Le projet de bus-tram était le projet souverain de l’ancienne équipe municipale de Pau. En ce temps de célébration de la résurrection, il est donc tentant de rappeler le cri annonçant la mort du souverain en ce pays : « Le roi est mort, vive le roi !
Pas plus dans l’ancien projet que dans le programme de la nouvelle majorité municipale, il n’était envisagé un tramway, qui est censé rouler sur des rails. Aussi, pour éviter des querelles terminologiques ou un recours à un sigle disgracieux, comme B.H.N.S., appelons Fébus le nouveau transport envisagé de la gare à l’hôpital. N’y voyons pas une flagornerie vis-à-vis des initiales du nouveau maire, mais un hommage à un héros local et un jeu de mots visant à promouvoir les transports collectifs. S’il convient de faire vite, il faut aussi franchir des obstacles. Le premier est d’ordre légal. Si le projet diffère sensiblement du projet antérieur, faudra-t-il procéder à une autre enquête d’utilité publique ? Le second n’est pas mince : comment réduire le coût d’une ligne nord-sud ? Très justement, le projet de la nouvelle municipalité préconise de limiter au maximum les travaux annexes. Il faut s’assurer au plus tôt que l’on peut éviter de déplacer la trémie de sortie du parking Bosquet. Quitte à déplacer l’abri-bus qui fait face à la poste afin que les bus puissent prendre un virage assez large. Avec des véhicules assez maniables, on doit pouvoir éviter de couper les rond-points en leur centre.
En conséquence il est possible d’abandonner l’idée de placer au centre des cours Lyautey et Dufau les lignes en site propre. Non seulement cela permettra de conserver les beaux arbres de cette double voie, mais aussi cela sera mieux compris des automobilistes, habitués à laisser la voie de droite aux autobus. Sur cette portion du trajet il y a place pour toutes les circulations, et ce pour un coût quasi nul. Plus au nord, il faut éviter de réduire à une voie la circulation automobile. C’est possible en utilisant la contre-allée de l’avenue Louis Sallenave le long du centre commercial pour la voie sud-nord et en rognant le trottoir de la voie nord-sud et en traçant en retrait un cheminement piétonnier le long de la voie cyclable (plus utilisée par les piétons que le trottoir jusquici). Une solution analogue pourrait être adoptée pour la portion proche du rond-point de l’autoroute dans le sens sud-nord. Les (rares) piétons peuvent être écartés de la circulation.
En revanche, pour la direction nord-sud, il n’y a pas l’espace nécessaire. Faut-il se résoudre alors à supprimer une des deux voies de circulation ? Non ! Cela constituerait une bien piètre entrée dans la ville ! Pour éviter cela, il convient de se référer au second objectif de cette ligne qui ne doit pas être seulement une liaison rapide entre la gare et l’hôpital mais former une desserte efficace du quartier du Hameau et des abords du boulevard de la Paix, un secteur en voie de forte urbanisation. Comme une seule voie serait nécessaire, il n’y aurait pas lieu de procéder aux expropriations et aux destructions que nécessiterait un passage à deux voies. De plus, seuls des virages à droite interviendraient avenue du Loup et boulevard de la Paix. Ainsi seraient évités les virages à gauche qui obligeraient à couper la circulation et seraient des générateurs d’embouteillages. Les deux objectifs seraient alors satisfaits (et la subvention préservée). Pour accroître l’intérêt de cette première ligne, il faudrait au plus tôt prévoir des correspondances adéquates et réserver un emplacement pour un parking relais proche de l’autoroute et de l’hôpital, et, pourquoi pas une zone industrielle et artisanale. L’emplacement est favorable en termes de voies d’accès ; il est peu attirant pour une urbanisation en raison des nuisances de l’autoroute.
On l’aura compris, ces dispositions visent à préserver les finances publiques et la possibilité de circuler de manière fluide. Comme leur nom l’indique, les voies de circulation sont faites pour relier et circuler. Pas pour créer des bouchons ! Il faut aussi de la simplicité : une rue Carnot partagée entre bus, voitures et vélo en direction du centre, une rue des Alliés partagée en direction du nord seraient cohérentes avec les cours Défaut et Lyautey et probablement préférables à deux voies en double sens mais à circulation exclusive des bus ou des voitures. La période qui s’ouvre est favorable pour l’arrivée sur le marché de véhicules électriques adaptés à une circulation locale. Plusieurs constructeurs français (Bolloré…) et étrangers (Volvo…) vont proposer des modèles écologiques et économiques (le plein d’électricité n’est pas cher) attirants et peu bruyants. Si vous avez dû suivre à bicyclette ou au volant un de nos bus au démarrage, vous voyez le profit pour la santé publique…On peut penser qu’un maire ayant une stature national est à même de susciter une commande groupée avec d’autres villes dans de bonnes conditions financières.
Il faut aussi faire entrer en ligne de compte le coût d’exploitation. Une ligne rentable desservant les points les plus cruciaux de la ville sera un attrait pour l’ensemble du réseau. Celui-ci pourra être modernisé et simplifié. Par exemple, l’une des lignes T1 et T2 desservant l’hôpital pourrait être supprimée. Le funiculaire pourrait ne rester en service que lors de journées particulières comme les fins de semaine, car il ne se justifierait plus, sauf pour son aspect ludique ou touristique. Par ailleurs, en réduisant de moitié ou d’un tiers la durée du trajet on fera des économies de personnel et de véhicules.
Pour réfléchir à un mode intelligent et optimal de transport en commun, il n’est nul besoin de lire les deux livres (1), (2) de Cédric Villani. Ils ne peuvent faire de mal, et pourraient même inciter à une réflexion distanciée tant ils sont éblouissants par la variété des concepts et des méthodes mises en jeu. Le livre (3) peut utilement conduire à ce constat que même les esprits les plus brillants sont contraints de réviser leurs positions après réflexion. En fait, une vue non partisane, pragmatique et un peu de bon sens peuvent suffire.
Jean-Paul Penot
(1) Cédric Villani, Topics in Optimal Transportation, Graduate Studies in Mathematics 58, American Mathematical Society, Providence, Rhode Island, 2003
(2) Cédric Villani, Optimal Transport. Old and New, Grundlehren der Mathematischen Wissenschaften 338, Springer Verlag, Berlin, 2009. (998 pages+22, 104,50)
(3) Cédric Villani, Théorème vivant, Bernard Grasset, Paris, 2012.