Après la marée noire et la marée verte, la marée rouge!

GV articleDes agriculteurs de la FNSEA, des transporteurs routiers et des casseurs s’attaquent avec violence au gouvernement; ils exigent l’abrogation de l’écotaxe.

Cette taxe s’applique, en vertu du principe pollueur-payeur, aux actions générant des dommages environnementaux. Censée rapporter un milliard d’euros par an, elle vise à inciter les entreprises à choisir des modes de transport alternatif des marchandises moins polluants. Votée en juin 2011 au niveau de l’Europe, elle est déjà appliquée dans six pays de l’Union. Le principe est de faire payer le coût réel de l’utilisation des routes, quand on sait que les camions les dégradent 20 à 100 fois plus que les voitures.

Si une décision prioritaire était à prendre, c’était bien celle-là !

Elle devait participer à la mise en place d’infrastructures comme le fret ferroviaire, maritime et fluvial. Maintenant qui paiera ce manque à gagner ? Notre région a donc un argument de choix pour suspendre, elle aussi, sa participation financière à la LGV, en attendant des jours meilleurs !

En ce qui concerne les poids lourds, de plus en plus gros et nombreux, allant, de plus en plus souvent, de plus en plus loin, la pollution n’a plus besoin d’être démontrée ; à côté des particules, des oxydes d’azote, du CO2, etc., les nanoparticules émises par le frottement et l’échauffement des pneus, très inférieures à 200 nanomètres, sont redoutables pour l’organisme car elles pénètrent à l’intérieur des cellules, d’abord pulmonaires. Les patrons des routiers considèrent sans doute que les conséquences sanitaires sur leur personnel ne sont pas encore assez graves ! Or :

Les conducteurs de poids lourds sont les plus atteints du cancer des poumons !

Quant aux casseurs, ils ne connaissent qu’une langue pour s’exprimer ; les CRS ont appris cette langue pendant leur formation ; ce sont donc les plus pertinents pour assurer les échanges ! L’origine de ces casseurs n’est peut-être pas très éloignée des extrémismes de droite comme de gauche, à l’affût de déstabiliser le gouvernement !

Arrivons en aux agriculteurs. C’est tout le système agricole et agroalimentaire qui est à remettre en cause. Le modèle actuel de compétitivité est suicidaire : ne penser qu’à court-terme, avec du bas de gamme, «aller faire tuer 700 000 porcs en Allemagne chaque année, à cause du dumping social, et acheter des protéines végétales transgéniques venues du Brésil, rien que cela doit ouvrir les yeux de nos concitoyens» (Libération).

Le problème de fond est multiple :

  • La consommation de viande en général, celle du porc et la charcuterie en particulier, riche en graisse, est la source de nombreux troubles dans une population peu active physiquement : athéromes, maladies cardiovasculaires, cancer… Beaucoup de gens y sont sensibilisés. La viande est chère, le pouvoir d’achat baissant, la consommation aussi.
  • La viande issue des élevages industriels est insipide, elle réduit bizarrement à la cuisson ! Les cochons sont dopés aux antibiotiques pour tenir dans ces élevages. 56% des antibiotiques vétérinaires y sont utilisés ! Beaucoup de gens préfèrent consommer moins souvent, car plus chers, c’est normal, des produits locaux de source bien identifiée par la qualité «humainement soutenable» de ces élevages, et la valeur gustative des produits commercialisés. De plus, ces productions locales de qualité sont génératrices d’emplois directs.

Ceci explique la désaffection pour le porc breton, jadis si réputé, donc la chute de la consommation. Il est normal que des abattoirs ferment. La faute vient des gestionnaires productivistes axés uniquement sur un profit immédiat et sur les gouvernements successifs qui ont toléré cette politique.

La véritable compétitivité ce n’est pas de soutenir ce type d’élevage quantitatif bas de gamme ; c’est un recyclage, pour ne pas faire comme les autres. Il faut renforcer notre pôle d’excellence reconnu dans le monde, notre gastronomie de terroir labellisé basée sur des produits haut de gamme. Les agriculteurs bretons devraient le comprendre !

La FNSEA estime n’avoir que des droits et pas de devoirs ; ses membres considèrent comme normal de polluer la Bretagne depuis des années.

