Pour célébrer la 4ème JNI, l’URISBA*, qui représente 25.000 ingénieurs et scientifiques en Adour, organisait une conférence sur l’E-FAN, l’avion électrique que VOLTAIR, filiale d’AIRBUS, devrait fabriquer sur l’aéroport de Pau. Un thème assurément porteur puisque plus de 150 personnes sont venues participer à la réunion tenue dans un des amphithéâtres de l’ESC Pau. Indice de l’intérêt porté au projet : la quantité et la qualité des questions posées par les spectateurs aux trois intervenants. Il faut dire que tous, ingénieurs et scientifiques, sont conscients d’être face à un projet qui rappelle la phase des pionniers de l’aéronautique.
Philippe Frossard, Directeur de la Formation du Groupe CCI Pau Béarn ouvre la séance après avoir accueilli chaleureusement participants et conférenciers. D’entrée de jeu, Christophe ROBIN, Directeur technique de la Business Unit Avion, Directeur du Design, chez DAHER à Tarbes, rappelle la « tare intrinsèque, le boulet » du projet : à savoir concevoir un avion, l’E-FAN 2.0, qui, avec 200 kilos de batterie, ne produit que la même énergie utilisable de 10 litres de carburant ! 200 kilos d’un côté, 10 de l’autre ! 200 kilos de batteries qui permettent aujourd’hui de voler seulement 1h30 à 120 à 130 km/heure.
A l’opposé, il rappelle les principaux avantages intrinsèques de l’avion : son caractère non émetteur de CO2, un bruit quasiment inaudible qui permettra des décollages et atterrissages discrets en milieu urbain, une maintenance simplifiée par rapport à un moteur thermique.
Pour Christophe ROBIN, il s’agit de casser un cercle vicieux : « Pour pouvoir emporter plus de batterie, l’avion devrait avoir plus d’empennage donc plus de voilure, donc plus de besoin moteur, donc plus de besoin énergie et pour finir plus de batterie. Pour y arriver, il faut gagner de la masse sur le moteur, sur la batterie, sur la structure etc. » Les chalenges sont donc très nombreux. Techniques : Par exemple, il n’existe pas encore de jauge fiable pour calculer l’énergie restante d’une batterie. Comment recharger une batterie de 200 kilos en un minimum de temps ? Les batteries évoluant rapidement, comment concevoir un avion qui pourra, au fur et à mesure, de sa fabrication, s’adapter à de nouvelles batteries etc. Chalenges administratifs aussi comme celui des autorités de certification, par nature conservatrice, qui n’ont pas d’historique, ni de procédure pour un appareil à propulsion électrique.
Chalenges de formation : Comment former les futurs moniteurs à l’E-FAN 2, avion de 2 places avant tout conçu pour équiper les écoles de pilotage ?
Une bonne dizaine de partenaires participent au projet : AIRBUS en premier lieu avec sa filiale spécialement dédiée au projet VOLTAIR, SAFRAN (motorisation), ZODIAC (stockage énergie), ACS (matériaux composites), SIEMENS, le CEA et des établissements d’enseignement supérieur et de recherche comme l’Université de Bordeaux, l’ENAC de Toulouse et les Arts et Métiers.
A ce jour, seul AIRBUS travaille sur un projet d’avion électrique destiné à la fabrication même si tout le monde connait SOLAR IMPULSE dont on ne voit pas quel type de commercialisation il pourrait connaître. Son bilan solaire n’est pas évident à ce jour puisqu’avec l’envergure d’un A350, il ne peut transporter qu’une seule personne !
Gilles ROSENBERGER de la Direction Industrielle de VOLTAIR rappelle que l’E-FAN 2.0 prend la suite du CRI-CRI, premier avion électrique à avoir volé en 2009 et de l’E-FAN 1.0, avion test et « démonstrateur » de 2012 qui a traversé la Manche pour la première fois en juillet 2015, année du centenaire de la première traversée en avion par Blériot.
L’aéroport de Pau-Uzein, près duquel sera assemblé l’avion, a été sélectionné parce qu’il y a du foncier disponible permettant d’accéder à une piste au trafic peu important. La météo favorable est un autre critère du choix de Pau-Uzein mais il faudra attendre encore quelque temps pour que l’avion sorte de fabrication. La « définition figée » de l’avion doit d’abord être arrêtée. Probablement à la fin 2016. Puis, les opérations de certification doivent être lancées. Elles pourraient durer 18 mois. Cela amène à 2018.
A Pau, la première usine d’assemblage du premier avion électrique ne sera pas une révolution pour l’emploi même si l’objectif est de fabriquer 30 E-FAN 2 par an. Assemblage veut dire que structures, batteries, équipements divers seront usinés ailleurs d’où un moindre emploi en Béarn pour commencer.
Denis LOUVIOT, International and Development Programs Manager de l’Ecole Nationale d’Aviation Civile confirme avec quel enthousiasme les enseignants et étudiants de l’ENAC sont partis à l’assaut des « bonnes questions » concernant l’E-FAN 2 : faible autonomie, gestion de l’énergie, temps d’immobilisation pour recharger, intégration dans la circulation aérienne d’un avion électrique, formation au pilotage, travail sur cockpit, influence de la pluie sur les vols et les recharges etc. Beaucoup de questions auxquelles tous travaillent à l’ENAC sur un sujet vraiment « sexy ».
Quelque peu rassuré sur l’avenir de l’implantation en Béarn de l’usine d’E-FAN, Franck METRAS, directeur scientifique d’HELIOPARC, rappelle aux intervenants qu’à Pau existe un terreau important de compétences qui pourront accompagner le projet. Sur le bassin de Lacq, HYDROQUEBEC, en partenariat avec le CEA, travaille sur les batteries du futur et TORAY sur les composites. A l’UPPA, divers laboratoires travaillent eux-aussi sur les mêmes enjeux. On l’aura compris, Pau est une bonne implantation pour la future usine.
Fernando CUEVAS, qui animait la soirée, dit alors être impressionné par le contenu très scientifique du projet, la ténacité mais aussi l’humilité des interventions, par les approches synthétiques et pour finir par la passion des trois intervenants mais aussi d’une grande partie de la salle. Une belle soirée à mettre au crédit de l’URISBA, de René Beaussier, son Président, de Martine Chalcou, Chef de projet JNI, et de toute son équipe.
– par Bernard Boutin
*URISBA : Union Régionale des Ingénieurs et Scientifiques du Bassin de l’Adour, délégataire d’IESF (Ingénieurs et Scientifiques de France représentant plus d’un million d’ingénieurs au plan national)