Nous traversons en ce moment une période de turbulences sociales ; elles furent nombreuses au cours de notre histoire, mais, actuellement, elles se situent dans un monde en révolution économique, ce qui change beaucoup de choses.
Les oppositions en présence résultent de l’affrontement de deux idéologies qui s’enracinent dans le passé.
+L’une s’est développée dans l’Europe des Lumières en réaction à l’absolutisme d’un souverain. C’est le libéralisme. Pour wikipedia :
«Le libéralisme repose sur l’idée que chaque être humain possède des droits fondamentaux naturels précédant toute association et qu’aucun pouvoir n’a le droit de violer. En conséquence, les libéraux veulent limiter les obligations sociales imposées par le pouvoir et plus généralement le système social, telles que la morale, au profit du libre choix et de l’intérêt de chaque individu indépendamment des autres».
+L’autre, difficilement réductible à un nom, du fait de ses nombreuses variantes, appelons-le «le socialisme» au sens large, est né dans le contexte de la révolution industrielle. Wikipedia nous propose :
«Le socialisme désigne un ensemble de revendications et d’idées visant à améliorer le sort des ouvriers, et plus largement de la population, via le remplacement du capitalisme par une société supposée plus juste.»
Pour cela il faut un état fort qui gère les moyens de production, les biens communs, ceux qui servent à tous et ne doivent pas être la propriété d’un petit nombre. Les richesses produites par tous sont partagées.
Si fondamentalement, l’idée est généreuse, et disons-le, vraiment humaniste, les expériences vécues ont montré que l’application pratique, comme dans le christianisme ou les autres religions, a été un fiaso dès l’instant ou la prise en main était réalisée par un ou quelques individus instaurant finalement un dirigisme.
Finalement, ces deux convictions sont nées à chaque fois d’une opposition à un système de pensée et d’actions de plus en plus contestées.
Ne serions-nous pas à l’aube d’une nouvelle idéologie ?
Actuellement, et depuis bien des années, le libéralisme a le vent en poupe et grignote progressivement les acquis de nombreuses et dures années de luttes pour le maintien d’un service public au service de tous. On considère que la réussite économique, financière, politique, familiale, sociale de quelques individu (entreprise privée) permet d’entraîner les autres vers le haut(1er de cordée).
Est-ce vraiment aussi merveilleux que cela ?
+ Biologiquement parlant, cela ne tient pas la route. L’espèce humaine n’est pas une espèce individuelle mais sociale où chaque individu, au sein d’un écosystème, ne peut pas vivre sans les autres avec lesquels il a des relations et interactions capitales pour la survie de tous. Non, l’être humain ne possède pas de droits fondamentaux naturels précédant toute association et qu’aucun pouvoir n’a le droit de violer, il est lui-même une association écosystémique.
+ Culturellement des exemples mettent en valeur «la réussite» du privé libéral :
++L’épanouissement des fondamentaux :
=Affaiblissement de l’État. Toujours trop dépensier par définition, il faut supprimer des emplois et réduire les impôts.
=Passer sans scrupules au-dessus de la morale en réduisant la protection sociale trop dépensière.., «Les infirmières, aides soignantes et ces milliers de femmes qui tiennent à bout de bras dans les Ehpads les personnes âgées dépendantes….sont emblématiques de ce qu’il faut bien appeler une pathologie de la rentabilité» J-Cl Guillebaud, Sud Ouest.
= Par contre, on demande à l’état de donner de plus en plus d’aides aux entreprises.
= Ne pas mettre d’entraves à la liberté d’entreprendre et ne pas se soucier des conséquences.
Plus concrètement :
++ Dans beaucoup de commerces spécialisés où la technologie est primordiale, la compétence du personnel, pour peu qu’il y en ait, se limite à remplir l’ordinateur et sortir contrats et factures; l’embauche d’un personnel qualifié est trop coûteuse et non rentable. Ne parlons pas du dépannage, il faut envoyer l’appareil à un centre souvent éloigné ; cela se termine le plus souvent par un nouvel achat: modèle épuisé.
Vraiment le privé, c’est le top !
++ Des «trains» de camions diesel de toutes origines, sur les autoroutes et plus grave, sur les routes secondaires (pour éviter les péages), sont un danger pour la circulation en général mais surtout au niveau des petites communes dont la sécurité n’est absolument plus assurée, sauf la pollution, pour les administrés; qui paye l’usure rapide des routes ? Les transports sur des milliers de kms sont épuisants pour les conducteurs qui sont exploités par des entreprises ne visant que la rentabilité.
