goriz est atteint. A son tour, la vue s’ouvre sur la face sud du Cirque de Gavarnie. A porté de main : Le cirque de Gavarnie, le Mont-Perdu, les canyons d’Aniscle et d’Ordesa. Cet endroit est unique dans la chaîne pyrénéenne.

Pour autant, le refuge est tout, sauf à la hauteur de son environnement : des dortoirs des années 50 avec ses rangées de couchettes en bois, superposées sur 3 niveaux, des sanitaires sales, des douches froides. Il est tellement bondé que le dîner donne lieu à 2 services et qu’il faudra faire, le lendemain, la queue pour le petit-déjeuner.

Le lendemain justement, à 5h30 du matin, Iñigo et l’intello, sans se concerter, quittent leur couchette respective, avec tout leur matériel, pour aller se « réfugier » à l’extérieur et y attendre le petit déjeuner. Les dortoirs de Goriz : à vite oublier**. L’étape « 100% émotion » de la veille s’en chargera rapidement.

– par Bernard Boutin

Nota :
– Le verdict du GPS : Pinieta – Refugio de Goriz : 2,8 k/h, 5h22 de marche, 8h03 de rando, 15,3 km parcourus, 1548m de dénivelé positif
– J 31 de la traversée des Pyrénées d’est en ouest de la « mule et l’intello ». Les précédentes étapes, c’est ICI
– * Source : Topo-guide sur le GR11
– ** Si le refuge de Goriz ne correspond pas à ce qu’il devrait être, il faut reconnaître que le personnel est remarquable d’efficacité dans des conditions pas faciles. Merci à eux.
– Crédit photo : Connie Mayer et Bernard Boutin

 

 

J 29 et 30 : Etapes La Soula-Viados-Pinieta : Retour dans les vallées

Viados et son charme bucolique
Viados et son charme bucolique

7h du matin : Photo souvenir de Connie, Jérôme, Iñigo et l’intello sur un « wagonnet » de la centrale électrique de La Soula. L’ambiance est à la détente. Pour 48h, la neige, les glaciers et la haute-montagne sont laissés de côté.

Pas tout à fait, car il s’agit d’abord de monter au col d’Aygues-Cluses qui est tout de même à 2700m. La neige sera discrète, à part un passage assez long et pentu sous le col. Les crampons restent dans les sacs.

La vallée d’Aygues-Cluses est intelligemment mise en valeur. Á intervalles réguliers, de sobres poteaux modernes, de forme rectangulaire, donnent des informations thématiques précises. Ils sont répartis, dès la sortie du bois au-dessus de La Soula, jusqu’au col lui-même. Les thèmes abordés, gravés sur des plaques en acier, sont variés : les grands « découvreurs » des Pyrénées, les glaciers, la marmotte, le « tychodrome échelette », les amphibiens d’altitude, la mémoire des échanges entre les peuples du nord et du sud de la chaîne, la contrebande etc.

Poteau contrebande au col d'Aygues-Cluses
Poteau contrebande au col d’Aygues-Cluses

Une sortie à recommander, tout particulièrement à ceux qui connaissent peu l’univers Pyrénéen. Les autres se rafraîchiront la mémoire en relisant, par exemple, que les marmottes ont été introduites dans le massif, en mai 1948, par Marcel Couturier ou encore, découvrir le tychodrome échelette**, dit aussi « oiseau papillon ». Un bel oiseau aux ailes noires, tachetées de rouge sang, que l’on rencontre à haute altitude, voletant rapidement face aux parois rocheuses. Le tychodrome est reconnaissable de suite par l’originalité de son vol.

Tichodrome échelette
Tichodrome échelette

Pour atteindre le dernier poteau, situé au col lui-même, il faut tout de même grimper plus de 1000m de dénivelé avec un final « costaud ».

Passé le col, retour en Aragon et descente régulière, mais longue, dans le vallon d’Añes Cruces. La végétation devient de plus en plus « champêtre ». Des champs entiers d’iris accueillent la cuadrilla. La vue sur le massif des Posets, deuxième massif des Pyrénées par sa hauteur (3375m), est belle, surtout à la tombée de la nuit depuis le refuge de Viados qui lui fait face. 19h, instant de magie : Tous les randonneurs sont dehors, silencieux, à regarder les derniers rayons du soleil caresser les Posets. Un beau moment et surtout une vue magnifique pour ce refuge qui tous les soirs propose un nouveau spectacle lumineux à ses résidents.

Quant au refuge lui-même : douche à 2 euros (!), bon dîner, partie de « concombre » acharnée, chambrée de 4 très correcte. Petit-déjeuner à base de produits pré-emballés Auchan. En montagne, il ne faut pas demander la lune.

De Viados (1749m) à Bielsa (1032m), une fois sortis du bois, une longue montée attend la mule et les 4 randonneurs pour atteindre le col de Pardinas (2260m). Elle traverse des champs à l’herbe dense et haute (hauteur : mi-cuisse) qui ne se terminent jamais. Le vent fait onduler le tout. Une estive riche, vide de vie animale ! Où sont-donc les vaches et moutons ?

Pollen et parfums divers agressent les organismes. Le col de Pardinas est enfin atteint. L’air devient plus « respirable ». Le massif du Mont Perdu commence à se dévoiler : « Same, same but différent » des autres massifs que sont ceux de la Pica d’Estats, de la Maladetta, du cirque du Portillon, des Posets etc. Là-bas, demain, il faudra attaquer la redoutable montée « verticale » au col d’Aniscle qui mène au Mont Perdu.

La descente sur Bielsa se fait essentiellement sous un bois. Une bonne nouvelle car l’étape Viados-Bielsa compte 21,1 km et surtout, il fait très, très chaud : 38° au camping à l’entrée du village. Une température rare à de telles altitudes. Les organismes sont mis, à nouveau, à contribution.

A Bielsa, la « cuadrilla » rompt avec le protocole : « Dans la traversée des Pyrénées, ne jamais prendre une voiture ». D’un commun accord, il est décidé de prendre un taxi car 12 kilomètres de route sont à parcourir pour aller de Bielsa au refuge de Pinieta. Sans le taxi, l’étape du jour aurait fait plus de 33 km, et comme il fait 38°…

Une brèche acceptable pour l’intello qui, à deux reprises déjà, est reparti dans la traversée des Pyrénées en faisant des « sauts arrières », à Batère et à Aulus-les-Bains.

La chauffeur de Taxi, saisonnier roumain de Transylvanie, expliquera, lors du trajet, qu’en 3 mois de saison à Bielsa, il gagne suffisamment pour vivre « au pays », sans travailler les 9 mois restants, et ainsi s’occuper de sa femme et de ses enfants. Un retour brutal sur terre pour l’équipe !

– par Bernard Boutin

Nota :
– Le verdict du GPS :
J 29 La Soula-Refugio de Viados : 3,4 k/h, 4h39 de marche, 7h18 de rando, 15,9 km parcourus, 1084m de dénivelé positif
J 30 Viados-Camping de Bielsa : 3,5 k/h, 6h de marche, 8h04 de rando, 21,1 km parcourus, 787m de dénivelé positif. (plus Bielsa-Refugio de Pinieta : Taxi)
– * J 29 et 30 de la traversée des Pyrénées d’est en ouest de la « mule et l’intello ». Les précédentes étapes, c’est ICI
– ** Le tychodrome échelette sur wikipedia : C’est ICI
– Crédit photo : Bernard Boutin