Suspense, mais quel suspense ?

Que les amateurs de thriller se rassurent, il y a bien un suspense dans cette élection. Le second tour n’est pas encore joué. Nous ne sommes pas dans une situation angoissante mais il y a de l’incertitude. Les pronostiques des sondeurs sont-ils à prendre en compte ? Quelles sont les véritables craintes ?

Si l’on en croit les sondages qui ont commencé à paraître dès le lendemain du premier tour, le score se jouerait à 60% / 39%. Le premier enseignement de cette élection est ce besoin exprimé de changer le paysage politique. Les vieux barbons installés depuis longtemps dans un confort de notables avec comme seule préoccupation que leurs privilèges et leurs avantages ne soient pas entamés devraient maintenant réfléchir. Un jeune de 39 ans, sans mandat politique préalable est en passe de devenir président de la République. En France, la situation est inédite. Tout autour de lui des anciens rompus aux méandres filandreux de la politique s’agglomèrent. A qui feront-ils croire qu’ils sont désintéressés ?

Mais le candidat de « En Marche » doit rester vigilant. Son expérience est bien inférieure à celle des politiciens qui gravitent autour de lui. Il est tendre et sans doute manipulable. Alors certains soucieux, comme François Bayrou, de faire renaître un parti moribond, voient là l’occasion d’obtenir des investitures sur 96 circonscriptions prenables pour le Modem. Il y a peut-être d’autres engagements mais jusqu’à maintenant ils restent secrets. Le plus grand risque dans cette affaire, est que nous assistions à des arrangements de boutiquiers, à des magouilles d’arrières cuisines. Il n’existe pas à ce jour de majorité présidentielle. Il faut espérer que les législatives permettront d’en trouver une.

Sinon, nous reviendrions à ce qu’a connu la quatrième République avec un parlement de coalition où les décisions ne se prennent qu’après des ententes, des accommodements, des arrangements, des compromis et parfois de compromissions. Il n’est qu’à regarder ce qui se passe dans le département des Pyrénées Atlantiques pour s’apercevoir que l’agitation des futurs candidats est à son comble. Il en est qui se déclarent d’un autre parti tout en désirant appartenir à la majorité présidentielle. On nage dans le flou. La cinquième République n’est plus un régime parlementaire certes, mais le pouvoir de l’assemblée nationale existe et peut faire obstacle à tout objectif de réforme voulu par l’exécutif. Or des réformes, notre pays en a grandement besoin. Certaines sont évoquées dans le programme de Macron.

Comment parvenir à diminuer d’un tiers le nombre des parlementaires ? Comment imposer des économies aux collectivités territoriales ? Comment réussir à supprimer la taxe d’habitation ? Etc. On aura beau, comme on l’entend souvent, dire que la période du bipartisme est terminée il faudra bien une majorité à l’assemblée nationale. La chambre introuvable, selon l’expression consacrée, est le plus grand danger. Et c’est là que se trouve le vrai suspense !

Pau, le 25 avril 2017
Joël Braud