++Une des performances les plus spectaculaires des entreprises privées est la production de déchets dont la prise en charge revient le plus souvent au contribuable. Le pollueur n’est jamais le payeur !
Cette accumulation des déchets encombrants est la cause d’apparition de la vermine, de polluants nocifs pour la santé. L’utilisation des incinérateurs pour se débarrasser des produits organiques est redoutable : pollution en gaz de l’atmosphère, métaux lourds dispersés après dans le sol….La création incessante de nouveaux produits «comestibles» par des marques en compétition, entassés par rayons entiers, à durée limitée de conservation, sont finalement jetés provoquant un gaspillage immoral.
Des produits électroniques, informatiques, numériques, toujours nouveaux, à vie brève, obsolescence ou pas, sont jetés sans possibilité ou intérêt de réparation ; ils sont envoyés en Afrique pour finir sur des décharges mortelles pour les autochtones.
++ L’épuisement des ressources minérales. la surexploitation des ressources halieutiques, l’acidification de la mer, la dispersion des plastiques…..Le réchauffement climatique… Une vraie réussite !
++ L’agriculture et l’élevage industriels ruinent les petits paysans et empoisonnent les consommateurs par l’emploi des produits chimiques de synthèse : engrais, herbicides, pesticides, médicaments vétérinaires. Les espèces utiles à l’agriculture disparaissent, les parasites se multiplient du fait de la monoculture. Les oiseaux se raréfient, les insectes pollinisateurs sont en péril, donc nos récoltes…C’est l’effondrement de la biodiversité, il coûtera très cher !
L’érosion des sols peu organiques, par la pluie, est de l’ordre de 20% du territoire d’après D.Arrouays de l’Inra, l’artificialisation (urbanisation et bétonnisation) menace les sols ; il en est de même de la baisse de la teneur en carbone donc la hausse de la minéralisation, la contamination par des métaux lourds ou des POP (polluants organiques persistants) ; la raréfaction des vers de terre n’est pas une plaisanterie !
++C’est le culte du toujours plus de rentabilité; pour les inégalités, la pauvreté, les sans abris, c’est une réussite, les chômeurs en fin de droit font diminuer le chômage, la création d’emplois de contractuels ou de CDD très courts, aussi.
++Le développement, du fait d’une alimentation dangereuse ou déséquilibrée (trop de viande, perturbateurs, conservateurs, enrichissement en sucre…), de maladies redoutables comme les cancers, les dérèglements du développement (puberté précoce, baisse de la spermatogénèse) l’obésité, le diabète…
++Par ailleurs, la justice, la police….sont à bout de souffle, les SDF meurent sur les trottoirs…Les urgences des hôpitaux explosent :«Le 20 mars le compteur du Samu de France sur Internet affichait 19039 malades restés en rade sur des brancards en deux mois… 2000 toubibs hospitaliers ont alerté le ministre… Pendant ce temps, la fermeture des lits, comme les économies, continuent. A Paris, l’assistance publique avait prévu de supprimer 180 postes et une centaine de CDD, finalement ce sera beaucoup plus…» Canard du 21/03. Sur la tombe on écrira :
Mort pour cause de rentabilité.
++Toujours dans le Canard, la GVG, l’une des plus grosses maison de négoce de Bordeaux (55 millions de chiffres d’affaires) transformait 2000 hl de vin ordinaire en vins de Bordeaux millésimés ou dotés d’appellation. 850000 bouteilles de vins prestigieux auraient auraient été étiquetées Saint Estephe, Saint Emilion…
Or, le patron de GVG est aussi le Président du conseil des grands crus classés en 1855 ; une organisation chargée de veiller à la protection du classement et des éventuels détournements de la marque !
Sud Ouest en rajoute en annonçant une autre grosse affaire de fraude. Un négociant libournais vendait, à leur insu, du vin du Languedoc en vrac, à de grandes maisons de Bordeaux dont GVG. ; il était transformé en AOC bordelais donnant du faux Pomerol, Saint-Julien ou Margaux. Évoquons, sans plus, les scandales passés.
Peu importe, pourvu qu’on ait l’ivresse…. du profit !
++L’empreinte écologique génère une dette environnementale colossale ; ce sont nos descendants qui la paieront d’une manière ou d’une autre.
