La dimension humaine

imagesÇa y est, c’est décidé de façon définitive et irrévocable, le bâtiment Isabe du quartier Saragosse, va être démoli rasé et bientôt oublié. Les résidents de l’immeuble l’ont appris, délicate attention, par une lettre déposée dans leurs boîtes. De quoi surprendre, susciter de l’émoi. Alors aussi honorable, judicieuse, pleine de bon sens que soit la décision elle aurait sans doute dû être annoncée autrement.

Comprenons-nous bien, il ne s’agit pas ici de critiquer les objectifs poursuivis par l’ANRU (Agence Nationale de Rénovation Urbaine), d’en discuter le bien fondé, de nier l’opportunité qui s’offre au quartier d’améliorer les conditions de vie de ses habitants, non ! Il ne s’agit pas non plus de reprocher à la municipalité d’avoir fait ce choix et de dire que ce projet n’a pas été réfléchi et discuté non ! Il s’agit de se mettre à la place des résidents de cet immeuble à qui, tout d’un coup, on dit : vous devez quitter votre logement.

Parmi eux il existe des personnes seules qui vivent dans un appartement de type cinq pièces, bien plus grand que les règles ne l’admettent, des gens aux revenus modestes comme on en rencontre beaucoup dans les HLM. Certes tout cela est vrai mais pour eux ce logement a une histoire, l’histoire de leur vie avec des murs encore tout imprégnés de leur vécu, de leurs réussites, de leurs échecs, de leurs joies, de leurs peines, de leurs enfants maintenant partis et de tant de choses qui touchent à l’affect.

Changer de domicile, déménager, ne se fait pas aussi simplement. Souvent il s’agit d’une rupture et pour certains d’une sorte de traumatisme. Alors il n’y a rien d’étonnant à ce qu’à l’annonce de cette prochaine démolition, les phylactères* de chacun se soient remplis de nombreux points d’interrogation. Parce il en existe des questions : quand cela va-t-il se faire ? Où vais-je aller ? Le loyer sera-t-il plus élevé ? Retrouverai-je mes voisins avec qui je sympathisais ? Pourrai-je loger mes meubles ? La perspective d’un logement plus moderne, plus confortable, n’estompe pas ces incertitudes.

Ainsi leur dire que leurs nouvelles habitations répondront à des critères actuels, que l’ANRU a entre autres pour objet de « dé-densifier » le quartier, que la ville aidera à déménager, ne dissipe pas l’inquiétude. Il semble que la démarche, en cette circonstance ait été faite un peu précipitamment. Et si au lieu de commencer par leur adresser une lettre impersonnelle on avait réuni tous ces habitants, qu’on leur avait expliqué qu’un projet était en train de naître, qu’aucune décision n’était encore prise et qu’on se tournait vers eux pour les écouter et en discuter avant de décider.

Même si cette façon de faire eût eu un côté un peu hypocrite elle aurait sans doute donné le sentiment d’une considération envers ceux à qui maintenant on impose un départ. Cela aurait ressemblé à de la concertation.

Pau, le 28 septembre 2016
par Joël Braud

* phylactère : bulle dans les bande dessinées (entre autres).

Quartiers sensibles : Pour une « ANRU » de l’éducation

Capture d’écran 2015-11-26 à 10.34.00La France « découvre » que des générations entières de jeunes, issus des quartiers sensibles, sont en totale marginalité de notre société.

Les parents, assez fréquemment, n’y contrôlent pas leurs enfants et/ou ne sont pas en capacité de les aider à devenir des citoyens français « normaux ». L’Education Nationale envoie, dans les écoles et collèges des Réseaux d’Education Prioritaire (REP), souvent de jeunes instituteurs et professeurs sans l’expérience nécessaire pour faire face à des jeunes « compliqués » à gérer.

Face à cette affirmation, basée sur des témoignages entendus à la télévision, il serait intéressant de descendre dans le détail de la composition des enseignants des ZEP : Plutôt des plus jeunes, peu expérimentés ou plutôt des plus âgés, plus expérimentés ? Car de l’expérience dans les ZEP, il en faut ! Plus qu’ailleurs. AltPy a un certain nombre de rédacteurs et commentateurs qui doivent pouvoir apporter des précisions.

Il y a en France, selon le site du gouvernement, 350 REP+ et 739 REP qui représenteraient 19.8% des écoliers, et 20.5% des collégiens scolarisées.

Les moyens, financiers et humains, des Réseaux d’Education Prioritaire sont-ils suffisants ? En tout cas, ce qui a été fait jusqu’à présent semble plutôt être du domaine de l’échec total : 42,1% des jeunes de la tranche des 15 à 24 ans dans les « zones urbaines sensibles » étaient au chômage en 2013 contre 22,6% hors Zus pour la même tranche. Un rapport de 1 à 2. Mieux vaut étudier hors des zones urbaines sensibles et de leurs REP.

A Pau, j’ai eu l’occasion de me pencher, il y a plusieurs années, sur le travail de l’ANRU (Agence Nationale de Rénovation Urbaine) dans le quartier de l’Ousse des Bois. Au fil de interviews et des rencontres, j’avais observé la multiplicité des outils mis en place, dans de nombreux domaines. Les moyens financiers étaient considérables mais à l’arrivée, force est de constater que, si le quartier est maintenant en bien meilleur état que beaucoup de quartiers «normaux » palois, son chômage reste inacceptable. Il tournerait autour de 40% selon Sud Ouest du 17 juin 2015.

Le bâti a été indiscutablement rénové mais le travail sur les hommes n’a pas donné les résultats escomptés malgré la multiplicité de intervenants. Il faut dire que je croisais souvent des personnes jeunes (trop jeunes?), armées du désir de bien faire mais sans l’expérience et le recul des anciens.

A quoi bon des immeubles neufs, un environnement propre si les hommes restent ce qu’ils étaient. Les financements de l’ANRU doivent pouvoir être réorientés. Mieux vaut une tête bien faite qu’un immeuble bien mis.

A Malala, le mot de la fin : « avec des armes vous pouvez tuer des terroristes, avec l’éducation, vous pouvez tuer le terrorisme ».

– par Bernard Boutin

PS : Merci au forum de me corriger, reprendre, contredire etc. En écrivant sur l’éducation, je suis dans un domaine qui n’est pas le mien.