Europe, budget problématique ?

PPEAlain Lamassoure, Député Européen du Sud-ouest a adressé à la presse le communiqué ci-après. Il nous a semblé intéressant de le mettre en ligne d’autant que des propos inquiétants pour la zone Euro, ont été tenus, dans le journal SUD OUEST du 6 novembre, par Pascal Kauffmann, professeur de sciences économiques, directeur du Magistère d’économie internationale de l’université de Bordeaux IV. Il commentait alors les déclarations de Dominique Strauss-Kahn lors d’une conférence faite à Séoul.

« Un premier pas a été franchi vers la solution des problèmes budgétaires immédiats de l’Union  » Alain Lamassoure  (UMP, PPE, FR)

Après le trilogue de ce 7 novembre, et à la veille de la conciliation entre les 28 ministres du Budget et  la délégation du Parlement, un premier pas a été franchi vers la solution des problèmes budgétaires immédiats de l’Union.

Les crédits de paiements nécessaires pour achever l’année 2013 en honorant tous les engagements juridiques dus cette année sont désormais assurés. Au total, il aura fallu augmenter de 11,2 milliards, soit de plus de 8%, le budget initial tel qu’il avait été contraint par les ministres du Budget. L’intransigeance sans faille du Parlement européen a bel et bien sauvé l’Europe de la cessation de paiements.

L’enjeu de la négociation sur le budget 2014 est d’éviter à l’Union de se retrouver dans une situation aussi critique dès le printemps prochain. Les chiffres acceptés à ce stade par les gouvernements obligeraient à choisir entre : le respect des engagements politiques pris au Conseil européen sur l’emploi des jeunes et les investissements d’avenir ; l’indemnisation des victimes des inondations dramatiques qu’a connues l’Allemagne ; et les aides d’urgence en faveur des victimes de la guerre civile syrienne et des réfugiés de Lampedusa. Un tel choix serait indécent. 

Aussi, le Parlement a fait des propositions précises pour financer toutes ces priorités avec un budget européen qui baisserait de 6%, pour tenir compte de l’exigence de rigueur qui s’impose à tous. À chacun, maintenant, de prendre ses responsabilités.

– mis en ligne par altpyredac

Europe mon amour

europe_sarasotaPierre-Yves Couderc redescend des Pyrénées et de ses étoiles cathares. Puisque qu’on demande à Monsieur Lamassoure son opinion sur l’Europe et qu’avec l’écologie c’est une de ses marottes, il donne son opinion sans même qu’on la lui demande.

AltPy – Une enquête d’opinion donne le Front National en tête des intentions de vote pour les prochaines élections européennes. Comment en est-on arrivé à ce niveau de rejet de l’Europe par les Français ?
Pierre-Yves Couderc – Les enquêtes d’opinion servent beaucoup à faire vivre les instituts de sondage. Surtout les baromètres mensuels qu’on nous sert à tout propos surtout de tout et de rien en guise de nouvelles. Alors que la Syrie flambe, que la Méditerranée charrie les cadavres et que pointent les élections européennes.
Cela dit, si on souhaitait sonder les européens sur leur attachement à l’Europe prenons les paris et disons que plus des deux tiers la verrait comme un solution et non pas comme un problème. Sauf, peut-être, nos amis anglais qui devront, le jour venu, s’amarrer ou larguer les amarres, se soumettre ou se démettre, choisir, ou pas, le politique contre le libre échange . Ce serait certainement regrettable, notamment en matière de défense et de continuité historique, mais c’est un choix qui leur appartient.
Le troisième tiers se trouvant à l’extrême gauche et à l’extrême droite. Notons que les forces montantes sociales écologiques ou libérales écologiques font partie des plus ardents défenseurs de l’Europe.

