Les débats locaux sur les pour ou contre le Pau Canfranc sont momentanément suspendus, le passage des camions en vallée d’Aspe aussi ; on ne parle plus, dans les vallées, les médias et réseaux sociaux, que des ourses et le président fondateur de l’IPHB s’associe aux cloches des sonnailles de nos éleveurs en furie ; la foire au fromage de Laruns, un modèle.
«On veut notre mort !»
Dans un premier temps, quand on s’en tient à l’écoute des uns et des autres, sur place, qu’on additionne toutes les rumeurs, ou qu’on lit certains communiqués dans la presse et internet, il ne fait aucun doute que le cri au secours des éleveurs est amplement justifié; les pertes sont énormes du fait de l’ours et cela ne peut pas durer ainsi.
Si, à tête reposée, dans un deuxième temps, on approfondit le problème, on constate que les dégâts de l’ours doivent être très largement revus à la baisse car :
+ les moutons sont des variétés domestiquées qui ont perdu toutes les réactions de leurs ancêtres sauvages ; ils sont inadaptés à la vie montagnarde, semi-sauvage, qu’on leur impose ; ils ne font pas partie de la biodiversité naturelle, les morts du fait des aléas climatiques souvent très rudes sont nombreuses, la sélection a diminué la résistance aux maladies aussi ; grégaires et peu agiles, ils ne peuvent pas fuir efficacement à l’arrivée d’un prédateur.
Combien l’ours tue-t-il de sangliers, d’isards… ?
+ Ce que les éleveurs n’abordent jamais, car ils en sont souvent les responsables, c’est le % très important de brebis tuées par les chiens errants et mis sur le dos des griffes du plantigrade ; la plupart viennent de la vallée et proviennent des éleveurs eux-mêmes ; le chien a quitté la ferme de sa famille d’accueil pour x raisons et forme une meute avec des rencontres opportunistes.
Il résulte de tout cela que le maintien d’un troupeau en bon état nécessite une attention très soutenue ; or :
+Les éleveurs veulent vivre la modernité et rester chez eux le soir ; les propriétaires des bêtes ne montent que très rarement en estives, ils utilisent, parfois !, des bergers salariés, le moins possible, qui doivent gérer avec leur(s) Border Collie des centaines de brebis issues de plusieurs propriétaires, dispersées dans les zones très vastes les plus attractives.
Le berger n’est absolument plus à même de remplir sa véritable mission qui est, entre autres :
- d’observer l’état général et le comportement du troupeau.
- d’apporter les soins aux bêtes (plaies, sutures, piqûres…).
- d’organiser le parcours qu’il empruntera avec le troupeau pour adapter les ressources pâturées aux besoins du troupeau.
- d’utiliser le ou les chiens pour la conduite du troupeau et sa protection (patous).
- d’assurer l’agnelage.
- D’assurer la protection du troupeau contre les prédateurs.
- Produire le fromage.
- entretenir les bâtiments d’estive. Encore pire même
troupeaux cherchent bergers : l’avenir du pastoralisme en question …
https://blogs.mediapart.fr/…/troupeaux-cherchent-bergers-lavenir-du-pastoralisme-en-…
« De la Bigorre à l’Ariège, la moitié des estives n’était plus gardée », rappelle l’actuel président Gilbert Guillet, éleveur transhumant avec 230 brebis et deux patous, qui a fait l’objet de menaces, en raison de ses positions favorables à la cohabitation avec l’ours. Dans les estives, les brebis sont laissées libres dans les deux tiers des cas, visitées de temps en temps. Ce qui entraîne un sur-pâturage et une érosion, sans compter l’enfrichement du bas de l’estive. Les éleveurs opposés au renforcement de la population d’ours ont même réussi, avec l’aide -non dénuée d’arrière pensée ?- des collectivités territoriales, à créer l’appellation Barèges-Gavarnie pour l’agneau issu d’un troupeau dispensé de gardiennage au motif que les brebis devraient subir le moins de dérangement possible».
Mouton Barèges-Gavarnie AOP | Irqualim – Produits d’Origine et de …
https://www.irqualim.fr/produits-regionaux/viandes-ovines/mouton-bareges-gavarnie
«Au cours de la période estivale, les animaux sont conduits sur des pâturages appelés « estives ». Les animaux y pacagent en liberté totale jour et nuit entre 1600 et 2600 mètres d’altitude. Là, sur 25000 hectares, entre pelouses, rochers et combes à neige, l’alimentation herbagère sauvage est la plus parfumée.»
Avec un tel comportement, on voudrait, en plus, que les prédateurs ne s’en donnent pas à cœur joie !
Naturellement, toutes les aides qui sont proposées pour assurer la protection des troupeaux ne sont pas applicables, dans ce système de gestion, par un berger isolé.
Le berger devient un surveillant de près ou de loin et non un garde. Pourtant, les aides proposées permettent une création importante d’emplois et une protection efficace.
+Ces aides sont naturellement oubliées quand on manifeste ! Quelques informations :
Le dispositif d’aides à la protection des troupeaux contre la prédation …
http://www.hautes-pyrenees.gouv.fr/le-dispositif-d-aides-a-la-protection-des-a4322.html
Comment l’argent de l’ours aide le pastoralisme
http://www.buvettedesalpages.be/2007/08/argent-ours.html
«Sont aidées les opérations de gardiennage (salarié, éleveur gardien), l’achat, l’entretien et la stérilisation des chiens de protection, les investissements matériels d’électrification, les parcs électrifiés, l’analyse de vulnérabilité et l’accompagnement technique.
Le taux d’aide publique est de 80%. L’aide est répartie entre le FEADER, union européenne, (53%) et le Ministère de l’Agriculture (47%).»
En conclusion, je pense que les éleveurs ont choisi la mauvaise cible, les véritables prédateurs redoutables ne sont pas biologiques mais culturels ; c’est un problème de gros sous, et là, l’opinion publique peut les suivre ; ils devraient manifester avec autant de virulence contre ceux qui fixent les prix d’achat de leurs produits, contre les intermédiaires qui fructifient sur leur dos.
Résultat : prix bas au départ, prix élevés pour le consommateur !
Situés en début de chaîne, ils sont soumis à deux pressions :
+le temps biologique qui s’écoule et les oblige à vendre la viande, le lait, la laine sans attendre.
+les acheteurs qui jouent là-dessus pour obtenir les prix les plus bas.
On trouve des points communs avec l’agriculture et l’élevage en général. De nombreux éleveurs ont compris l’intérêt de s’adapter à la biodiversité naturelle ; en profitant des aides, ils créent des emplois, des circuits courts et voient leur efforts récompensés.
Intéressant à lire aussi :
mini-dossier – Ferus
https://www.ferus.fr/wp…/TABLE-RONDE-SAISON-ESTIVE-2017-BOYCOTTEE.pd…
Signé Georges Vallet
https://goo.gl/images/z37vPT