J 32 – Passage de la Brèche de Roland

Le cirque de Gavarnie
Le cirque de Gavarnie

Après avoir fait la queue pour le petit déjeuner, la cuadrilla quitte le refuge de Goriz sans regret. Une usine, ce refuge ! Un très beau lever du soleil sur le Mont Perdu (3355) et un univers minéral au col de Millares, le font vite oublier. Asmosphère Atlas pour démarrer la journée.

Au col, spectacle inédit : 4 izards tournent en rond dans le sens des aiguilles d’une montre, chacun de son côté, en léchant le sol fait de gravillons fins pour se nourrir de sel. Ils dessinent des cercles presque parfaits. De temps à autre, les izards changent de cercle et passent à celui du voisin !!! Un beau spectacle, vu de trop loin pour faire des photos précises. Dommage.

Etape suivante : passer au-dessus du col du Descargador. La fausse brèche et le Taillon (3144) apparaisent à l’horizon. Le cirque de Gavarnie n’est plus loin. La trace tourne en direction du nord-ouest et, très vite, c’est la Brèche de Roland qui montre la voie.

La pente, plutôt raide, est enneigée aux environs de la célèbre grotte gelée Norbert Casteret. Toute l’équipe met les crampons à neige. Une glissade serait fatale. Passé le « Pas des Izards », la Brèche de Roland est atteinte. Une surprise attend la cuadrilla. Elle est classique : une mer de nuages recouvre la vallée au-dessus de Gavarnie. Comme si souvent: ciel dégagé au sud, couvert au nord de la chaîne !

Wikipedia raconte que « selon la légende, la Brèche fut ouverte par Roland, le neveu de Charlemagne, alors qu’il tentait de détruire son épée Durandal en la frappant contre la roche à l’issue de la bataille de Roncevaux. Voyant qu’elle ne cassait pas, il l’aurait envoyée de toutes ses forces dans la vallée et elle se serait fichée dans une falaise à Rocamadour dans le Lot.

Roland est devenu un géant et a laissé des traces de son passage un peu partout dans les Pyrénées. Il y a la Brèche de Roland mais aussi, dans la sierra de Guara, le Salto de Roldán (Saut de Roland) constitué par deux sommets, séparés par un précipice, que le cheval de Roland aurait franchi d’un bond. Il existe aussi de nombreux Pas de Roland comme celui situé entre Itxassou et Bidarray, en Pays Basque,

Au Pays Basque, l’enfance de Roland est un thème récurrent : un berger trouve un enfant nouveau-né qui tète une de ses vaches. L’enfant grandit et révèle une force phénoménale. Devenu adulte, il se fait forger un makhila de fer, « gros comme une poutre ». Il s’en va combattre les Mairiak, dans ce cas clairement désignés comme les Maures… ». Passer par la Brèche de Roland est plus qu’un acte de randonneur, c’est aussi un retour sur l’histoire agitée des Pyrénées. Qui y pense réellement ?

Durandal, à son tour, frappe au milieu de l’équipe et la divise en deux. Connie et Jérôme terminent leur « traversée des Pyrénées 2015 » par cette ultime étape. Ils franchissent la Brèche en direction du, tout proche, refuge des Sarradets puis du col des Tentes, situé au-dessus de Gavarnie.
L’intello, Iñigo et leur fidèle mule partent de leur côté à la conquête du Taillon (3144), situé au-dessus de la Brèche. C’en est fini des parties de « concombre » acharnées lors des soirées en refuge ! Chacun a maintenant un an pour peaufiner ses stratégies…

Après un passage un peu pénible, dans une neige molle, en direction de la fausse Brèche, un SMS, envoyé par Jérôme depuis le refuge des Sarradets, annonce qu’il est complet pour la soirée. A 30 minutes du sommet du Taillon, décision est prise de rebrousser chemin et descendre à Garvarnie pour aller dormir au refuge La Grange de Holle. La poisse. L’étape du jour, initialement prévue entre les refuges de Goriz et des Sarradets, devait être courte. Au final, elle sera longue avec 1443 m de dénivelé descendants supplémentaires au programme. La mule reprend le dessus !

Jérôme en avertissant le trio lui a évité une mauvaise surprise. Une initiative incertaine qui a parfaitement marché : envoyer un SMS à destination de la fausse Brèche (2944 m) ! La technologie repousse les territoires inaccessibles.