Au début des années 1970, apparaît un problème, toujours non réglé : Les marées vertes. Chaque année, sont ramassées en Bretagne, 70000 tonnes d’algues vertes, ce qui est loin de la quantité présente sur le littoral ! Cette pollution n’épargne aucun département breton et s’étend même sur des départements péri-bretons, comme la Loire-atlantique. La toxicité est avérée. Les causes ?

  • Les rejets d’origine agricole. En effet, l’agriculture intensive pratiquée par la FNSEA, très présente en Bretagne, première région agricole de France, représente approximativement 2.8% du P.I.B. français, et environ 6% de son propre P.I.B. ; elle est très polluante (pesticides, herbicides). Les exploitations en rejettent par le biais des fossés, dans les cours d’eau et rivières comme l’Isole ou la Laïta dans le Morbihan et le Finistère ; elles sont tellement polluées qu’elles sont désormais interdites de pêche.
  • Le lisier (ou fumier), c’est-à-dire les déjections et les rejets organiques, produits par les bêtes (porcs, bovins, volailles,…). La Bretagne est la première région émettrice d’ammoniac. Après être rejetés dans les cours d’eau, ces polluants se dispersent dans les fleuves avant d’arriver sur les côtes. Ce lisier contient beaucoup de nitrates, résultat de l’oxydation de l’azote sous l’action de micro-organismes, et de phosphates; déversés dans l’océan, ils deviennennt une source de nutriments exceptionnels pour les algues marines.

Entre lisier et marée verte, la Bretagne subit les inconséquences de ses éleveurs et agriculteurs; maintenant elle demande un traitement privilégié de l’Etat !!!

L’eau devient imbuvable du fait d’une teneur en nitrates supérieure à la limite maximum autorisée. La Commission Européenne a engagé une action en justice contre la France pour non respect des normes de qualité de l’eau potable dans trois départements bretons. La France a été condamnée en 2008 par la Cour de justice Européenne pour la non application des règles européennes en matière de lutte contre la pollution de l’eau aux nitrates : la Vendée, les Deux-Sèvres, la Charente-Maritime, et la Bretagne sont concernées. 
Concernant la Bretagne, la France avait déjà été condamnée en juin 2007 à une amende de plus de 28 millions d’euros, avec une astreinte de près de 118 000 euros par jour !

Face à la marée des nitrates qui a contaminé, sources, fontaines, rivières et nappes, les collectivités ont préféré fuir le champ de bataille et faire supporter aux usagers consommateurs et aux contribuables les coûts externes de cette pollution.

Cette fuite en avant explique en partie pourquoi l’eau du robinet en Bretagne est une des plus chères de France, alors que la ressource y est très abondante.

Autres retombées très importantes, le patrimoine naturel, déjà entamé lors des marées noires, se voit encore amoindri : au niveau de l’ichtyofaune et de l’avifaune, les baignades sont sous haute surveillance, certaines plages sont même interdites, la récolte des coquillages, des crevettes, des crabes, un des aspects particulièrement important de la fréquentation touristique, est également prohibée pour raison sanitaire. La Bretagne touristique est sinistrée : les hôteliers, les agences immobilières, l’emploi saisonnier est en droit de demander des comptes !

L’individualisme et le corporatisme sont triomphants, le gouvernement a plié devant ces jusqu’au-boutistes qui cassent et crient plus fort que les autres.

Pourtant, les difficultés régionales avaient été prises en considération puisque, dans l’application du barème officiel, il était prévu une modération pour les régions éloignées. «Ces valeurs sont réduites de 50% pour l’usage du réseau soumis à l’écotaxe en Bretagne et de 30% pour l’usage du réseau soumis à l’écotaxe en Aquitaine et Midi-Pyrénées.»

Les bonnets ronds sont redevenus rouges : leur raisonnement n’a pas tellement évolué depuis 1674 ! Le pouvoir a oublié que des Bretons pensaient être toujours des privilégiés du fait des prérogatives attribuées à la Bretagne avant Louis XIV !

La liberté des uns ne s’arrête pas, pour eux, où commence celle des autres.

Depuis, les méthodes ont changé dans notre République ; heureusement pour les Bretons, car, avec Louis XIV, ils ne s’en seraient pas tirés aussi bien !!!

Une hécatombe, plus de 3.000 morts, un quartier entier de Rennes rasé, des châteaux brûlés. Après avoir gagné, Louis XIV obligea la Bretagne à payer une lourde contribution et annula la «liberté armorique» !!!

– par Georges Vallet

crédit photos:agirpourlaplanete.com