Dire que Pau est une future ville morte pour la seule raison que le circulation y est difficile paraît pour le moins réducteur. Toutes les villes d’égale importance sont confrontées à une baisse de l’activité commerciale du centre-ville. Il faut commencer par dresser un état des lieux et se demander quelles en sont les raisons avant de s’interroger sur les mesures qui pourraient être valablement envisagées afin de renverser cette tendance.
Se déplacer à pied dans le centre-ville permet en effet de constater qu’un nombre bien trop important de pas-de-porte commerciaux sont fermés. Dans la rue des Cordeliers, j’en ai compté récemment dix-huit ; le centre commercial Bosquet ne parvient pas à redémarrer malgré des investissements visant à améliorer son cadre, ainsi ce sont dix-sept vitrines qui ne sont pas exploitées ; la rue Carnot, vingt enseignes à l’abandon ; la place du Foirail suit le même chemin, on y compte pas moins de sept devantures sans activités ; la rue Serviez, elle-aussi, malheureusement suit ce mauvais penchant avec huit enseignes délaissées ; la rue Joffre, elle, se porte bien à l’exception de dix pas-de-porte à vendre.
Alors la faute à qui ? Sans doute en premier lieu, faut-il citer les centres commerciaux installés à la périphérie qui viennent concurrencer de manière fatale les commerces de proximité du centre-ville. À ce propos justement, le journal « La République des Pyrénées » du jeudi 10 mars 2016 consacre un article de deux pages sur ces zones commerciales : « Grand Pau : des zones commerciales à moderniser ». Il y est fait état d’une étude de l’Audap (Agence d’urbanisme Adour-Pyrénées) qui conclut à la nécessité pour les six zones commerciales de se moderniser. Ces zones seraient devenues, selon cet organisme, des vitrines de l’identité commerciale paloise. Laissons-leur la responsabilité de cette considération. Les élus du grand Pau en auraient pris conscience et par le moyen du Scot (Schéma de cohérence territoriale) et autre schéma de développement commercial seraient décidés à agir. Qu’ils réfléchissent !
Pourtant il nous avait semblé que des améliorations avaient été effectuées récemment pour certaines d’entre elles. Ainsi, le centre commercial Leclerc avait construit un parking à étages et doublé la surface de sa galerie marchande. Le centre de Lescar-Lons vient d’obtenir l’autorisation de rénover et d’agrandir sa galerie. Auchan qui dispose maintenant d’un « drive » connaît un essor commercial qui le place en tête des six centres. Le Mail de Lons avec le Géant Casino semble stagner. Le centre commercial de Serres-Castet avec un supermarché Intermarché progresse et sa surface exploitable pourrait être augmentée. Enfin le Billère-Intermarché tient sa place sur une surface de 12 hectares.
Il conviendrait là que les politiques voient ces potentielles évolutions avec le discernement nécessaire de façon à ne pas nuire davantage aux commerces de proximité situés en centre-ville.
Une autre donnée apparaît comme certaine parmi celles qui provoquent une désaffection commerciale du centre, ce sont les impôts locaux. Questionnez les professionnels de l’immobilier, ils vous diront tous qu’au cours des négociations qui précédent une transaction, leur est systématiquement posée la question du montant des impôts locaux. De plus en plus souvent leurs clients considèrent ces contributions comme un critère déterminant. Il arrive que, à Pau, les prélèvements annoncés rendent la vente impossible. Il faut dire que le taux de la taxe d’habitation de la capitale du Béarn est de 22,26 % contre 7,92 % à Idron. Au moins le double des autres villes de l’agglomération à l’exception de Billère (16,46%). Si certains se demandent pourquoi le nombre des habitants de la ville de Pau est en baisse, qu’ils cessent de chercher, ils ont là l’explication. Le maire de Pau devait baisser cette taxe, on attend !
Les transports jouent un rôle également important. Tout est fait pour persuader les automobilistes d’éviter de venir en ville avec leur voiture. Cependant cela n’est pas impossible. Par expérience personnelle, je sais qu’on trouve à se garer, soit dans un parc souterrain soit place de Verdun. Je prends rarement ma voiture pour ce genre de déplacement, sauf pour le marché du samedi. Le reste du temps je préfère le bus. Mais là il faut reconnaître que la politique de la ville n’est pas réellement incitative. Elle est maintenant passée l’époque où les Paloises et Palois âgés de plus de 65 ans, pouvaient se déplacer dans les bus de la STAP grâce à une carte d’abonnement à l’année pour la somme de 55 €. Elle permettait autant de trajets qu’on le désirait. Considérant que le prix du trajet était fixé à 0,82 € il fallait en faire 67 pour rentrer dans ses frais. Puis le prix du trajet est passé à 0,84€. Et bien pis ce tarif préférentiel a été abandonné pour passer de 55 à 110€. Il faut maintenant faire 131 trajets pour amortir son investissement. J’avoue que, ne parvenant pas à les faire, j’ai délaissé ce mode d’abonnement. J’achète les trajets par groupe de 20 et je renouvelle. Cette évolution est sans doute le résultat d’une modification de la répartition des compétences entre la ville et l’agglo, maintenant c’est l’agglo qui gère les transports. Je vais moins souvent en centre-ville et s’il m’arrive de modifier ainsi mon comportement j’imagine que d’autres le font aussi.
On pourrait s’interroger également sur la diversité des commerces implantés en centre-ville. Beaucoup d’agences bancaires sont installées plein centre. Comme ailleurs – l’exemple d’Albi est parlant – les magasins de vêtements sont plus nombreux. Un point cependant, souligné par un intervenant sur le forum, les commerces d’alimentation du centre marchent bien et c’est tant mieux. Cela prouve que cette forme de proximité a encore une clientèle. Pour les autres, en plus de la concurrence des zones commerciales de la périphérie, les achats en ligne et autres « drives » sont un handicap sévère.
Les politiques doivent se mobiliser pour redonner au centre-ville de Pau son activité commerciale, les braderies ainsi que les marchés de Noël sont de bonnes initiatives mais limitées dans des périodes définies. On voudrait espérer que le nouveau moyen de transport, le BHSN (Bus à haut niveau de service) améliorera la situation actuelle. Une étude sur le plan de circulation dans la ville vient de démarrer, attendons ses conclusions. La réflexion est engagée là où la résignation n’a pas sa place.
Pau, le 14 mars 2016
par Joël Braud