Non, les médecins hospitaliers, les enseignants, les infirmières, les policiers, les gendarmes, les pompiers, les juges, les cheminots… n’ont rien à voir avec ces résultats et cette dette là !
Ils sont tout au plus des utilisateurs obligés.
Non, je ne mélange pas tout, ces faits, non exhaustifs, loin de là, ont un dénominateur commun, la course infernale à la production, consommation; la moindre régulation, ou contrôle, est considérée comme une entrave aux profits, comme, par exemple, le respect du personnel et des consommateurs.
Non ce ne serait pas revenir à l’âge de pierre, ce n’est pas sérieux, c’est caricatural et moqueur; la caractéristique du genre humain est la soif de connaissance et de progrès, cela continuera avec toujours deux choix possibles :
= progrès et enrichissement pour certains, miettes ou prélèvements pour les autres.
=partage et progrès pour tous.
La dette est «abyssale», les profits «abyssaux» .
Le gouvernement souhaite une cohésion entre les Français, donc pas de problème !
Le culte de la personnalité, du héro, à l’américaine et à la soviétique de jadis, très en vogue, ne convient pas; dans une compétition, ce n’est pas l’individu le plus fort ou le plus intelligent qui gagne mais l’équipe la plus soudée.
Les deux idéologies vont dans le mur, une troisième voie est à ouvrir en :
++Laissant du temps au temps, en combattant l’immédiateté.
C’est suivre les principes de prévention et de précaution ; savoir attendre, avant de lancer une nouvelle molécule ou idée, les résultats d’un contrôle indépendant et d’une réflexion sur les retombées environnementales lato sensu possibles ; c’est aussi contrôler a posteriori (personnel suffisant) le respect des directives exigées.
++Réfléchissant avant d’agir, c’est admettre que les relations actuelles, dans tous les domaines, sont mondialisées, globalisées, interactives et interdépendantes ; le raisonnement linéaire : extraction, production, consommation, rejet, est la théorie simpliste du passé. C’est un contresens de vouloir continuer à traiter les problèmes séparément ; l’éclatement (analyse) fait perdre le sens, elle détruit les relations, celles qui permettent de rééquilibrer les déficits d’un côté par les bénéfices de l’autre (SNCF). L’avenir est dans la synthèse, seule porteuse de sens, donc la globalisation.
De plus, la dynamique n’est pas linéaire mais circulaire.
«La pensée cartésienne, analytique, linéaire, séquentielle et proportionnelle, partagée par tant de décideurs politiques et industriels, appartient à l’ancien paradigme…. Les sciences de la complexité…. permettront de construire notre avenir sur la base d’une vision globale et à long terme de l’évolution des systèmes complexes (économiques, écologiques, industriels et politiques) dont nous faisons partie.» Joël de Rosnay.
Beaucoup ont intérêt à gérer l’obscurantisme !
Si rien ne change ne soyons pas surpris que «l’Intendance ne suive pas !»
Le socialisme a vécu, le libéralisme subit une bifurcation idéologique de type libéralisme « augmenté », le culte du numérique, de l’I.A, en vue, l’intelligence augmentée. Sous-jacent, l’intelligence humaine, trop lente, trop contestatrice, trop dépensière, trop sociale, trop émotionnelle, trop empathique…doit être remplacée par une intelligence artificielle au service : de quelques uns, des automatismes, des robots, des machines sans chair, ni émotions et sentiments mais obéissant aux ordres donnés, sans discuter, sans faire grève…, mais rentables !!! L’intelligence augmentée, entre autres, mettra en péril la cohésion sociale et générationnelle, que deviendra le sous-citoyen ?
C’est la fin de la démocratie, place à l’universalité concurrentielle des marchés.
Qui donnera les orientations, les valeurs à défendre, les ordres ?
Le meilleur et le pire seront en présence, le 0 et le 1 toujours sous l’influence dominante; Stephen Hawking et bien d’autres, se sont élevés sur les risques éthiques et sociaux de l’IA, allant jusqu’à prévoir la fin de l’humanité ! Pourtant, si la raison humaniste l’emportait sur la passion du profit, on pourrait tenir compte des expériences du passé et profiter des possibilités extraordinaires du présent.
En prenant soin de préserver l’intelligence et en se méfiant de l’artificiel.
Signé Georges Vallet
crédit photo: h2mw.eu