Il est plus facile de disserter sur le passé récent que d’envisager l’avenir. Pourtant toutes les leçons ont-elles été tirées de ce premier tour des présidentielles ?
Clairement, les deux partis principaux qui se partageaient le pouvoir depuis des décennies ont subi de lourdes défaites et se trouvent fracturés. Pour les Républicains, qui avaient une voie royale devant eux, c’est la faible estime pour l’attente de probité qui leur a été fatale. La responsabilité n’incombe pas seulement à M. Fillon. Elle est partagée par tous ces barons du parti LR qui se sont laissé impressionner par quelques drapeaux agités sur l’esplanade du Trocadéro et n’ont pas su trouver une solution alternative. Au delà d’eux, c’est la surdité de leurs partisans qui n’ont pas su mesurer l’écœurement de ceux qui travaillent dur pour gagner leur vie face à l’accumulation d’avidité, de mesquineries, de mensonges. Etait-il pensable de porter à la responsabilité de signer des traités internationaux un homme suspecté d’avoir commis des faux ?
A gauche, c’est le refus du compromis, le raidissement dans le sectarisme qui a conduit à la perte. Un ralliement au mieux placé comme celui qu’a effectué François Bayrou eût sans doute permis à la gauche d’être présente au second tour. Certes, les programmes étaient différents, et même opposés sur un certain nombre de points. Mais en rabattre sur les objectifs ne valait-il pas mieux que cette
déconfiture ?
Pour autant, ces deux partis ne sont pas morts, même s’ils sont aujourd’hui profondément déchirés. Si une lourde incertitude plane sur leur avenir, une interrogation plus urgente mobilise les esprits. Les sondages peuvent se trouver démentis par les urnes. Et il reste une gène perceptible chez les personnes interrogées à reconnaître un vote en faveur d’une « patriote » qui nie la responsabilité des collabos dans la rafle du Vel’ d’Hiv et dans la déportation des juifs et à soutenir un parti qui a porté à sa tête (pour trois jours!) un négationniste.
Mais dans les esprits des thèses simplistes restent imprimées ou même se développent. Expulser les étrangers, par une sorte de seconde manche, de revanche de la décolonisation. Au moins expulser les fichés S. Expulsés vers où ? Les plus futés répondront dans les camps où Vladimir Poutine enferme ses terroristes. Il y fait froid et cela serait une dissuasion efficace pour les illuminés assoiffés de sang qui se voient déjà récompensés par 80 vierges dans un paradis. Et si l’on fait voir qu’un tel accord n’est pas réalisable dans le contexte actuel, ils répondent « N’importe où, au Spitzberg ou aux Kerguelen plutôt qu’à Artix ou Pau » pour un tel enfermement. Imaginent-ils le durcissement du communautarisme qu’une telle mesure entraînerait ? Quant à la sortie de l’euro, ont-ils considéré les effets sur l’épargne, l’investissement, l’emploi qu’une telle mesurer ne manquerait pas de créer ?
Il faut reconnaître qu’à l’inverse Emmanuel Macron a un sens aigu des revers de médailles. Peut-être trop aigu. Sa locution favorite n’est-elle pas « En même temps… » ? Bien des couches de la population sont réfractaires à une telle perception. Bien de nos compatriotes qui se disent hostiles à la mondialisation ne sont pas prêts à se détacher de leur usage de Google, Microsoft, Amazon ou Booking. Pourtant, c’est au travers de ces firmes que notre indépendance est menacée, un peu à la manière dont tant de riverains de la Méditerranée étaient asservis aux besoins de Rome dans le monde antique. Aujourd’hui, c’est à travers plus d’harmonisation fiscale en Europe, plus de justice sociale et de stabilité que l’on jugulera le déséquilibre budgétaire de la France, le chômage de masse et par une meilleure répartition des dépenses militaires en Europe que l’on assurera une meilleure sécurité du continent. Ce n’est pas par un alignement sur V. Orban et quelques autres nationalistes que l’on assurera l’avenir de notre pays.
Paul Itaulog