Je l’aime bien mon Boulevard des Pyrénées. Tellement emblématique de ma ville que je n’hésiterai pas à emprunter un pont aux ânes plutôt que le Pont Oskar, pour le décréter tout net : c’est notre Promenade des Anglais ou notre Croisette à nous. Avec vue imprenable sur nos Pyrénées quand il va pleuvoir et sur les coteaux quand il fait beau. A condition bien sûr de s’y promener en voiture, car à pied, la vue sur les plages du Sernam est certes moins appétissante. Et à condition aussi que les palmiers rabotés au ras du trottoir ne viennent pas obstruer la vue magique qui s’offre à nous quand toutes les conditions sont réunies. Pas tous les jours et c’est justement ce qui fait son charme, à notre Boulevard.
Mais en lisant ici ou là telle ou telle déclaration, tel anathème anti-bagnole ou pro-cycliste, tel projet de concertation visant à l’amélioration de la fréquentation du centre-ville ou quelque ballon d’essai émis prudemment par notre bon Maire béarnais à tous , je le sens en danger mon vieux Boulevard. Un peu coincé et incapable de se défendre, il serait condamné soit à l’amputation, soit à la piétonisation, soit à la mise en sens unique, mais il n’échapperait pas à notre sort commun : vieux et cabossé, il faudrait tout faire pour le soigner afin qu’il meure guéri après avoir été ou amputé ou lourdement opéré.
Mais qu’est ce qu’un boulevard ? Wikipedia, généralement pas si mal informé nous dit : « Le mot boulevard dans son sens premier militaire désigne, dans la fortification d’une ville, un ouvrage de protection avancé construit en madriers et en terre. Avec la transformation de la fortification, le mot va désigner un ouvrage, souvent maçonné, ajouté en avant d’une fortification plus ancienne et destiné à porter de l’artillerie. Un boulevard a le même rôle qu’un «bastion» ou un «rempart». »
A l’origine, un boulevard est donc construit à l’extérieur des fortifications d’une ville et permet de la contourner. A ce point de vue notre Boulevard mérite son nom, comme il mérite aussi d’ailleurs son Wiki *, qui nous rappelle que des décennies de palabres furent nécessaires pour que les Palois se décident enfin à ouvrir sous l’égide du Maire Henri Faisans dans les toutes dernières années du 19ème siècle, cette belle perspective Hausmanienne que nous devons justement à un des collaborateurs du Baron, Jean-Charles Alphand, désireux d’attirer nos hôtes anglais comme ce fut le cas à Nice, grâce à une belle promenade aérée.
Et pourquoi Diable faudrait-il « déboulevarder » notre Boulevard en le fermant à la fonction principale pour laquelle il a été construit, contourner facilement et au plus près, notre centre-ville déjà suffisamment cadenassé ?
Est-il trop fréquenté ? C’est une plaisanterie, le boulevard n’est pas un véritable axe de passage. C’est un moyen d’accéder facilement à la vieille ville ( comiquement appelée Cor Historic par une association de chasseurs à courre sans doute, à moins qu’il ne s’agisse de vieux podologues occitans ? ) pour les habitants de l’ Est palois. D’y déposer ou d’y reprendre facilement quelqu’un au passage ou même de s’y garer, généralement sans difficulté. Avec une soixantaine de places disponibles et faciles d’accès , moyennant petit ticket ou grosse amende.
La circulation est-elle une gêne pour les piétons ? Mais de quels piétons parlons-nous en semaine ? Ils sont fort peu nombreux et rien n’empêche de réserver la totalité du passage aux patins à roulettes le dimanche après-midi. Très bien, la promenade du dimanche après-midi.
Les voitures vont-elles trop vite ? Je ne connais pas le taux d’accidentologie du Boulevard , mais il ne me parait pas être particulièrement important, même s’il faut bien constater de temps à autre les excès de quelque conducteur ou motard décérébré. Mais une limitation à 30 km/h devrait y être facilement contrôlable. Même si c’est moins rentable que de coller un radar tronçon sur la rocade..
Bref, si ni la fréquentation piétonnière, ni les embarras automobiles, ni la pollution sur un axe particulièrement aéré ne justifient qu’on enlève au Boulevard son caractère si pratique et sa facilité d’accès, quelle raison pourrait donc justifier de nouveaux aménagements piétonniers, la perte de précieuses places de parking et des complications pour les riverains ? Et pourquoi faudrait-il risquer d’y voir les voitures y rouler plus vite s’il était mis en sens unique ? Ah si, la circulation pourrait être dangereuse pour les terrasses de nos célèbres établissements à Licence IV qui empiètent désormais sur une bonne moitié de la surface du boulevard, au moins pour sa partie occidentale. Il faudrait donc que notre Boulevard soit dénaturé au profit des Centres de lutte contre la soif ? Est-ce sérieux ? Si oui, qu’on nous le dise !
Moi, mon Boulevard, je veux le conserver comme il est. Je veux pouvoir y amener rapidement des amis de passage, pour leur montrer Pau et leur donner envie d’y revenir. Je veux pouvoir y déposer quelqu’un pour une course ou y passer pour aller m’y garer ou accéder au Parking Aragon, sans embouteillages. Je veux même de temps en temps m’offrir mon petit détour favori par la Place Gramont puis la Place Royale pour me sentir un peu Palois. Je veux continuer à m’y promener en vélo sans avoir , en fonction de l’horaire, à enjamber des trottinettes ou à devoir zigzaguer pour éviter tel ou tel rassemblement interlope de punks à chiens ou autres zigottos qui sont à la rue piétonnière ce que le moustique est au lampadaire.
Les contraintes géographiques de notre ville ont rendu sa traversée centrale est-ouest difficile. Nos anciens ont eu la sagesse d’y pallier grâce à cette œuvre architecturale originale dont Pau peut s’enorgueillir sans cependant avoir l’outrecuidance d’ espérer pour elle, je ne sais quelle reconnaissance officielle par l’ Unesco, avec son cortège d’obligations bureaucratiques et artificielles dont nous n’avons que faire.
Et s’il fallait vous convaincre, je vous propose de vous y promener par un jour ordinaire de juin 2014.
https://www.google.fr/maps/@43.2940196,-0.3636926,3a,75y,267.22h,90.82t/data=!3m4!1e1!3m2!1sueY7yJnfqreTOY3nIIZjfw!2e0
(cliquer directement sur le boulevard pour y avancer)
Ou si vous n’êtes pas convaincu de son caractère paisible et immuable, vous pouvez aussi remonter le temps et revenir l’arpenter en tous sens en avril 2008, plus jeune et plus alerte
https://www.google.fr/maps/@43.2940167,-0.3637122,3a,75y,267.22h,90.82t/data=!3m5!1e1!3m3!1sw75r7aOmICG52uMl1XSPpw!2e0!5s2008-04
La Croisette certes, mais sans les encombrements et avec aussi peu de piétons que de voitures. C’est même pour ça qu’on l’aime. Alors n’y touchons pas ou occupons nous d’abord de la « vue sur la plage »…
Le Boulevard des Pyrénées sur Wikipedia http://fr.wikipedia.org/wiki/Boulevard_des_Pyr%C3%A9n%C3%A9es#Histoire.5B1.5D