Les Européens trouvent l’organisation politique de l’Union Européenne bien éloignée d’eux. Les prochaines élections européennes vont-elles permettre de changer suffisamment la donne ?
Comme le dit très bien le très estimable Monsieur Lamassoure, l’Europe ne s’est pas faite en un jour et la logique des institutions va faire émerger, nécessairement, des partis européens. A notre humble avis même si Monsieur Lamassoure fait partie d’une famille (lâchons le mot qui fâche) fédéraliste, il s’agit de construire un modèle nouveau et non pas les Etats-Unis d’Europe qui broieraient les différences culturelles, les langues et les identités.
A ce propos l’Europe est la solution contre l’anéantissement par la mondialisation ou plutôt à un certain libéralisme frénétique d’essence anglo-saxonne qui s’est trouvé tout puissant en 1989 avec la chute du mur de Berlin.
L’enjeu est de monter la maison Europe au sein d’un monde multipolaire sur un modèle continental et certainement pas un gouvernement mondial. Un modèle pour dialoguer et bien sûr coopérer au bien-être commun et à la survie de la planète. Une maison Europe face à l’Amérique du nord, le cône sud-américain, la chine, le Japon et le sud-est asiatique, les Indes et l’Afrique . Peut-être construire également, au passage, une maison commune avec le continent russe selon la proposition de Gorbatchev où chacun garderait néanmoins son autonomie et pourquoi pas avec la Turquie qui, de son côté, fédérerait l’ Asie centrale d’essence turco-mongole. Cela dit, chacun aura à gérer son destin et trouver ses frontières sans oublier que la géographie, même dans un monde raccourci, reste un puissant déterminisme.
Au sein du sous-continent européen (de l’isthme aurait dit Braudel) qui s’est agrégé au sein de la communauté comme une traînée de poudre on pourrait résoudre la question de l’égalité des territoires et des langues. Des langues qui restent autant que les religions et les civilisations le ferment des identités. On pourrait, à cet effet, constituer des sous-groupes sur la base des Etats les plus peuplés l’Allemagne, la France, l’Italie auxquels pourrait s’agréger un monde hispanique, un monde balkanique, Yougoslavie (à nouveau fédérée). Grèce et Bulgarie, voire Roumanie, un monde slave autour de la Pologne et de la Tchécoslovaquie (à nouveau fédérée) et enfin un monde hanséatique autour du Benelux et de la Scandinavie.
Dans les instances les langues choisies par ces sous-ensembles pourraient ainsi constituer les langues de travail qui seraient en interne rediffusées selon l’heureux principe de la subsidiarité. Une construction un rien complexe mais bien ordonnée pour contrer l’envahissement de l’anglais.
Ces ensembles pourraient être également des unités d’œuvre dans les politiques communautaires qui, bien sûr, devraient favoriser et financer, d’abord les grandes infrastructures d’intérêt continental. Une fois progressivement définis les chenaux fiscaux et sociaux à l’intérieur desquels les Etats pourraient naviguer.

Après tant et tant d’années au service de l’Europe, n’éprouvez-vous pas un sentiment d’échec ou d’amertume ?
Échec certainement pas. Car l’Europe est aussi la bonne dimension pour gérer la crise écologique qui menace notre survie…(Même si d’aucuns, dont nous ne sommes pas, considèrent, qu’après tout, la disparition des hommes ne serait pas forcément une catastrophe. Juste un épiphénomène dans l’évolution) .
Une bonne dimension pour être tout à la fois un exemple et un ferment…sans pour cela donner des leçons à tous et à chacun mais en étant ferme sur ses positions.
De toutes manières les questions écologiques, traitées au niveau européen, sont premières et prioritaires par rapport aux questions sociales et économiques. Des questions qui qui ne peuvent être correctement traitées que sur le terreau fertile des équilibres fondamentaux. Des grands équilibres pour reprendre les mots de Raymond Barre, un européen d’essence sociale libérale… un peu comme Monsieur Lamassoure.

– par Pierre-Yves Couderc / Oloron

Alain Lamassoure : Prenons le pouvoir en Europe !

hemicycle-parlement-europeenLe rejet de l’Europe constaté, sur AltPy, par Jean Lassalle et Axel Kahn; les sondages qui placent en tête des prochaines élections européennes le Front National, un parti ouvertement contre l’Europe bruxelloise actuelle; autant d’éléments qui mettent de plus en plus la « problématique Europe » au cœur du débat national.

Pau a vu naître Alain Lamassoure, un « pro-européen notoire » depuis bien longtemps. En 1993, il était déjà nommé Ministre des Affaires européennes du gouvernement Édouard Balladur. Depuis, l’Europe a toujours été au cœur de son action politique. Aujourd’hui, le député européen a une fonction clef délicate : la Présidence de la commission des Budgets au Parlement Européen de Strasbourg.

