27 août – Depuis le refuge du Rhule en Ariège, nous devons entrer en Andorre et aller « chercher » le refuge de Sorteny pour passer la nuit. Le topo guide nous a averti : Cette étape est « godillot rouge » avec 1370 m de dénivelé grimpant et 1800 de descendant. La mule, son intello (vous avez remarqué le possessif en cette journée) et Jérôme, compagnon d’ « échappée », feront en fait 1520 m de dénivelé en 11 h 30. Un record de temps qui fera pousser un cri de lassitude à Jérôme : « Je suis vaincu ». L’intello, plus tard, s’exclamera d’un « je ne suis pas une mule ». Méfiance, randonner doit rester un plaisir. La mule, de son côté, se tait et endure. On ne lui demande pas de réfléchir…
Le départ, à 7h04 pour être exact, se fait dans une ambiance brume-brouillard. Nous devons, tout d’abord, atteindre l’étang de Fontargente. Les ariégeois appellent étang, ce que le reste des pyrénéens appellent lac. Va savoir pourquoi ? La montée se poursuit vers le col de Fontargente, ou col d’Inclès (2262 m) pour les Andorrans. La frontière est atteinte. A nouveau, pas de ventas, ni poste frontière. De l’herbe, des pierres. C’est tout.
Le topo-guide nous a gonflé à bloc en parlant des « bons sentiers andorrans ». Nous plongeons dans la vallée, vers le village d’Inclès et, allons à une telle vitesse que nous ratons une bifurcation vers l’ouest. Pas de signalisation. Le coup sera rattrapé un peu plus tard, après 100 m de dénivelé descendant en plus et 2 ou 3 kilomètres de « rab » sur, ce qui était autrefois, des pâturages. Pendant les deux jours de traversée en Andorre, pas un troupeau, n’est rencontré. Il faut de suite dire que les « pôles d’excellence » de la principauté : la finance, le commerce et les stations de ski ont fait disparaître à jamais le pastoralisme.
Inclès atteint. On découvre à nouveau la « puissance de feu » des Catalans espagnols qui ont retapé, avec beaucoup de goût, les vieilles fermes de ce fond de vallée. Le désastre est plus bas à Andorre-la-Vieille. A Inclès, rien à redire. C’est plutôt réussi. Nous sommes redescendus à 1820 m. Pour récupérer notre erreur d’itinéraire, nous devons remonter à la Cabana Sorda (2300m), passer près du Pic de la Portaneille (2650 m), atteindre le refuge de la Coms de Jan (2200 m) puis « filer » au fond du cirque chercher la « collada del Meners » à 2724 m.
Cette longue litanie, de lieux et d’altitudes, montre que l’itinéraire du jour ressemble assez à des montagnes russes. Récapitulatif des points hauts et points bas du jour : Départ à 2180 m, descente à 2100, montée à 2266, descente à 1820, montée à 2650, descente à 2200, montée à 2724 pour terminer à 1980 m au refuge flambant neuf de Sorteny. Rappel du résultat des courses : 1520 m grimpants, 1700 descendants. On pourra toujours dire, qu’alterner montées et descentes est plus varié que de monter sans fin pour descendre d’un coup. A chacun sa vérité.
Si le topo-guide parlait de « bons sentiers andorrans », la mule eu souvent à faire face à de simples sentes qui montaient « tout droit » à même la pente. Même les isards ne veulent pas d’un tel traitement ! Pendant ce temps-là, l’intello, qui n’avait qu’à se pencher en avant pour ne pas tomber de sa Rocinante, pouvait apprécier un superbe paysage particulièrement sauvage et préservé.
Nous croisons deux Basques de Bilbao. Ils font le GRP d’Andorre qui, en 7 étapes, fait le « Tour de tout un pays » sur une centaine de kilomètres. Pressés, ils nous quittent pour arriver au refuge tôt. Il y avait ce soir-là un « partido importante entre el Atletico y el Napoles ». Même là-haut, la planète foot nous poursuit.
Immédiatement sous la collada del Meners (2724 m), une vieille cabane, enfouies sous le pierrier, jouxte deux anciens gisements de fer. Des mineurs à cette altitude ! Des conditions de vie assurément extrêmement dures. Partout dans la chaine, notre équipage croisera des mines abandonnées, traces d’une époque où les Pyrénées, il y a environ 100 ans, grouillaient de vie entre agriculture, pastoralisme, thermalisme, exploitation minière. Le tout, desservi par des réseaux de chemins de fer ou de tramways pénétrant partout dans les vallées.
La longue descente du col de Meners vers le refuge de Sorteny traverse le parc naturel du même nom. Un parc, où même fin août, le foisonnement de fleurs, la taille de celles-ci, en font un lieu exceptionnel, un « paradis botanique avec plus de 700 espèces de fleurs et plantes, uniques dans les Pyrénées ». La disparition du pastoralisme a, au moins, une contrepartie positive !
L’intello, à quelques encablures du col, observe des fleurs jamais vues et qu’il ne retrouve pas dans les guides spécialisés. Il faudra un contact avec le directeur du parc pour enfin en connaitre son nom : l’orpin rose ou rhodiola rosea (photo dans le diaporama).
A 18h30, le refuge est (enfin) atteint. Il est neuf, crée dans une ambiance, comme on la retrouve souvent en Catalogne espagnole, très épurée, avec utilisation d’acier mat, de matériaux sobres et de bois. Seule une famille y séjourne. Le repos sera total. Il était nécessaire pour Jérôme qui se disait vaincu et l’intello qui commençait à se prendre pour la mule. Quant à elle, elle ne rêve que d’une chose : en finir…
– par Bernard Boutin
Pour voir le diaporama de l’étape, c’est : ICI
Les cartes des 15 étapes : C’est ICI