Pau «capitale humaine», prouvons-le !

Puisque la tradition a « un contenu culturel à manipuler avec précaution » et que Pau est désormais une « capitale humaine » -degré zéro de la communication !- évoquons l’actualité dans ce qu’elle a de plus brûlante et l’humain dans son noyau dur : ce que l’on appelle pudiquement « la crise des migrants ». Le président ou roi des « humains » palois, souvent bavard, n’est guère loquace sur un sujet qui n’empêche pas de dormir les habitants de sa « capitale humaine ».

La « crise » pourrait bien pourtant causer la perte de son amie Angela Merckel -la chancelière démocrate est trop honnête pour être défendue vigoureusement- et abattre définitivement ce qui reste du souffle communautaire. Sachant que ce souffle est celui d’un moribond, à quoi bon persister disent beaucoup : de Bruxelles n’est venu rien de bon si ce n’est un renforcement d’un libéralisme cruel, tout le monde s’accorde à le dénoncer désormais. A quoi bon ! Sauf que l’espoir fait vivre ; on attend toujours une nouvelle orientation…

Les migrants ? Mais la France n’est qu’une succession de migrations et cela depuis sa création. Les invasions se sont succédées les unes aux autres et chacun a trouvé sa place malgré tout, même si cela s’est fait dans la douleur et les bouleversements. On prendra un exemple récent : celui de la « retirada » qui vit plus de 500 000 espagnols vaincus par Franco, passer hommes, femmes et enfants la frontière des Pyrénées Orientales en trois jours. Cela provoqua un chaos indescriptible, un déchainement de la presse conservatrice, la désapprobation de la majorité des français et des traitements ignominieux –cf. Gurs. Il y eut aussi une minorité de français généreuse qui sut tendre la main à ces désespérés, victimes de l’injustice. Et bien qu’en est-il aujourd’hui ? La communauté espagnole est parfaitement intégrée dans notre pays qui est devenu le sien, même si elle garde des attaches outre-Pyrénées…

Le bénéfice de cette intégration pour la France a été formidable : une population travailleuse, dynamique avec une vision différente des choses est venue régénérer un peuple qui avait subi de graves dommages de guerre. Il en est de même d’autres communautés : la portugaise, l’italienne -nombreuse dans le Lot-et-Garonne-, les polonais dans le Nord du pays qui ont fait tourner les mines durant des décennies et permis au pays de se chauffer, etc. Comment oublier ces dizaines de milliers de nord-africains venus occuper les postes les plus modestes –le boulot que les français ne voulaient pas faire- dans les années soixante ? Il s’agissait le plus souvent des descendants de ceux qui s’étaient battus sous le drapeau tricolore. L’homme, tous les anthropologues le confirmeront, est un chasseur, cueilleur itinérant.

Qu’on le veuille ou non la France est un pays de métissage, la notion de race ayant été, à juste titre, bannie par l’Assemblée Nationale. Nous sommes tous des « sangs mêlés », comme les plus titrés d’entre nous ne doivent leurs particules qu’au bourg d’où ils venaient. Alors pourquoi tant de haine ? Pourquoi cette « crise de nerf » ? Cette scandaleuse attitude face aux bateaux abandonnés en mer avec leurs cargaisons de femmes et d’enfants sans trouver de port d’accueil ? Nous nous bouchons le nez, nous tournons les yeux et en même temps nous nous tirons une balle dans le pied car cette jeunesse, cet espoir formidable suscité par notre société, cette énergie et le courage de ces hommes et de ces femmes venues de nulle part nous en avons besoin. Il n’y pas que les grands sentiments dans cette affaire -fussent-ils louables… Soyons pragmatiques pour une fois : qui paiera nos retraites ? Qui exécutera ces travaux pour lesquels on ne trouve plus de main d’œuvre ? Qui apportera cette ouverture d’esprit, cette créativité dont notre société a tant besoin ?

Ah ! Ça n’est pas facile, c’est vrai. Ah ! Il faudra faire des concessions, des efforts. C’est toujours le cas quand on décide de faire la place à un nouveau venu. A terme c’est inéluctable car aucun mur, aucune mesure autoritaire, ne peut empêcher ceux qui n’ont rien de venir sur les terres de ceux qui ont tout ; l’histoire le montre. Et surtout il en va de notre intérêt bien compris et de celui des générations qui viennent. Tout le reste n’est qu’idéologie, démagogie, politique politicienne surfant sur cette peur qui anime les mondes vieillissants arc-boutés sur le passé.

Ainsi donc puisque Pau se veut « capitale humaine  » nous suggérons que la cité béarnaise –restons modeste- prenne une initiative de grande ampleur en direction des migrants comme, par exemple, nos voisins espagnols de Valence l’ont fait en accueillant les rescapés de l’Aquarius. Une « capitale humaine » se doit de montrer l’exemple.

Pierre Vidal