La décentralisation au risque de la métropolisation.

aquitaine Deux citations sont communément empruntées à Charles de Gaulle et à François Mitterrand pour commenter la décentralisation française. Toutes deux ont pour point commun de rappeler la dette historique de la France à l’égard de la centralisation tout en appelant à désormais promouvoir davantage de décentralisation :

Dans son style inimitable, un rien pompeux et chevrotant, en 1968 Charles de Gaulle déclarait : « L’effort multiséculaire qui fut longtemps nécessaire à notre pays pour réaliser et maintenir son unité malgré les divergences des provinces qui lui étaient successivement rattachées, ne s’impose plus désormais. Au contraire, ce sont les activités régionales qui apparaissent comme les ressorts de sa puissance économique de demain » (Charles de Gaulle, 24 mars 1968).

Il est vrai qu’au-delà du discours et du référendum de 69 (une sorte de suicide politique et une année érotique) rien ne sortit de cette volonté, le général était au fond de lui, sans doute, un vrai jacobin.

Dans son style moins limpide François Mitterrand lui répondait : « La France a eu besoin d’un pouvoir fort et centralisé pour se faire, elle a aujourd’hui besoin d’un pouvoir décentralisée pour ne pas se défaire » (François Mitterrand, 15 juillet 1981). Et là il y eut un chemin réel du discours aux actes. Aux termes des lois de 1983 et de 1984, pilotées par Gaston Defferre, la France entrait en décentralisation ….et monsieur Pyc, sans enthousiasme excessif, pour échapper aux métropoles, après avoir renoncé à élever des chèvres ou des lamas voire à une brillante carrière de pisteur secouriste rentrait dans l’administration locale.

S’il y eut des effets pervers à la décentralisation il est très difficile de ne pas y voir un progrès réel pour remédier à « Paris et au désert français » : une modernisation et une revivification du pays et une place beaucoup mieux équilibrée dans la nouvelle frontière du pays soit l’Europe de 12 à l’époque et celles des 28 aujourd’hui. La Province disparaît et les 22 régions apparaissaient. En particulier autour des métropoles d’équilibre imaginées par la DATAR et Olivier Guichard dans les années 60 et 70.

Aujourd’hui, de fait, les régions et leurs capitales ont pris une autonomie certaine et un lustre plus évident par exemple au niveau culturel et économique. Néanmoins la réforme très baroque, voire bâclée, des régions à laquelle nous venons d’assister a, au moins, réussi à ramener ce chiffre à 14 mais au prix de constructions pour le moins déconcertantes :

–        Comme l’Aquitaine étirée en longueur sur sa façade maritime plutôt qu’un grand Sud-ouest autour de Bordeaux et Toulouse des Pyrénées à l’océan, de la Méditerranée à L’Atlantique.

–        Comme l’Auvergne, cette gésine du monde français, cette terre des présidents depuis Vercingétorix jusqu’à François Hollande, rayée de la carte en s’agrégeant au Lyonnais avec lequel elle n’a pas grand-chose à voir. En mariant le faible au for,t on affaiblit le fort sans doper le faible.

–        Comme la Bretagne privée de Nantes et de sa conformation historique par peur ridicule et jacobine de la voir s’échapper de la mère patrie française et faire accession comme une Écosse mélancolique.

Le fond de l’affaire, le dit et, plus encore  le non-dit, est que cette nouvelle avancée s’est faite au profit unique des villes et des nouvelles icônes métropolitaines censées retenir le pays à flot dans le tsunami dévastateur de la mondialisation. Hors des métropoles pas de salut et, comme en Chine on a sacrifié allègrement les campagnes : les provinces définitivement trop reculées, et même les villes de second niveau comme Pau, Bayonne, Blois ou Castres.

Au bout du bout du processus : Une ville mondiale PARIS en concurrence avec Londres et de nouvelles métropoles Lyon, Bordeaux, Marseille, Strasbourg ou Nantes. C’est le nouveau schéma qui s’est imposé au contraire et en opposition aux métropoles d’équilibres d’essence gaullienne et à la décentralisation des années 70 censée répondre au joli slogan « vivre et travailler au pays » à ne pas confondre avec celui, plus contestable, Volem rien foutre al païs.

Au contraire à la notion de réseau de villes sur lesquels sont construits des pays heureusement équilibrés comme l’Allemagne ou l’Italie, qui, il est vrai ont échappé à l’excessive centralisation d’un état millénaire. Des réseaux équilibrés de villes principalement générés par les fleuves dont dispose la France depuis la conquête romaine. Peu importe que, par millions, les cadres et l’ensemble des habitants parisiens fuient et surtout veulent fuir une capitale minée par la pollution, le coût du foncier et les problèmes sécuritaires. Peu importe qu’on vive mieux sans doute à Pau, à Bayonne, à Albi, à Castres qu’à Bordeaux ou à Toulouse. Des métropoles devenues, ou en passe de devenir, millionnaires en population, obèses et en passe accélérée de perdre leur charme provincial et identitaire qui, pourtant, en aucune façon ne mettait en cause leur prospérité et leur attractivité.

