Grand débat palois, acte V

Si l’on devait faire un bilan de ce cinquième « Grand Débat », il serait forcément contrasté. D’un côté, les éternels donneurs de leçon qui croient apprendre aux participants les banalités et utopies qu’ils développent ; et de l’autre les grands témoins particulièrement intéressants. Mais il faut regretter que dans cette accumulation de prises de paroles des réponses n’aient pas été apportées à certains sujets.

Il avait lieu ce vendredi 8 mars 2019, comme toujours au Parc des expositions. Comme l’intérêt pour le mouvement des gilets jaunes, le nombre des participants s’émousse ; une petite centaine de participants. Les grands témoins étaient :

– David CARASSUS, professeur en sciences et gestion, responsable du master « Management public des collectivités locales » à l’Institut d’administration des entreprises (I.A.E.) de Pau-Bayonne, directeur de la chaire OPTIMA (Observation du Pilotage et de l’Innovation Managériale locale) ;
– Valérie PARIS, présidente de la Caisse primaire d’assurance maladie Béarn et Soule ;
– Jean GOURDOU, professeur de Droit public à l’université de Pau et des Pays de l’Adour, directeur du centre de recherches de Droit public ;
– Fabienne BASCOU, vice-présidente de la Caisse d’allocation familiale Béarn et Soule ;
– Denys de BECHILLON, constitutionnaliste, professeur de Droit à l’université de Pau et des Pays de l’Adour ;
– Jean MARZIOU, ancien rédacteur en chef de La République et l’Éclair ;
– hilippe TUGAS, ancien chef d’agence à Sud Ouest et ancien rédacteur en chef de La République et l’Éclair.

Le sujet retenu était : L’organisation de l’État et des collectivités publiques.

Il faut reconnaître qu’il y a eu des questions de fond et ce sont d’ailleurs deux femmes qui ouvrent la série. La première parle de la constitution et demande si le nombre des députés – 577 – et de sénateurs – 348 – n’est pas trop élevé. Elle interroge sur la saisine du Conseil Constitutionnel. Une autre demande ce qu’est le Conseil Économique Social et environnemental et quelle est sa fonction.

Denys de Béchillon répond que le Conseil Constitutionnel est un juge qui a pour mission de vérifier que les lois sont conformes à la constitution. C’est votre ami, dit-il. Crée en 1958 sa saisine n’était ouverte qu’à l’opposition politique. En 1974 par une modification des textes, il a été possible de le saisir par référendum et en 2010, il a été décidé qu’il pouvait être saisi à l’occasion d’un procès par un particulier ; c’est la fameuse « question prioritaire de constitutionnalité ».

Puis un homme livre ses réflexions sur le trop grand nombre d’échelons entre l’État et la collectivité de base qu’est la commune. Il s’interroge sur la pertinence des grandes régions et considère qu’elles n’ont pas permis de faire des économies d’échelle. Pour lui il faut donner à chaque niveau administratif une part d’autonomie fiscale. Le regroupement des communes devrait se faire d’initiative ou sous contrainte réglementaire.

Jean Gourdou pose les questions suivantes : Comment lutter contre le millefeuille territorial ? L’aménagement des territoires, la marge de manœuvre des budgets des collectivités territoriales. Qu’est-ce que le régalien ? Ce qui me choque, dit-il, c’est l’uniformisation des structures.

David Carassus souligne que pour ce qui concerne le millefeuille, le problème vient du fait que les feuilles n’ont pas de relation les unes avec les autres. Il faudrait passer du millefeuille à une structure de réseau.

Denys de Béchillon se prononce sur le R.I.C. (référendum d’initiative citoyenne). Le RIC ne peut être utilisé pour changer la constitution. Il peut être envisagé pour des choses qui ne sont pas des questions de société. Or pour répondre à un intervenant qui proposait un référendum pour lever l’interdiction imposée à l’État par la loi de 1905 sur la laïcité parce que cela permettrait de choisir entre les différentes formes de l’Islam, il rappelle que le problème de l’Islam est à l’évidence une question de société. D’autre part, on ne peut faire un référendum si préalablement le Sénat et l’Assemblée nationale ne sont pas saisis. Il faut protéger nos droits qui sont notre patrimoine le plus précieux. L’anxiété est mauvaise conseillère. Il ne faut pas trop facilement modifier la constitution, et surtout ne pas le faire dans l’émotion.

Fabienne Bascou pose une question sur les membres du Conseil constitutionnel. Ils ne sont pas élus dit-elle. Les juges du Conseil constitutionnel sont en train d’ordonnancer et de judiciariser la politique.

Ce à quoi, Denys de Béchillon répond que la tradition française veut que nous n’élisions pas nos juges. Le juge est tenu d’exposer le caractère juridique de sa décision. Il s’agit d’un tiers désintéressé et impartial. Il est fragile, humain, mais c’est ce qu’il y a de moins mal.