Très accessible, et AltPy l’en remercie, Alain Lamassoure, s’est prêté, à nouveau, au jeu de nos questions. Une occasion salutaire pour prendre un peu de recul et découvrir, entre autres, que dès 2014, l’Europe se dotera enfin du premier « Président de la Commission européenne » démocratiquement élu. Sera-ce suffisant pour faire reculer les eurosceptiques?

AltPy – Une enquête d’opinion donne le Front National en tête des intentions de vote pour les prochaines élections européennes. Comment en est-on arrivé à ce niveau de rejet de l’Europe par les Français ?
Alain Lamassoure – Ne mélangeons pas tout ! L’Europe a-t-elle quelque chose à voir avec la législative du Lot-et-Garonne pour la succession de Cahuzac, ou avec la cantonale de Brignoles ? J’observe que la montée de l’extrême droite dans les sondages s’accompagne d’une baisse de l’extrême-gauche, tout aussi anti-européenne. On l’oublie, mais il y a toujours eu en France un gros tiers de citoyens hostiles ou réticents au progrès de la construction européenne.
Cela dit, le sentiment à l’égard de l’Europe souffre de deux phénomènes. L’un est conjoncturel : c’est la crise, et la récession. Selon les mêmes sondages, le Président de la République que les Français ont plébiscité il y a dix-huit mois est aujourd’hui encore plus impopulaire que l’Europe. L’autre est plus profond : tant que l’Europe ne s’incarne pas dans une personnalité élue, tant qu’elle reste sans visage, elle est le bouc émissaire naturel de tout ce qui va mal. Tous les dirigeants nationaux usent et abusent du procédé. Hélas, ça marche.

N’est-ce pas tout simplement une Europe plus protectrice, plus maternelle, moins libérale que demandent les Français ?
C’est ce que beaucoup, dans tous les camps, voudraient leur faire croire. Eh bien oui, les Français ont besoin de protection : nous avons besoin de nous protéger contre nous-mêmes, et contre nos lois archaïques sur les 35 heures, la retraite à 60 ans, l’émiettement en 36 000 communes, là où tous nos 27 partenaires additionnés n’en ont que 59 000, les trente ans de trou de la Sécu, là où les Allemands dégagent des milliards d’excédents. Rien de tout cela ne dépend de l’Europe ! Des Français insuffisamment maternés ? Les dépenses publiques représentent 57% de la richesse produite, 10 points de plus que chez tous nos partenaires : est-ce vraiment d’une nounou de plus que nous manquons ? Quel programme ambitieux pour des partis qui se réclament de la grandeur passée de la France ! Trop libérale, l’Europe ? Ceux qui l’en accusent sont les mêmes qui tempêtent contre les excès de réglementation de « Bruxelles ».
Ce que je constate en rencontrant chaque semaine des dizaines de nos compatriotes, notamment dans le sud-ouest, est très différent. Les nombreuses crises des dernières années inquiètent les Français, mais elles leur ont aussi beaucoup appris : quand toute l’activité financière mondiale est paralysée, quand la faillite de nos partenaires du sud de l’Europe nous fait basculer dans la récession, quand la guerre civile syrienne menace de faire flamber tout le Moyen-Orient, quand des milliers de désespérés partent en radeau vers nos côtes, aucun de ces problèmes n’a plus de solution seulement nationale. Il faut y trouver ensemble une solution européenne. Globalement, nos compatriotes ne sont pas plus eurosceptiques : ils sont plus exigeants à l’égard de l’Europe, ils en attendent beaucoup plus et beaucoup mieux. Et ils ont raison !

