Connaissez-vous le Lanot du Castet ?
C’est du Béarnais et cela signifie « La lande du château ». Situé à Lons il s’étend sur une cinquantaine d’hectares d’un seul tenant, entre le quartier du Tonkin, le chemin des Vignes et l’avenue Santona. On peut y accéder par la passerelle du Bois d’amour à Billère ; par la voie nord–sud qui relie la route de Bayonne à la médiathèque de Lons ; ou encore par le chemin des Vignes ou par le chemin Baraqué à Lons.
Magnifique lieu où la nature s’épanouit dans une mosaïque de biotopes par endroits ensauvagés, il se compose de bois de feuillus et d’un sous-bois des plus intéressants, de prairies fleuries, de champs, d’une rivière, de coteaux, d’une saulaie sauvage, de talus et de fossés.
Un peu d’histoire : le Lanot du Castet fut pendant l’Ancien Régime une réserve du château des Seigneurs de Lons. A la fois jardin potager et fruitier, céréalier et jardin des plantes médicinales, ce quartier de Lons figure dans l’inventaire des biens du château L’oustau de Lons fait par le Marquis de Mirepeix le 24 juillet 1717.
Sous l’Ancien Régime les Lonsois étaient affligés par des épidémies, des épizooties, des parasitoses des végétaux d’une part et d’autre part des canicules, des inondations et des hivers rigoureux qui rendaient la vie difficile par l’absence d’hygiène. C’est pourquoi les Seigneurs de Lons avaient consacré les produits du Lanot du Castet à compenser les aléas climatiques et autres catastrophes agricoles, et donc à subvenir aux besoins de la population. Ils avaient pour cela consacré des greniers, des granges, des fenils et des caves, alimentées par les produit du chemin des Vignes.
Voilà pourquoi les Lonsois, en dépit des réformes révolutionnaires, ont toujours préservé le précieux Lanot du Castet, et ont perpétué son nom jusqu’à nos jours (voir le livre « Si Lons m’était conté. » de Philippe Dubourg).
Mais aujourd’hui ? A l’époque où notre société consumériste exproprie les espèces et les espaces, qu’ils soient naturels ou agricoles, un tel lieu en zone urbanisée se révèle être des plus précieux par son intérêt social, et son intérêt écologique.
Social :
« Les antibiotiques ce n’est pas automatique ! »* Et si les forêts aidaient à combler le trou de la sécurité sociale ? Il est scientifiquement prouvé que les lieux arborés et prairiaux, de proximité et particulièrement en agglomération, jouent un rôle positif sur la santé, particulièrement sur le mental.
– les personnes âgées n’ont pas toujours le moyen d’aller en montagne ou à l’océan, ni même dans les coteaux, c’est ici un espace de nature en ville pour elles, et c’est un site de découverte, d’émerveillement et de jeu pour les enfants du centre de loisirs Le jardin de Toni, situé à proximité.
– le Lanot du Castet est un endroit où se pratique des activités de détente et d’entretien (marche, course, vélo). Il constitue une liaison douce pour les cycladins et les marcheurs entre les villes de Lescar, Billère, Lons et Pau,
– c’est un lieu de relaxation, de contemplation, de médiation et de paix.
– c’est aussi un lieu aux multiples ressources. Des balades contés y ont été organisées, des animateurs et des éducateurs y trouvent matière à éveiller les curiosités, les croqueurs au crayon y soumettent leur talent, et parmi les amoureux des mots, les uns y lisent au calme et les autres y puisent l’inspiration pour écrire.
– c’est enfin un lieu où subsistent les dernières terres arables de Lons. Entre 1960 et 2010, la surface agricole utile sur le territoire français a diminué de 25%. Actuellement, la France perd en moyenne 82 000 hectares de terres agricoles chaque année. Quand on sait qu’il suffirait de deux années consécutives de mauvaise récolte dans le pays pour que s’épuisent nos réserves alimentaires, on comprend aisément l’importance de prendre soin des terres cultivables.
Rappelons-nous ce qu’aimait à répéter le ministre Sully à son ami le roi Henry IV « Labourage et pâturage sont les deux mamelles de la France ».
Écologique :
« Avant que nature meure ! »* Et si nous nous considérions une bonne fois pour toutes que nous sommes partie intégrante de cette nature maltraité ? Nul besoin de la science cette fois pour s’en convaincre, un peu de bon sens suffit.
– le Lanot du Castet est un lieu d’étude pour les naturalistes Palois, qui confirment la richesse des espèces florale et animale, dont certaines sont protégées, tels : le scarabée pique prune, un insecte capable de bloquer un projet autoroutier ; la couleuvre verte et jaune, le triton palmé, la salamandre tachetée, le crapaud accoucheur, le crapaud commun, le pic noir, le faucon hobereau, le hibou petit duc, et plus de trente espèces différentes de passereaux.
