Pardon aux bascophones de traduire ainsi Clochemerle. Nous sommes à mi-mandat de la dernière municipalité élue dans notre village de 4.000 habitants, et, comme chez nos grands cousins américains, il est temps d’établir un historique et un pré-bilan.
Notre maire est un médecin généraliste encore jamais impliqué dans la vie locale, dont c’est le premier mandat électif. Lors de la première réunion du nouveau conseil, est décidée une importante augmentation des indemnités des élus. Puis, peu de temps après, l’adjoint à l’urbanisme démissionne, sitôt remplacé par un urbaniste expert qui fait actuellement l’objet d’une enquête du parquet pour prise illégale d’intérêts dans la vente de terrains de sa belle famille rendus grandement constructibles.
Deux projets pharaoniques – à notre échelle – sont lancés, la construction d’une nouvelle école, et l’aménagement du centre bourg, de quoi faire exploser la dette de la commune.
Pour le premier, un terrain de centre ville a été réservé au PLU, estimé par les Domaines au prix du terrain agricole, et froidement exproprié au grand dam de la famille qui en réservait l’usage pour ses enfants.
Le second projet, établi sans analyse des flux d’automobiles qui nous envahissent périodiquement, impose un schéma irréaliste de circulation, fait l’objet d’une information publique du bout des lèvres, ne tient pas compte des critiques et observations les plus sensées, au point que, grande première, une association de défense s’est créée pour tenter d’infléchir les choix pris dans le secret des cabinets.
Dans le même temps, une alerte est donnée : un sentier d’accès à la Rhune est élargi à au moins 6 mètres, on y travaille au bulldozer de jour et de nuit, sans que l’on sache qui a ordonné de tels travaux. La municipalité ignore que le site est classé et dans la zone Natura 2000. Les amoureux de la montagne se mobilisent, le chantier est arrêté, la commission des sites, saisie, impose de ramener à une voie unique, de constituer des bas-côtés, organiser l’évacuation des eaux et replanter ce qui a été sauvagement arraché.
Apparaît soudain une passerelle sur un ruisseau affluent de la Nivelle. L’ouvrage en bois est massif, laid, posé de travers, inondable. Il se trouve malencontreusement à moins de 500m d’un pont moyenâgeux, dit « romain », classé, et l’architecte des bâtiments de France (ABF) n’a pas été consulté. Il ordonne donc l’arrêt des travaux, et nous en sommes là aujourd’hui. Personne n’a officiellement ordonné ces travaux….
Je cite en passant les 300 ou 400 logements sociaux qu’une loi parisienne contraint le village à construire – il y a 5 demandes en cours – , notant au passage que les terrains retenus pour cela appartiennent pour la plupart à des élus.
Et nous arrivons enfin au clocher. La grande manifestation culturelle de notre village est une exposition de photos en plein air. Ces photos grand format sont tirées sur des calicots accrochés ça et là par des ficelles. L’année dernière, un de ces calicots très grand format aux couleurs criardes a été accroché sur une face du clocher, sans demander ni l’avis de l’ABF – le monument est classé , ni l’avis du curé qui a l’exclusivité de l’usage du bâtiment. Cela a soulevé un tollé, toutes opinions et religions confondues, et les deux autorités concernées ont refusé de donner leur accord cette année. Et les organisateurs de se plaindre amèrement des calotins rétrogrades, et de s’interroger gravement : « peut on toucher aux symboles religieux au nom de la liberté de créer »(sic).
Ne croyez pas toutefois que tout soit tranquille du côté des collectivités de rang supérieur. Notre EPCI, plus grande communauté de communes de France avec environ 135 communes intégrées, lève, contre toutes promesses, une « taxe de transport » qui fait hurler les entreprises, mais est sans risques pour les ordonnateurs qui ne sont pas soumis au suffrage, mais cooptés.
De son côté, le département lance un grand projet d’aménagement de la Rhune. Il faut savoir que les somptueux bénéfices du petit train servent à éponger le déficit chronique des stations de sport d’hiver. A nouveau, les amoureux de la montagne sont mobilisés contre la surfréquentation que cela va induire, et le bétonnage du sommet déjà bien défiguré.
Et c’est ainsi que nous approchons de la trêve estivale pour mieux reprendre les affaires à la rentrée.
Signé : Berriemaile