Les Européens trouvent l’organisation politique de l’Union Européenne bien éloignée d’eux. Les prochaines élections européennes vont-elles permettre de changer suffisamment la donne ?
Ils ont raison. On a institué un vrai pouvoir politique européen. Ses compétences sont considérables, mais les citoyens ne voient pas comment ils peuvent influencer les décisions, et ils ne comprennent même pas comment elles sont prises. La très bonne nouvelle, c’est que les nouvelles règles, celles du traité de Lisbonne, vont s’appliquer pour la première fois au Parlement qui sera élu le 25 mai prochain. Jusqu’à ce traité, le Parlement avait un pouvoir d’avis plus que de décision. Non seulement le Parlement prochain aura le plein pouvoir législatif, comme l’Assemblée Nationale en France, mais c’est lui qui élira le Président de la Commission européenne. Jusqu’à présent, ce chef de l’exécutif européen était nommé comme un haut fonctionnaire international. Il sera désormais élu par le Parlement, et comme les partis politiques européens s’organisent pour annoncer leur candidat respectif à l’avance, le chef de l’exécutif européen sera élu en fait par les citoyens à travers le Parlement – exactement comme nous élisons les maires, ou comme nos voisins élisent leur Premier Ministre. Cela change tout : les télévisions organiseront des débats entre les grands candidats, et les électeurs choisiront « Monsieur » ou « Madame » Europe au vu de la personnalité et du programme. Les citoyens prendront le pouvoir en Europe, comme ils l’ont dans leur ville et dans leur pays.

Après tant et tant d’années au service de l’Europe, n’éprouvez-vous pas un sentiment d’échec ou d’amertume ?
Échec, sûrement pas ! Les immenses difficultés actuelles ne doivent pas faire oublier le chemin parcouru. Le miracle de la réconciliation entre les ennemis héréditaires est acquis et irréversible. D’illustres prix Nobel avaient démontré que des pays différents ne pouvaient pas avoir la même monnaie : l’euro a résisté aux pires spéculations financières et monétaires de l’histoire, nous sauvant ainsi d’une guerre monétaire fratricide, dont les conséquences auraient été apocalyptiques. Ce sont les Européens qui ont arraché aux Américains la création de l’Organisation mondiale du Commerce, du Tribunal pénal international, du G20, et qui sont à la pointe de la lutte contre le changement climatique. Le budget européen de la recherche a permis à notre industrie aérospatiale de devenir la plus compétitive du monde et le Feder finance, chaque année, plus de mille projets en Aquitaine ! Ce qui reste à faire est énorme, mais les réussites passées sont le meilleur encouragement.
Amertume, oui. Faire le choix du chantier européen, c’est se condamner à l’exil vis-à-vis de toute la classe politique et des médias nationaux. Un grand nombre des décisions majeures pour notre avenir national se prennent désormais à Bruxelles, mais l’Europe est absente des grands débats électoraux, toute notre vie politique est orientée vers le seul débat franco-français, et ceux qui sont au cœur du dispositif communautaire, sont marginalisés dans leur propre pays. Nos grands partis n’ont pas mis à jour leur logiciel européen. Leurs dirigeants continuent de poser les problèmes européens comme il y a dix ans. En dix ans, l’Europe a changé de siècle. Les Français le sentent, mais ceux qui pourraient l’expliquer et en débattre sont hors du champ des caméras.

Avez-vous un sujet supplémentaire que vous aimeriez aborder ?
A ceux qui disent «Il faut changer d’Europe ! », j’ai envie de dire « il faut changer notre regard sur l’Europe ! » J’ajoute : et s’en servir autrement !
Ne perdons pas notre temps à changer à nouveau les traités : à 28 pays, il faudra dix ans pour aboutir, alors que le traité de Lisbonne nous permet désormais de faire tout ce que nous voulons ensemble, y compris à quelques-uns si les autres ne veulent pas suivre tout de suite. C’est pourquoi, la vraie question n’est plus de savoir s’il faut plus ou moins d’Europe, mais : que voulons-nous faire ensemble, quels sujets traitons-nous ensemble pour être plus efficaces ? L’union politique de l’Europe en paix est aussi incontournable et évidente que le sont les communautés de communes ou d’agglomération au niveau local, et pour la même raison : l’espace pertinent pour traiter certains problèmes majeurs ne correspond plus aux structures anciennes. Les transports publics, le traitement des déchets et des eaux usées, l’aménagement des zones d’activité, désormais, c’est au niveau de l’agglomération que les décisions se prennent, et non plus à celui de la commune. De même, sur des sujets aussi différents que les normes sanitaires, techniques, et environnementales, sur les règles de la concurrence, sur la politique de l’énergie, l’immigration, la défense, les orientations premières doivent être arrêtées ensemble, au niveau européen. Sur les sciences et les technologies du futur, dont dépend toute notre compétitivité, diviser par 28 nos budgets de la recherche est une aberration absolue. L’Europe ne s’use que tant qu’on ne s’en sert pas ! Prenons le pouvoir en Europe !