– il s’avère être un site de reproduction et une étape migratoire pour de nombreux oiseaux : huppe fasciée, loriot d’Europe, milan noir…
– la présence de vieux arbres permet l’accueil de 4 espèces de pics (vert, noir, épeiche et épeichette), 5 espèces de mésanges (nonnette, charbonnières, bleue, noire, longue queue), de la sittelle torchepot, du grimpereau, de la chouette hulotte, de l’étourneau, de trois couples de milans noirs, d’au moins un couple d’éperviers, d’écureuils, et de nombreux insectes et chiroptères (chauve-souris).
Il a été recensé en ce lieu, en moyenne par hectare, 8 arbres feuillus de plus de 70 cm de diamètre, et même pour certains d’entre eux, 90 cm de diamètre. Des arbres séculaires d’un intérêt premier.
Le ru Lacabette qui coule en fond de vallon est intéressant avec ses mousses, fougères, champignons, gammares, phryganes, tritons, grenouilles… Son approche est en tout point remarquable pour qui veut l’atteindre. Ici il faut enjamber un arbre tombé mais encore utile, là il faut s’accrocher à quelques racines pour ne pas glisser, un peu plus bas vous serez surpris par la luxuriance végétale qui vous fera oublier la proximité de la ville. Qui à l’âme poète ou l’imagination fertile croira arpenter une gorge sauvage des Pyrénées. Une fois la berge atteinte, le cours d’eau s’écoule paisiblement, par endroits sourd de la roche calcaire une eau claire et chantante.
La saulaie accueille de nombreux petits passereaux et est un lieu de repos pour les chevreuils.
Un couple de renard et un autre de blaireaux tentent de survivre en ce lieu qui pourrait tout à fait leur correspondre, pour peu qu’homos sapiens cessent de déverser des ordures à l’entrée des terriers ou d’y faire des feux de camp. Toutefois, ces mammifères fort intelligents font de la résistance. Mes avis qu’ils attendent désespérément qu’on leur attribue quelques zones de quiétude, en déviant le chemin fréquenté par les vététistes, les joggeurs, les chiens en promenades et les noctambules faiseurs de bruits.
Les prairies abondantes en fleurs, revitalisent les populations d’abeilles et de papillons indispensables à la fructification.
Le patrimoine sauvage du Lanot à besoin de cette mosaïque paysagère. Du chemin au ru, du sous-bois au houppier, du talus au fossé, du pré au champ, de la friche à l’arbre, tous sont indispensables et indissociables. Ils ont pour rôle d’être des zones tampon, des espaces refuge, des cantines, des maternités. La nature aussi souffre de la crise du logement et commence à manquer de ressources alimentaires.
Et demain ?
Demain, c’est à dire sans tarder, le Lanot du Castet doit devenir un modèle de nature et d’agriculture en zone urbaine.
Les idées ne manquent pas :
Un circuit pédestre et cyclable, balisé, d’environ 10 km pourrait se faire en boucle par Billère (secteur Lacaou), Lons (Lanot, bois de Lons, coulée verte Paris-Madrid) et Lescar (Lac des carolins).
Des zones de quiétude pour la faune pourraient y être mises en protection. Des panneaux d’information sur la faune et la flore présente, ainsi que des postes d’observation pourraient être aménagés.
Des associations pourraient y proposer des sorties pédagogiques informatives et citoyennes.
Le Lanot du Castet a été répertorié par le service environnement de la communauté d’agglomération paloise comme un site des plus favorables pour accueillir la Trame Verte, Bleue, Noire (végétale, aquatique et nocturne). Le maintien de l’agriculture et la trame Verte, Bleue et Noire valoriseraient la commune comme l’agglomération dans son ensemble.
L’urbanisation, même partielle, du Lanot du Castet, serait un manque pour le bien-être des riverains et des personnes qui s’oxygènent en ce lieu. Elle signerait la disparition de nombreuses espèces car le site subirait un trop profond aménagement (des rues, trottoirs, lampadaires, bâtiments, une viabilisation inévitable…). Les conséquences seraient : la disparition de végétaux et la disparition de zones de nourriture pour la faune, un surcroît de bruit, une pollution lumineuse dérangeante, des coupes d’arbres remarquables et un piétinement excessif du sous-bois. Il entraînerait la fin des terres agricoles à Lons.
Il existe un blog sur le Lanot du Castet : lanot de castet.canalblog.com mais la meilleure manière de le connaître et d’aller à sa rencontre.
Bonne promenade.
– par Michel CHALVET
Bonus : une pétition pour protéger le Lanot est en ligne sur mesopinion.com
* « Les antibiotiques ce n’est pas automatique » était le slogan d’une campagne publicitaire contre la prise systématique d’antibiotiques.
* « Avant que nature meure » est un essai de Jean Dorst, publié en 1965 aux éditions Delachaux et Niestlé. Cet ouvrage est reconnu pour être l’une des premières analyses vivantes et prémonitoires de la crise d’érosion de la biodiversité, aujourd’hui avérée.