La connaissance de chiffres suffit-t-elle à comprendre le monde!

GV vignette 28  05«Docteur je ne me sens pas bien, je suis fatigué, j’ai mal aux reins, des nausées…., mon économie fonctionne mal ; pourquoi ?»

«Nous allons faire des examens, des analyses et, dans la plus grande transparence, ils vous seront communiqués, vous pourrez alors prendre les mesures appropriées.»

Malgré les promesses, il a fallu au patient, qui souhaitait une transparence totale, plusieurs semaines de combat pour obtenir personnellement les valeurs chiffrées, numérisées et visualisées de ses examens ; adressées au médecin, elles restaient dans l’obscure clarté du cabinet médical de son généraliste, cardiologue, pneumologue, psychologue….
Le voilà maintenant à la tête d’un volumineux dossier où se côtoient :

  • Les électrocardiogrammes, les courbes des holters: électro cardiographique, cardiaque, tensionnel, encéphalographique……
  • Les chiffres des analyses sanguines: teneur en glucose, en hématies, leucocytes, teneur en Hb, cholestérol, PSA, taux de Na, K, Ca, Mg, rapport Na/K, enzymes….
  •  Images radiologiques pulmonaires, scanner du foie, de la vésicule…, et les textes d’accompagnement lisible par le spécialiste.
  •  Les comparaisons, sur ces mêmes sujets, avec des chiffres, des courbes, des statistiques, obtenus plusieurs années auparavant.

Le patient est-il maintenant à même de tout évaluer, comparer, diagnostiquer, comprendre, ce qui est bien, ce qui est mal et ce qu’il doit faire pour remédier à ses maux ?

Certains, ceux qui ont fait des études dans ce domaine, mais quel pourcentage de la population ? Très très faible. Cette transparence permet-elle au patient de savoir :

  •  Pourquoi et où son économie corporelle ne fonctionne pas bien ?
  •  Quelles sont les économies à faire, les dépenses énergétiques à modérer, à réorienter ? Le «millefeuille» coûteux des analyses est-il pertinent ?
  •  Le mode de vie et l’alimentation à adopter ?

Pour lui, s’il est malade, c’est que les gestionnaires de sa santé sont incompétents ; ils lui font payer des visites et contrôles fréquents, s’enrichissent à ses dépens. Il faut supprimer ou changer: médecin, kiné, infirmières, pharmacien, mutuelle.., sécu.

Est-ce pertinent ?

L’ignorance dans tous les milieux, cultivés même, du fonctionnement anatomique, physiologique de son propre corps… est affligeante. C’est même vécu parfois comme une vertu de ne rien connaître. Le % de nos ministres, élus de tous les bords, leurs conseillers, les chefs d’entreprises, les notaires…, qui sont capables d’interpréter ces courbes, histogrammes…, qui connaissent même le nombre moyen de pulsations d’un cœur normal au repos…., d’une alimentation équilibrée… est incroyablement bas, à part les élus médecins dont la place serait peut-être plus appropriée auprès de malades qu’auprès des lobbies qui les poussent à accepter des lois contraires à la santé humaine.

La connaissance des chiffres n’apporte donc absolument rien, il y a besoin :

>De développer auprès de tous les citoyens la conviction que la connaissance du biologique est la base de la compréhension du fonctionnement culturel. La maladie de l’un impacte la maladie de l’autre.

>D’enseigner à tous les niveaux de l’enseignement et de l’éducation, dans toutes les branches spécialisées de l’économie, de la finance, de l’industrie….les bases essentielles du fonctionnement du corps humain, ses déséquilibres pathologiques sous l’action d’un environnement ou d’un comportement habituel toxique (pollution, tabac, harcèlement.).

>D’accepter de confier l’accès au diagnostic et au traitement, car il n’est pas possible de tout connaître, à des intermédiaires, «des interprètes objectifs et indépendants», transformant ces chiffres en langage compréhensible pour le patient ; c’est très difficile car ce dernier dispose souvent d’un vocabulaire bien pauvre, en admettant même que le français soit maîtrisé. Le médecin généraliste, le plus proche du patient, est confronté à ces problèmes et ne dispose pas du temps nécessaire, avec une salle d’attente pleine, pour expliquer le minimum.

Le problème de la diffusion des informations spécialisées sur la gestion du secteur public, à tous, dans une commune, une agglo, un conseil départemental….peut être abordé de la même manière, en ajoutant que l’enjeu dans ce cas c’est l’argent du contribuable, très important sans aucun doute, mais quand même moins définitif pour l’avenir que le premier cas !

On peut se poser aussi la question de la transparence qualitative et quantitative dans les entreprises privées car la gestion impacte aussi le secteur public et notre Porte-monnaie (chômage, pathologies…).

La transparence par la publication seule des chiffres, sous toutes les formes les plus sophistiquées est, sans aucun doute, souhaitable, mais ne pourra servir qu’à ceux ayant eu ou développé une formation dans chaque domaine abordé.

Seront-ils, ces intermédiaires, respectables, compétents, objectifs, dans la transmission et l’interprétation des résultats aux lampistes que nous sommes ?

D’autre part, il n’est pas possible que les chiffres publiés à propos de sujets très spécifiques et différents soient interprétés et compris par ces «spécialistes». Si celui-ci peut analyser et comprendre des résultats dans un domaine particulier, il n’est pas en mesure de le faire dans un autre et donc de «comprendre», c’est-à-dire intégrer ce particulier dans le fonctionnement général, l’essentiel en fait !

C’est un grand dommage mais c’est ainsi ; comme pour l’économie biologique, la connaissance de l’économie culturelle est aussi en péril et aussi dommageable pour la gestion de la société; une formation à la connaissance dans ce domaine serait plus importante que la formation à la consommation aveugle et non régulée qui est privilégiée.

Malheureusement, du fait de la foudroyante progression de la technologie en général, notre monde se rapproche de plus en plus de la Grèce antique où un abîme existait entre les sages, les détenteurs de la connaissance donc, et un peuple ignorant. Mais, à cette époque, la soif de transparence, la suspicion constante, le harcèlement permanent, la critique perpétuelle, trouvaient leur apaisement dans une justification apportée par la volonté légitime de dieux «spécialisés».

Ce qui n’est plus le cas, on ne croît plus aux dieux !

– par Georges Vallet

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