Le dernier commerce de mon village, un Café-Tabac, a un nom occitan signifiant « bonhomme » ; ce qui sied bien à un café. Le café a été le témoin et aussi le pouls de la vie du village pendant de nombreuses décennies. Les temps ont changé. Son utilité n’est plus reconnue pas la majorité du village. Sa disparition est inconsciemment acceptée.
Jusque dans les années 80 le village comptait également un café-restaurant qui a fermé ainsi qu’une boulangerie-pâtisserie qui a migré vers un bourg voisin. Le café « Bonhomme » a repris les activités, débit de tabac et dépôt de gaz, de la boulangerie-pâtisserie.
Historiquement le café était un lieu principal de socialisation. La semaine, il avait ses habitués. Le dimanche, l’apéritif dominical et les parties de belotte ou de quilles suivaient l’office de 11h. Ces occupations reprenaient après les vêpres. Les hommes célibataires rejoignaient le café alors que les filles qui avaient replié leurs mantilles dans leur sac à main, retrouvaient le chemin de la maison d’un pas alerte.
Chaque café accueillait, à tour de rôle, la fête patronale annuelle ainsi que les apéritifs des mariages. Dans la période de l’entre-deux guerres, la consommation annuelle de vin de chaque café était de l’ordre de 3000 L. La concurrence entre les deux cafés était sévère. Par exemple des habitués d’un café étaient envoyés dans l’autre pour compter et identifier les consommateurs.
Mais l’arrivée de la voiture et de la télévision, la création de salles polyvalentes de plus en plus aménagées, notamment avec cuisines et salles de réception, ont mieux répondu à l’évolution des facteurs de socialisation de la population rurale.
Pourtant Maïté accueille toujours les clients au bar-tabac transféré dans la pièce qui autrefois abritait l’ancienne épicerie familiale.
L’épicerie et le commerce ambulant, la grande salle du café sont fermés depuis longtemps. Le plantier où se pratiquait le jeu de quilles de neuf est fermé depuis plus longtemps encore. Maïté représente la troisième génération qui exploite ce commerce à la suite de ses parents et grands-parents. Il n’y a pas si longtemps, 4 générations ont cohabité sous le toit du café.
Ouvert 7 jours sur 7, le café est connu de tous les fumeurs des alentours. Le Bar-Tabac est particulièrement bien tenu et les clients se sentent en confiance. Les habitués ont leur bière ou leur « pinton » (1/2 L de vin blanc) qui les attend dans le vieux « kelvinator » où ils vont se servir directement. Les bruits (« clac/cloc »), très caractéristiques de l’ouverture et de la fermeture de l’armoire froide, raisonnent alors dans la petite pièce du Bar. Si l’ambiance est familiale, une certaine rigueur est de mise.
Je m’y rends chaque samedi. J’apprends quelques nouvelles du village et je croise souvent des clients dont j’ignorais l’existence. Les échanges impromptus constituent toujours un moment convivial et enrichissant. Certains clients ont eu des parcours particuliers mais c’est aussi de la générosité, voire du courage qui émane de ces personnes.
Pendant ce temps, la retraite approche à grands pas pour Maïté. Le futur du café est donc incertain.
Pourtant le Café-Tabac assure une fonction sociale. Mais cette fonction est ignorée par la grande majorité des résidents du village qui ne le fréquente plus guère. Le devenir de cette fonction sociale ne préoccupe pas davantage les édiles locaux qui ne lui accordent aucune reconnaissance morale et matérielle. Par exemple aucun rassemblement communal ne se termine au café « Bomy ».
D’ailleurs la municipalité est restée inerte lorsque le bâtiment et son enclos, situés entre le café, la mairie et l’église, a été vendu après une saisie. Il a été acheté à vil prix par un spéculateur qui, un an après, s’est appliqué à faire la culbute avant de disparaitre comme il était venu. Ce petit ensemble aurait pourtant pu permettre des aménagements simples du centre-bourg et des abords du café.
La prochaine municipalité et la Communauté des Communes, se soucieront-elles de la maîtrise foncière dans les communes ? Au minimum, la municipalité achètera-t-elle la licence du débit de boisson ?
Elle pourrait ainsi servir légalement de l’alcool lors des réceptions.
– par Larouture