Valérie Paris fait part de son soucis d’ouvrir les services publics. Nous essayons de faire en sorte que tout ne soit pas « tout numérique ». Elle plaide pour un accueil humain. Il existe un projet de présence médicale dans le 64.

Cette fois-ci les grands témoins sont intervenus plus souvent ce qui a donné de l’épaisseur au débat. La conception première de ce genre d’exercice est à la fois de permettre à chacun de s’exprimer mais surtout d’apporter un éclairage sur les sujets évoqués, éclairage provenant de personnes qualifiées et opportunément sélectionnées.

Cela n’a pas empêché des interventions complètement décalées. Ainsi pour ne rapporter qu’un exemple, un gilet jaune (parce qu’il y en avait quelques uns) a parlé des francs-maçon en interpellant François Bayrou. Il avait un ton agressif et n’a jamais dit très clairement les reproches qu’il formulait à l’endroit de cette organisation. Mais la théorie du complot sourdait entre les lignes. François Bayrou a bien répondu, sans convaincre. Le lendemain à Tarbes, des Gilets jaunes causaient des dégradations dans un temple maçonnique. Jusque là il n’avait pas été établi qu’il existait un contentieux entre les gilets jaunes et la franc-maçonnerie.

Pour ma part, je suis resté sur ma faim. J’ai posé une question sur l’élection des députés à la proportionnelle. Je m’adressais bien évidemment à Denys de Béchillon dont je crois connaître l’orientation à ce propos. François Bayrou, selon une technique bien rodée, a classé en attente plusieurs questions dont la mienne. C’est une façon qui se croit habile pour refuser l’obstacle. Je n’ai eu droit à la fin qu’à la réponse de François Bayrou. Dommage ! le débat entre un politique et un juriste de haut niveau, aux opinions différentes, aurait été très enrichissant.

Ce débat était le cinquième et le dernier. Tout le monde est en attente du dépouillement des doléances. Que va-t-il en sortir ? Personne ne le sait. Mais déjà, il est possible de dire que le principal intérêt s’est porté sur la fiscalité. Attendons, nous verrons, mais les politiques en responsabilité sont maintenant dans l’obligation d’agir. Attention aux déceptions…

Pau, le 12 mars 2019

par Joël Braud

Encore un petit service amical !

Monsieur Alain JUPPÉ doit à son ami Richard FERRAND, président de l’Assemblée Nationale, de devenir un membre du conseil constitutionnel pour neuf ans alors qu’il aura 74 ans en août 2019. Ce n’est certainement pas le genre de promotion susceptible de réjouir ceux qui souhaiteraient une république plus vertueuse car , enfin , on oublie vite les malversations commises par ce « grand serviteur de l’État ».
Aussi est-il bon de rappeler ce que publiait le Nouvel Observateur le 2 décembre 2004.
« Alain Juppé a été reconnu coupable d’avoir, en tant qu’ex-secrétaire général du RPR (1988-1995) et adjoint aux finances à la mairie de Paris (1983-1995), couvert la rémunération par la Ville de sept personnes qui travaillaient en réalité pour le parti gaulliste.
Dans son arrêt, la cour a estimé « regrettable que M. Juppé, dont les qualités intellectuelles sont unaniment reconnues, n’ait pas cru devoir assumer devant la justice l’ensemble de ses responsabilités pénales et ait maintenu la négation de faits avérés ».
La cour a aussi jugé « particulièrement regrettable qu’au moment où le législateur prenait conscience de la nécessité de mettre fin à des pratiques délictueuses qui existaient à l’occasion du financement des partis politiques, M. Juppé n’ait pas appliqué à son propre parti, dont il était le secrétaire général à l’autorité incontestée, les règles qu’il avait votées au Parlement ».
On connaît la suite du feuilleton. Alors que beaucoup le croyaient définitivement sorti de la scène politique, l’intéressé qui s’était fait oublier quelque temps, s’est vu offrir comme strapontin la mairie de Bordeaux. Sans doute espérait-il mieux puisqu’il a osé postuler aux primaires de la droite en 2016 à l’issue desquelles il déclarait se consacrer aux seules affaires bordelaises. Mais ces gens-là, dont on ne veut plus, sont comme mes caméléons. Un œil peut regarder devant pendant que l’autre regarde à côté. On ne sait jamais, il peut y avoir quelque chose qui traîne ici ou là.
Et voilà une bonne planque pour neuf ans, sans responsabilité, pour un salaire avoisinant mensuellement 13000€. Autrement plus que l’indemnité municipale !
Seul Yves JEGO n’avait pas cru à l’enterrement d’Alain JUPPÈ. Beaucoup d’autres y croyaient dans l’espoir d’une place à prendre.
«  Le bon peuple », celui des gens comme vous et moi, qui travaille, cotise, paient ses impôts, qui râle mais oublie vite, ne va prêter attention à cet outrage aux bonnes mœurs. La moralisation de la politique n’est pas pour demain. Ce n’est pas des milliers de gilets jaunes qui devraient se retrouver dans la rue mais des millions de citoyens paisibles , non casseurs, venant crier leur colère. Il ne manque qu’un chef d’orchestre pour l’organiser. Imaginons-nous le droit pour un tricheur de contrôler la constitutionnalité des lois ?