Passés la Brèche et le refuge des Sarradets, la descente par la vallée des Pouey Aspé permet de voir avec recul, mais aussi hauteur, le cirque de Gavarnie et sa célèbre chute. Vue d’en-dessous par les touristes, elle ne se dévoile qu’en partie. Dans les faits, la chute est dominée par 4 cascades qui s’enchaînent. Une découverte pour les deux randonneurs. La mule, elle, ne réfléchit pas à ce genre de chose. Elle a simplement hâte d’en finir.

Gavarnie déçoit. Une longue rue commerciale sans charme ! L’équipe ne s’attarde pas. Il est 17 h et il reste 2 à 3 kilomètres pour rejoindre La Grange de Holle qui sera le meilleur refuge de la traversée 2015 : chambre pour deux, sanitaires très propres, douche chaude et dîner fait de produits maison avec soupe de légume, confit de canard, fromage du pays, brownies. Vraiment très bien et ce qu’il fallait pour faire oublier une descente pas prévue au programme.

– par Bernard Boutin

Nota :
– Le verdict du GPS : Goriz – Refuge de la Grange de Holle : 3,4 k/h, 6 h 58 de marche, 10 h 39 de rando, 23,5 km parcourus, 938 m de dénivelé positif
– J 32 de la traversée des Pyrénées d’est en ouest de la « mule et l’intello ». Les précédentes étapes, c’est ICI
– Crédit photo : Connie Mayer et Bernard Boutin

 

 

Pyrénées : Amour maternel

Especieres-Vautours-Vaches-Moutons_002Le randonneur, dans les Pyrénées, a souvent des moments rares sous les yeux. Un lever de soleil exceptionnel, un point de vue d’une grande beauté, des contrastes de couleur inspirants, des rencontres avec les animaux, domestiques ou sauvages, aux moment les plus inattendus.

C’est dans le massif de Gavarnie, aux Espécières, que se passe la scène. Ensemble, moutons, blondes d’Aquitaine et vautours fauves ont décidé de jouer une pièce de théâtre sobre, silencieuse, respectueuse et dramatique au final. C’est à celui qui intimidera le plus l’autre…

Le jeune veau vient de mourir. Il est allongé sur l’estive. Déjà près de 60 vautours sont posés tout autour. Seul, cinq ou six s’approchent. Des vieux mâles dominants probablement. Ils se préparent à dépecer la pauvre bête. Il leur faut d’abord déterminer, par des danses d’intimidation, à qui reviendra l’honneur de démarrer la curée. La plupart, sachant que cela est peine perdue pour eux, sont en retrait, aux loges des spectateurs.

A ce moment là, un premier mouton, suivi d’autres, approche du veau mort. Ils n’ont pas peur des vautours et viennent se positionner à 5 ou 10 centimètres de leur bec. Pas de cris, pas de mouvement brusque. Les vautours interloqués font face aux moutons et arrêtent net la sale besogne de dépeçage qu’ils s’apprêtaient à entreprendre.

Arrive à ce moment-là une première vache, suivie d’une autre et, de tout un troupeau pour finir. Majestueuses, elles se dirigent lentement vers les moutons et vautours qui se font face à face.

Devant une telle « pression », calme et contenue, les vautours reculent de quelques mètres. Pas plus.

Sort alors du troupeau de vaches, une d’entre-elle qui va se positionner juste au-dessus du veau décédé. De ses 4 pattes, elle l’isole totalement, baisse la tête et fait face aux vautours. A nouveau, tout dans l’intimidation. Pas de geste dérangeant, pas de meuglement intempestif.

Le reste des animaux observent la scène tragique  – bipèdes randonneurs compris ! -. La Mère vient rendre un dernier hommage à son enfant. Déjà, les autres vaches et moutons s’en retournent.

Les vautours attendent calmement que la Mère accepte le sort réservé à son petit. Ils savent qu’elle finira par « lâcher prise ». Ils sont patients. Terriblement patients.

La montagne, c’est aussi cela…

– par Bernard Boutin

PS : Voir ci-dessous deux diaporamas :
– Un du « festin inachevé »
– Un de la randonnée du jour au pic du Taillon, situé au Cirque de Gavarnie, au dessus des Espécières.
Crédit photo : Bernard Boutin et Mariano, le « Roi du Topo » (plus de 500 à ce jour sur la chaine pyrénéenne) dont on peut admirer d’autres photos de vautours prises au Bénou ainsi qu’un précédent topo en ligne au Taillon.

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