– propos recueillis par Bernard Boutin

Editorial d’Alain Lamassoure* : Retour de Washington

ALS’immerger périodiquement dans le microcosme où, de la Maison Blanche au Département d’Etat, du Congrès au FMI, des dizaines de think tanks à la Banque mondiale, se décident quelques unes des orientations majeures pour la conduite du monde reste un exercice incontournable pour tout responsable européen. En cette mi-juillet, j’y ai donc conduit une délégation de la commission des Budgets du Parlement de Strasbourg. J’en retire quelques impressions rapides.

L’économie américaine a retrouvé ce qui fait sa force originale : son infinie créativité. Les économistes insistent sur les effets expansionnistes d’une politique monétaire résolument accommodante et sur la véritable révolution énergétique apportée, en quelques années, par l’exploitation massive du pétrole et du gaz de schiste. Certes. Pourtant, là n’est pas l’essentiel.

L’essentiel, c’est cette formidable capacité à inventer sans cesse des technologies, des matériaux, des services, des modes de management nouveaux. Et à attirer les talents du monde entier dans les universités et les laboratoires du pays. Capitale historique de l’automobile, la ville de Detroit fait faillite, mais des start-ups jaillissent partout comme champignons après la pluie. Les Etats-Unis restent ce pays où, partis de rien, un Bill Gates ou un Steve Jobs peuvent créer en quinze ans les deux capitalisations boursières les plus élevées du monde à partir de services dont personne, avant eux, n’imaginait même l’existence.

En revanche, la politique américaine est en panne. Jamais elle n’a connu une telle impuissance, interne et externe.

A l’extérieur, l’extrême prudence de Barack Obama dilue les priorités et brouille les messages : basculement historique de l’Atlantique vers le Pacifique, ou nouvelle politique active au Moyen-Orient et en Afrique ? Soutien aux combattants de la liberté dans le monde arabe en fusion, ou priorité à la lutte contre toutes les formes de fanatisme islamiste ? Recherche d’un partenariat mondial avec la Chine ou nouvelle dimension donnée au partenariat transatlantique ? A quoi peut maintenant servir l’OTAN : quel ennemi potentiel duquel de ses membres sert-elle à dissuader de faire quoi, et qu’attend-elle de ses membres pour y contribuer Autant d’interlocuteurs, autant de réponses. Toutes confuses.

A l’intérieur, c’est pire. L’opposition frontale des branches extrémistes des deux grands partis empêche toute décision : seule réforme tangible du premier mandat de Barack Obama, l’extension du système de santé (« Obamacare ») est remise en cause dans tous ses textes d’application, tandis que, de l’immigration à la loi agricole, du budget annuel aux nominations des nouveaux dirigeants des agences fédérales, tous les projets du second mandat sont encalminés entre les deux chambres du Congrès. Régime dit présidentiel, la Constitution américaine donne la réalité du pouvoir au Parlement : même le projet de budget du Président est mis directement à la corbeille par la commission compétente de la Chambre, qui travaille sur son propre projet et qui, aujourd’hui, ne parvient plus à trouver le moindre accord.

Cette paralysie reflète un désarroi profond de la société américaine sur son identité, sur ses valeurs et sur sa relation avec l’Etat. Tout en restant convaincue de la supériorité morale de ses principes et de ses institutions, l’Amérique s’interroge aussi, en profondeur, sur sa capacité à maintenir sa domination mondiale relative face à un nombre croissant de puissances émergentes, dont les références et les valeurs sont fondamentalement différentes. En quelques années, la faillite soudaine des grandes banques de Wall Street au sommet de leur puissance et les deux humiliations politico-militaires subies en Irak et en Afghanistan ont ébranlé bien des certitudes.

