Les maires de France

Ce mardi 20 novembre 2018, s’est ouvert le congrès annuel des maires de France. A entendre certains le climat est morose et de nombreux reproches sont adressés au pouvoir central. Ils ont le sentiments d’être méprisés. La décentralisation ne serait-elle pas en train de montrer ses limites ?

Dans une interview récente, André Laignel, premier vice-président PS de l’association des maires de France a des propos très durs envers le président de la République. Il regrette que celui-ci boude leur congrès et préfère en recevoir certains à l’Élysée plutôt que de venir les rencontrer. Il faut dire que l’an passé, il avait été copieusement sifflé ce qui doit, cette année, le refroidir. Et il va plus loin dans ses propos en disant qu’il s’agit là d’une bien mauvaise manière faite à des élus locaux considérés comme trop nombreux, dépensiers, inefficaces et même clientélistes. Soulignant que le président est l’auteur d’une véritable injure à leur égard, il souligne qu’un maire sur deux ne souhaite pas se représenter aux municipales de 2020. Parlant toujours aux nom des édiles locaux, il va même jusqu’à affirmer que 90% d’entre eux sont des bénévoles. Ceci n’est pas tout à fait exact quand on sait le montant des indemnités qui leur sont octroyées.

Cependant la guerre est déclarée ! N’y aurait-il dans ce contexte, une remise en cause de la décentralisation ? Tandis que d’un côté les maires évoquent les exigences de leur concitoyens, (souvent légitimes disent-ils) mais auxquelles ils ne sont plus capables de répondre, de l’autre côté, le pouvoir en place, dit haut et fort que les taxes de toutes natures et les impôts ne cessent d’augmenter et qu’il convient de remédier à cet état de fait. Sans le dire ouvertement le gouvernement dans sa logique désigne comme responsable de cette progression plus rapide que l’inflation, les élus locaux. Le premier ministre vient de le dire dimanche dernier, il faut que les impôts diminuent. C’est sans doute pour cette raison que l’exécutif est entré dans une procédure de suppression de la taxe d’habitation. D’ailleurs depuis bien longtemps tout le monde s’accorde à dire que cette taxe doit pour le moins être réformée parce qu’elle est injuste. Injuste car il est difficile d’expliquer pourquoi dans un pays si soucieux d’égalité, la pression fiscale n’est pas la même pour tous. Une trop grande liberté a été laissée aux élus locaux selon ce même souci d’égalité. Il est difficile de comprendre pourquoi il leur a été donné la possibilité de fixer eux-mêmes ces taux. Pour éviter ces différences, n’aurait-il pas été plus juste de confier ce rôle au pouvoir central et à lui seul ?

Les maires se disent également objet de dédain, de mépris et se sentent profondément blessés. Pour eux – et cela est vrai – l’administration dont ils ont la charge devient de plus en plus complexe. Encore un effet de la décentralisation. Le transfert des charges de l’État vers les communes ou les départements qui en a résulté, est volumineux. On parle d’un engorgement quand il faut des délais de plusieurs mois pour renouveler une carte grise, un passeport, une carte d’identité ou pour obtenir un permis de conduire. Autant de tâches dont l’État s’est débarrassé. Ces nombreux transferts n’ont pourtant pas été suivis d’un allègement des dépenses du pouvoir central. Les élus locaux ne sont pas les seuls à être dépensiers l’État central se comporte de la même manière. Il fait preuve également de clientélisme. Dans notre pays, ce sont les pouvoir publics, à quelque niveau qu’ils se situent, qui sont impécunieux. Les Français possèdent cette logique de considérer qu’il faut davantage de services et que, dans le même temps, les prélèvements obligatoires, doivent diminuer, c’est la règle du « toujours plus » (François de Closets).

Le vice-président de l’Association des Maires de France, profite de l’actualité pour donner son interprétation du mouvement des gilets jaunes, selon lui il s’agit là du signe d’un ras-le-bol général, d’une démocratie qui est en déliquescence. Il est urgent de réagir, dit-il ,et de donner de la proximité en permettant aux communes d’avoir la capacité de répondre aux attentes des citoyens. Justement c’est cela le clientélisme vouloir satisfaire tout le monde dans l’espoir d’être réélu. Et en guise de conclusion finale, il fait dans le grandiloquent : « La démocratie locale, c’est ce qui permet le vivre ensemble. Battons-nous pour que ce vivre ensemble continue à être au cœur de la République. C’est à cela que nous nous engageons ». C’est beau comme l’antique et c’est un parfait modèle de langue de bois.

Croyez-vous qu’un jour ils réussiront à réconcilier le peuple français avec ses dirigeants ?

Pau, le 20 novembre 2018

par Joël Braud