La réforme ratée des départements au lieu de les transformer en circonscription des nouvelles régions, comme l’avait imaginé le Petit Nicolas, qui n’avait pas que de mauvaises idées, n’a rien arrangé. Au lieu des les organiser et de les construire autour des intercommunalités, on a gardé le système obsolète et totalement illisible des cantons. Il est vrai que l’intention à peine cachée était d’occire les dits départements fils pourtant de la révolution et du bonapartisme. Le résultat contre la volonté des populations c’est une métropolisation accélérée probablement irréversible des emplois supérieurs administratifs et privés. Chacun voit bien ici en Aquitaine que ses enfants qui ont fait des études si, dans le meilleur des cas, ils ont réussi à échapper à Paris sont condamnés à devenir Bordelais ou Toulousains sans grand espoir de retours avant la retraite. Sauf à élever des chèvres, des lamas ou des oies, dans la montagne pyrénéenne ce que d’ailleurs beaucoup font mais le secteur est moyennement porteur….

Quant au semi-rural (Oloron, Mauléon, Orthez) quels que soient ses atouts en termes culturels d’équilibre et de douceur de vivre, il voit dans cette logique imparable ses hôpitaux partir au mieux à Pau ou à Bayonne mais aussi à Toulouse ou à Bordeaux dans des établissements certes excellents mais gigantesques et déshumanisés qui, certainement, seraient plus heureux et plus efficients dans des conformations moins démesurées. Certes ces petites villes attirent toute une population nouvelle souvent dynamique et imaginative qui prend le mal à la racine en créant, elle-même, des activités productives sources de valeur économique. Mais on peut douter que cela soit suffisant à combler comme à Orthez la fuite d’une maternité et tous les nombreux emplois induits.

Quant au rural profond et souvent sublime (Barcus, Arette, Bedous, Tournay) il n’a souvent même plus les yeux pour pleurer (sans bureau postal, sans supérette, sans collège, sans boîte de nuit) même s’il attire une population parfois argentée souvent venue de nord de l’ Europe souvent âgée qui reprend le bâti et les terrains adjacents. Une population qui se mêle plus ou moins aux Espagnols et aux Portugais, ces latins presque Occitans venus d’outre Pyrénées (tras los montes) et heureusement à la population historique encore très majoritaire autour des très forts marqueurs culturels qu’ils soient, dans les circonstances de l’espèce,  Occitans Basques, Toys ou Béarnais.

Une misère certaine est plus présente dans le cœur des villes (le quartier Carnot à Pau celui de la gare à Bordeaux) que dans les zones ultra périphériques du Béarn non palois ou celui du pays basque intérieur (notamment de la Soule).

Et ici dans nos Pyrénées atlantiques très prospères malgré tout la vision est déformée par rapport aux Pyrénées centrales et orientales : l’Aude, l’Ariège, les Pyrénées orientales  implantées sur un substrat économique beaucoup plus faible et où cette pauvreté nouvelle est plus évidente. Pareil pour toute la Gironde, non bordelaise, où le Front national fait durablement son nid.

S’il n’est pas trop tard reconnaissons et faisons reconnaître que cette métropolisation à marche forcée est une erreur historique, en contradiction et à rebours, avec la décentralisation des années soixante expérimenté en France et en Europe.

Le pire n’est jamais certain contrairement à ce que veulent nous faire croire les libéraux et mondialistes ….qui ne croient qu’aux forces du marché.

 

 

PYC
Oloron le 31/05/2015

Quel avenir pour des régions occitanes ?

Statue de Vercingétorix A l’évidence la réforme territoriale, dans sa dimension régionale, passionne les lecteurs du présent site.
Il s’agit d’une reforme administrative censée engendrer des économies mais également, beaucoup, d’une réforme identitaire. Un de ses risques est de construire, au milieu des provinces, des métropoles d’équilibre obèses au détriment des villes et des bourgs dans lesquels la vie est la plus agréable et dans lesquels beaucoup aspirent à construire leur vie et celle de leurs enfants.

Pour cela monsieur PYC, enfin revenu des jupettes lilas de Garbiñe (et de ses hauts pamplemousses version Caracas) va s’intéresser aux régions du grand sud (du monde occitan si l’on veut) du monde en dessous de la Loire qui est la véritable césure dans la géographie française. Pour dire autrement des provinces purement romaines ou celles la zone non occupée. De l’ancien pays du « taupe 14 » qui, lui aussi, le pauvre, a des velléités de mondialisation métropolisée.