Dans ce contexte, l’Europe a une carte à jouer face au grand allié en proie au doute. Certes, sa performance économique actuelle n’est pas brillante. Mais elle a su sortir des pires tempêtes monétaires et financières en prenant des décisions courageuses qui sont aujourd’hui hors d’atteinte à Washington. Ses déficits budgétaires se sont réduits de moitié depuis 2008. La zone euro dégage un excédent commercial de plus de 200 milliards de dollars, à peine inférieur à celui de la Chine, alors que les Etats-Unis traînent un déficit humiliant de 420 milliards. Le lancement d’un projet de traité transatlantique – le premier du genre – vient à point nommé pour les deux partenaires : au-delà du développement de nos échanges de biens et de services, profitons-en pour nous mettre d’accord ensemble sur les standards techniques, sanitaires, environnementaux, les grandes règles de la concurrence et des marchés publics qui assureront des conditions de concurrence égales à nos acteurs économiques. Si ces règles sont agréées par des puissances qui représentent encore la moitié du PIB mondial, nous serons en position de force pour les imposer au reste du monde. Mettons à profit les quelques années qui nous restent pendant lesquelles les pays occidentaux dominent encore les principales institutions internationales, non pour prolonger cette domination, mais pour s’assurer que, dans un rapport de force irrémédiablement changé, les règles du jeu resteront équitables et conformes aux valeurs universelles dont nous nous sommes faits les champions.

– par Alain Lamassoure

25 juillet 2013

*Député européen, Président de la commission des Budgets. Conseiller régional d’Aquitaine

Europe : « Ce n’est pas la crise pour tout le monde ! »

Angel Navarrete BloombergC’est avec une attention toute particulière que j’ai lu l’interview faite par Bernard Boutin d’Alain Lamassoure. Son contenu et les éloges positifs qui s’en sont suivis, montrent à l’évidence que la machine à manipuler fonctionne à plein régime.

Le premier exemple qui me vient à l’esprit, est lorsqu’il déclare : … »ce sont les Européens qui ont obtenu la création de l’organisation mondiale du commerce ( OMC ) ». Eh non ! M. Lamassoure, les Européens y ont fortement contribué, mais l’OMC a été créée sous la très forte pression aux États-Unis, du secteur des services financiers comme American Express, et City Group. L’objectif était d’en faire un instrument d’hyper libéralisation, n’étant  lié, ni par la déclaration universelle des droits de l’homme, ni par le pacte des droits économiques sociaux et culturels, ni par la charte des droits économiques des États. Les accords de Marrakech ne sont qu’un des instruments de la mondialisation au service de l’oligarchie financière mondiale.

L’Union Européenne, en est un des tremplins, et pour cela il faut affaiblir les États; leur confisquer le peu de souveraineté qui leur reste (Grèce), et dernièrement le Portugal qui passe sous les fourches caudines de la troîka (FMI,BCE,UE). A ce sujet, Amadeu Altafay porte parole de la commission Européenne, déclarait le 29 avril 2011 à un journaliste : « La légitimé démocratique ? ce n’est pas nécessaire ». Voilà une déclaration qui fait froid dans le dos, niant ainsi la démocratie ! Cette Europe là, issue du traité de Lisbonne, que Monsieur Lamassoure nous a imposé de force en dépit du rejet par référendum du peuple Français. Par ailleurs, toutes les institutions Européennes sont « noyautées » par d’anciens collaborateurs de la Goldman Sachs, puissante banque spéculative Américaine, et cela jusqu’à sa tête, Mario Draghi.

Si on ajoute que l’élaboration des règlements communautaires, et ceci depuis les années cinquante, s’est faite sous la pression intense des lobbies des institutions Américaines, on comprend mieux  notre dépendance. Un exemple : l’union Européenne a été condamnée en appel pour son refus d’importer du bœuf aux hormones des USA et du Canada à 116 millions de dollars ,et à 13 millions de dollars pour celle venant  du Canada. Suite aux mesures de rétorsion, prises par les USA, les Européens se sont couchés devant l’exigence des américains à savoir : contre l’abandon des sanctions, obligation pour l’Europe d’augmenter le quota d’importation de viande de qualité passant de 21 tonnes à 48 tonnes à compter  du 1er Août 2012 .

