En apprenant ce drame de la route qui a coûté la vie à quatre jeunes adolescents dans le Morbihan, nous sommes nombreux à faire un rapprochement avec le projet de la Garde des Sceaux, Christiane Taubira, qui envisage d’atténuer les sanctions contre les auteurs de conduite sans permis. Est-ce opportun ? La sécurité routière risquerait-t-elle d’en supporter les conséquences ?
Il faut commencer par reconnaître que le moment était particulièrement mal choisi pour annoncer un projet de dé-correctionnalisation de l’infraction de défaut de permis de conduire pour la transformer en une simple contravention punie de 500 € d’amende. La période des départs en vacances pendant laquelle la circulation automobile est particulièrement intense, l’augmentation récente du nombre des tués par accident de la route ne devaient pas particulièrement l’y inviter. Erreur de communication certainement.
Mais pour autant il faut savoir chercher la raison profonde d’une telle intention. La première, qui est sans doute la principale, est le désengorgement des tribunaux. Une Garde des Sceaux ne peut pas être indifférente à ce qui est dans notre pays un vrai problème. La seconde voulait parvenir à une certaine systématisation des poursuites ; la peine aurait été la même pour tous dans un temps très court après la commission de l’infraction ce qui aurait pu renforcer la lisibilité et l’effet dissuasif de la sanction. Il y avait peut-être une autre dimension à ce projet, celle de décharger la justice de ce reproche de laxisme qui pèse injustement sur ses épaules et, dans le même temps, faire reposer l’insuffisance répressive sur les épaules des forces de l’ordre. Pourquoi pas après tout ? Il y a toujours eu une certaine tension entre le ministère de la justice et celui de l’intérieur.
Pourtant beaucoup ont considéré que l’impact dissuasif aurait manqué de vigueur et que l’interprétation de la majorité eut été de considérer cette infraction moins grave puisque moins sévèrement réprimée. Cet argument est incontournable.
Et voilà qu’un événement dramatique, survenu dans la nuit du samedi au dimanche 2 août 2015, vient apporter un éclairage différent au projet de Christiane Taubira. Dans le Morbihan quatre adolescents ont perdu la vie dans un accident de la circulation. Le chauffeur, âgé de 17 ans, donc non titulaire du permis de conduire, avait emprunté, à leur insu, le véhicule de ses parents. Ils s’y étaient entassés à quatorze. Une catastrophe, une tragédie, (les mots manquent) dont il faudra se souvenir. En matière de sécurité routière, il ne faut jamais faire d’économie sur les superlatifs qui ajoutent de l’horreur à un drame, cela nourrit l’exemple et enrichit la prévention.
Nul doute que la Garde des Sceaux va reconsidérer son projet, elle l’a d’ailleurs déjà laissé entendre, cependant une réflexion plus vaste doit maintenant être engagée. Le permis de conduire est-il par sa formation, par son coût très élevé (minimum de 2000 euros), par ses conditions d’attribution, ce qui correspond le mieux à ce nous voulons qu’il soit ? Il doit être un enseignement citoyen où l’on apprend surtout que la route est quelque chose qui se partage et qui passe d’abord et avant tout par le respect des autres.
Pau, le 3 août 2015
Par Joël Braud