D’une certaine manière le risque, dans les provinces auxquelles nous nous intéressons, est de substituer à Paris et au désert français Bordeaux Toulouse Lyon et Marseille dans un grand désert sudiste.

Explicitement il s’agit de bâtir des régions autour de pôles mondialisés supposés dynamiser leurs hinterlands peuplés de bouseux et de rurbains… qui survivent très difficilement dans leurs villages démondialisés et infra millionnaires… les pauvres gens difficilement arrosés par fesse-boucs et autres twittos.

Partons, à cet effet, du maillage des villes, voire des fleuves et des massifs, en dehors desquelles il est difficile d’imaginer un projet cohérent : on trouve, en première division, Bordeaux, Toulouse Marseille, Clermont-Ferrand et Lyon. Pour filer la métaphore sportive, en seconde division, Montpellier Nice Grenoble et Limoges. En division d’honneur ou en fédérale Pau Castres Perpignan Bayonne et Nîmes… Oloron Mauriac et Mauléon en première série.

Sauf pour Clermont le maillage était déjà valable sous césar et ses successeurs .Comme chacun sait Nice et Marseille les premières villes françaises sont antérieures et on été fondées par les grecs en même temps qu’Agde et Aléria en Corse. Donc construire les nouvelles régions autour de la première liste est tout à fait cohérent. Plus qu’en économie, en géographie humaine le temps dure longtemps.

Supprimer le Languedoc-Roussillon est une évidence. La région est sans queue ni tête tiraillée entre les Pyrénées et le massif central (la grande Auvergne…). N’en déplaise à Georges Frêche (paix à son âme) et à ses successeurs la Septimanie est une aimable plaisanterie, une ultime manie pré-sénile, qui ne faisait rire que lui et la ville est trop proche de Toulouse pour ne pas être absorbée. Quant à Nice elle est trop périphérique et trop focalisée tourisme… avec un avenir éventuel de pont avec toutes les Italies.

Le cas Auvergnat :

Pour nous, en mettant de coté le cas particulièrement épineux du haut-Béarn à rattacher, ou non, à la Soule méridionale, l’option de régions agrandies autour de Bordeaux Toulouse et Marseille peut s’entendre avec des Alpes autour de Lyon qui pourraient annexer, pourquoi pas, le Jura voire la Bourgogne.

Mais supprimer l’Auvergne et l’annexer à Lyon nous paraît une hérésie qui ne fortifiera pas le monde alpin et qui affaiblira et humiliera l’Auvergne. De fait l’Auvergne, la patrie de Vercingétorix d Alexandre Vialatte de Bibendum et de Raymond Poulidor est, tout à la fois, la matrice des pays français et celle du monde occitan. Un château d’eau, une réserve montagneuse, un imaginaire qui ancre dans le granit les provinces autour d’elle. Au nord elle enfante et elle tangente le plus important des fleuves français la Loire ; au sud elle lance ses pseudopodes vers la méditerranée au travers des Cévennes et de la  Montagne noire.

A cet effet,  elle (la susdite Auvergne) pourrait être le prototype des régions équilibrées vers lesquelles va notre préférence soit un réseau de villes puissantes gravitant effectivement autour d’une capitale qui porterait (ou, mieux, aurait été une fonction de tête de réseau) un certain nombre (mais pas toutes)  d’institutions administratives culturelles et universitaires sans, pour cela, aspirer dans des banlieues indéfiniment repoussées des population mal dans leur peau et définitivement mondialisées…

Pour cela l’Auvergne avec son complément évident, le Limousin (ci-devant chiraquien et hollandais mais fort peu poitevin), s’appuierait sur Clermont mais aussi Saint-Étienne et son pôle industriel, mais aussi Limoges bien situé sur l’axe nord-sud (Paris Toulouse Barcelone) et, dans un second temps, sur des villes plus modestes comme Aurillac Brive ou Vichy.

Certes ce ne serait pas la Californie la Lombardie ou la Bavière mais une région solidement posée sur ses assises et bien dans sa tête participant heureusement aux équilibres des mondes occitans français et européens.

Et là éventuellement un pont entre Toulouse et Lyon.

Un pays un Etat-continent ne se constitue pas de régions qui, toutes, veulent être plus grosses que le bœuf mais de régions dissemblables et complémentaires un peu sur le modèle italien ou allemand avec un profond surmoi culturel qui fait le lien au travers du temps.

Pensons enfin et surtout que les régions sont également les unités administratives au niveau européen et que, là aussi, au niveau de la visibilité, la cohérence culturelle et la logique géographique sont forcément des atouts.

 – par Pierre Yves Couderc
Oloron le 06/07/2014.