Quant à l’Accord Général sur le Commerce et les services (AGCS ), il a pour objectif selon les Américains, de …Réduire ou éliminer les mesures gouvernementales qui empêchent les services d’être librement fournis à travers les frontières nationales. Un autre objectif de l’AGCS est de casser les salaires, et la libération de l’éducation et de la santé. Dernier exemple de <l’amicale> pression des Américains qui ont réussi à faire rejeter par le parlement Européen l’accord commercial anti contrefaçon.

Voilà pourquoi M. Lamassoure préconise plus d’Europe. Il ferait partie, comme la plupart des énarques, des ’’invités’’ du ‘’Cercle‘’ filiale Française du club Bilderberg, une des composante Américaine de l’oligarchie financière Mondiale et de sa gouvernance. Il convient donc de faire perdurer au maximum la situation actuelle, au bénéfice de la Finance mondiale dont notre pays paye 50 milliards d’euros d’intérêts. Ce n’est pas la crise pour tout le monde.

La manipulation tronquée continue quand il énumère toutes les subventions émanant de l’Europe ayant bénéficié à notre région, c’est vrai et je complète qu’au total sur le plan National la France a bénéficiée de 13,16 milliards d’euros pour l’année 2011, ce qu’il oublie de dire, c’est que la France a contribué pour 19 milliards au budget communautaire.

Les faits sont têtus, la situation économique se détériore et pourtant on s’obstine à continuer, uniquement dans l’intérêt de la finance. Il est nécessaire pour cela, qu’une collusion parfaite entre le pouvoir économique et le pouvoir politique existe, relayée par les grands moyens d’information (ou de désinformation) et de personnes ou de personnalités, chargées de ‘’prêcher’’ la bonne parole et d’anesthésier le bon peuple.

L’Europe oui ! Mais pas celle corrompue au service de la finance.

– par Pierre Pédauguez

crédit photo : Angel Navarrete / Bloomberg

L’Europe : Questions à Alain Lamassoure

Capture d’écran 2013-05-24 à 09.49.45AltPy – L’Europe est souvent montrée du doigt comme bouc émissaire pour les problèmes économiques et d’emploi en France. Principal responsable désigné : le tout-libéralisme de la commission avec ses conséquences sur notre secteur industriel en peau de chagrin. Quelles réponses apporter à ces détracteurs ?
Alain Lamassoure – L’Europe en général, la Commission en particulier, sont des boucs émissaires faciles de nos échecs nationaux. Au sein de la même zone euro, la France est en déficit commercial de 70 milliards alors que nos partenaires affichent aujourd’hui un excédent additionné de 200 milliards ! Si, au sein de la même zone, la part relative de notre industrie s’est réduite d’un tiers en dix ans (!), nous ne le devons évidemment qu’à nos propres faiblesses ! Quant au soi-disant « tout-libéralisme » de la Commission, la formule fait sourire hors de France. Ce n’est pas la Commission qui décide, ce sont les élus : les ministres réunis en Conseil, d’un côté, et le Parlement européen de l’autre. Or, au sein du Parlement, le rapport des forces est tel qu’aucun texte ne peut être adopté sans les voix des socialistes européens. Il y a un seul domaine pour lequel la Commission a des pouvoirs propres : c’est la concurrence. Le Commissaire en charge, Joaquin Almunia, est un socialiste espagnol…

AltPy – Potentiellement première puissance économique, l’Europe n’existe pas sur la scène internationale. Fondamentalement et structurellement, quelles en sont, selon vous, les raisons profondes ?  Quelles mesures faudrait-il prendre pour changer cela ?
Alain Lamassoure – Je nuancerais d’abord votre jugement. Ce qui est incontestable, c’est que l’Union européenne, en tant que telle, n’est guère visible sur la scène internationale. Cela s’explique par le fait que, pour l’essentiel, les relations extérieures restent de la compétence des États membres, le pouvoir de l’Union se limitant à la coordination des politiques nationales. En outre, l’Union n’a pas de moyens militaires propres pour soutenir son action diplomatique : elle dépend totalement du bon vouloir des États, non seulement sur le principe d’une action, mais sur son déroulement au jour le jour. Si bien que quand les grands pays (en pratique Paris, Berlin et Londres, les autres suivant peu ou prou) sont divisés, les Européens restent spectateurs. En revanche, quand ils sont unis, ils obtiennent des résultats non négligeables. Ce sont eux qui ont obtenu la création de l’Organisation mondiale du Commerce, du Tribunal Pénal International et même du G20, trois institutions dont les Américains ne voulaient pas. C’est la diplomatie européenne et les casques bleus européens qui ont mis fin, il y a quelques années, au conflit le plus sanglant depuis la deuxième Guerre Mondiale, la guerre du Congo. Plus récemment, ce sont les marines européennes qui sont venues à bout de la piraterie au large des côtes somaliennes. L’Autorité palestinienne n’existerait pas sans l’aide de l’Europe, qui paye la totalité des salaires de ses fonctionnaires. Enfin, c’est l’Europe qui porte à bout de bras les négociations contre le changement climatique, auxquelles le reste du monde finit – trop lentement – par se rallier.
Depuis trois ans, grâce au traité de Lisbonne, nous avons mis en place les moyens d’une coordination plus efficace et surtout plus visible : l’Union a désormais un Haut-Représentant pour la politique extérieure et des ambassadeurs dans 120 pays. A partir de là, tout dépend du choix des personnes. Le renouvellement des grands responsables prévus l’an prochain sera important.

AltPy – En mai 2014, les citoyens européens vont élire un nouveau parlement à Strasbourg. Beaucoup montrent du doigt le fonctionnement difficile à comprendre et peu représentatif des institutions européennes. Quelles améliorations « démocratiques » peuvent-ils espérer une fois que la nouvelle législature sera mise en place ?
Alain Lamassoure – Ils auront enfin ce qui leur manque : un »Monsieur » ou une « Madame » Europe, élu par eux. Car c’est une autre novation du traité de Lisbonne : le Président de la Commission européenne ne sera plus un haut fonctionnaire international nommé par les chefs d’Etat, il sera élu par le Parlement européen au lendemain de l’élection de celui-ci. Dès maintenant, les partis politique européens s’organisent pour choisir leur candidat et élaborer un programme commun pour les 28 pays. Pour la première fois, il y aura une vraie campagne d’échelle européenne, et ce sont les citoyens qui éliront le chef de l’Europe et son programme. Cela changera tout !

L’Europe, plus près de nous :
AltPy – Pour nos lecteurs béarnais, bigourdans et basques : En quoi concrètement, l’Europe intervient-elle pour favoriser le développement économique (et plus particulièrement le développement industriel et des voies et réseaux de communication) de notre territoire, bien éloigné de Bruxelles ? Quel(s) projet(s), nous concernant directement, êtes-vous prêt à défendre pendant la prochaine législature ?
Alain Lamassoure – C’est pour moi un sujet d’exaspération : loin de nous, l’Europe ? Elle est quasiment dans chacun de nos villages. Non seulement la moitié des ressources de nos agriculteurs proviennent directement des aides de la P.A.C., mais pour la seule région Aquitaine, c’est plus de mille projets d’investissements locaux qui bénéficient chaque année de financements européens. De la Cité mondiale du vin à Bordeaux au réseau d’aides ménagères des vallées du Haut-Béarn, du nouveau moteur expérimental de Turbomeca à Bordes à la laiterie d’Helette dans la montagne navarraise, l’Europe est partout. Y compris dans l’aide à la banque alimentaire et aux restos du cœur. Mais qui le sait ? Qui le dit ? Le jour de l’inauguration, le représentant de l’Etat et les élus locaux se partagent le mérite. À moins que, par extraordinaire, un député européen soit là. Mais chacun de nous est censé représenter un territoire vaste comme la Suède : le risque de la présence d’un élu européen est faible. En attendant, l’Europe, invisible, est le bouc émissaire commode de nos erreurs.
Ce que nous devons attendre de l’Europe, c’est d’abord le financement des grands projets d’infrastructure comme la LGV, les programmes de recherche et d’innovation, les expériences pilotes dans les quartiers défavorisés et dans les zones menacées de désertification. C’est le modèle européen de développement, dans lequel chacun a sa place.

– propos recueillis par Bernard Boutin

crédits photo PPE