Pierre ESPOSITO

Crédit photo : Conseil constitutionnel .fr

Laïcité ou cathophobie ?

Les débats parlementaires sur « le mariage pour tous » démontrent le sectarisme du législateur actuel contre le religieux et plus spécialement, il faut le dire clairement, contre la religion catholique pour laquelle le mariage est un sacrement sans autre effet que celui de vivre selon sa foi. 

La preuve, la voici : L’article 433-21 du code pénal punit le ministre du culte qui célèbrerait le mariage religieux sans que les époux ait contracté préalablement un mariage civil. Cette disposition qui remonte à 1792 trouve son origine dans la haine qui animait les révolutionnaires contre l’Eglise catholique qui avait le monopole de l’état-civil. La raison du texte ayant disparu, on peut légitimement penser qu’il n’a plus lieu d’exister. Des parlementaires de l’opposition ont donc déposé un amendement soutenant son abolition. Il reçut un avis contraire et de la commission des lois de l’Assemblée Nationale et du Gouvernement, sans que personne se soit posé la question de savoir si le texte n’était pas contraire à des dispositions constitutionnelles ou des conventions internationales.

Ayant appris qu’un député de la majorité , au demeurant avocat, avait combattu l’amendement, j’ai cru bon de lui dire mon point de vue dans les termes suivants : « Je vous écris  pour m’étonner du rejet de l’amendement relatif à l’abrogation de l’article 433-21 du code pénal. Pour ce qui vous concerne, vous avez déclaré « le mariage n’est pas sacré à moins de considérer que le principe de laïcité est caduc »  Et vous avez parfaitement raison. La religion relève de la sphère privée et ne peut s’imposer à personne. Dans le même registre vous avez écrit à l’évêque de Bayonne «  sachez que je me soucie de la liberté de culte et de pratique de chacun dans sa propre foi ». 

Je rends hommage à votre indépendance d’esprit, mais à partir de là nos points de vue divergent. J’ai suivi un peu la discussion qui s’est instaurée sur l’amendement  et vous avoue être sidéré par l’absence d’une réflexion  juridique sérieuse. En effet, ce texte est contraire à toutes les déclarations ou conventions que notre pays a adoptées à savoir : l’art.10 de la déclaration des droits de l’homme :  « nul ne doit être inquiété pour ses opinions, mêmes religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public » ; l’art.9 de la convention européenne :  «  tout individu a droit à la  liberté de religion ; ce droit implique la liberté de manifester sa religion par le culte, les pratiques et l’accomplissement des rites » ; l’art. 18 de la déclaration universelle «  tout individu a droit à la liberté de religion ; ce qui implique la liberté de manifester sa religion par le culte et l’accomplissement de rites ».

A ces arguments, j’aurais pu ajouter, l’article 1er de la Constitution qui fait de la France une république laïque qui respecte toutes les croyances, une décision du Conseil Constitutionnel pour qui la laïcité « implique la neutralté de l’Etat, le respect de toutes les croyances et la garantie du libre exercice du culte ».

Je poursuivis s’agissant du texte pénal  « Il est donc inconstitutionnel et c’est cela qui méritait débat ». Or, pour les catholiques, le mariage est un sacrement. Autrement dit, pour accéder au sacrement de communion, ils doivent être mariés religieusement. Ce texte les en empêche et il est en plus mal ficelé. En effet, le prêtre ne célèbre rien ; il enregistre simplement l’accord des époux qui, eux, se donnent le sacrement du mariage. Il est comme l’officier d’état-civil.

L’argument qui consiste à dire que ceux qui se marieraient religieusement pourraient croire à un mariage produisant des effets civils est stupide.

Je crois bon de vous dire que ce texte contraint par exemple un veuf – plus généralement une veuve – de vivre en dehors de sa religion pour ne pas perdre ses droits à une pension de réversion. Il en va de même des pacsés qui ne désirent pas aller jusqu’au mariage.

Enfin, deux personnes ayant chacune des enfants d’un précédent lit mais qui ,ne souhaitant pas que le survivant soit mêlé à la succession du prédécédé, ne désirent pas contracter un mariage civil, sont empêchés de se donner le sacrement du mariage et donc de vivre selon leur foi. Et cela rejoint ce que vous avez écrit à l’évêque «  la liberté de culte et de pratique de chacun dans sa propre foi ». Je suis sûr que toute cette argumentation vous aurait conduite à une autre réflexion.

Je termine en vous disant que sous la pression musulmane, l’Allemagne a supprimé un texte semblable au nôtre et que depuis 2009 les catholiques de toute la France peuvent aller se marier religieusement en Allemagne, comme d’autres le font en Espagne ou en Andorre.

Bien entendu aucun effet civil ne serait reconnu au mariage religieux. Il resterait dans la sphère religieuse ».  

Ce courrier n’a pas reçu de réplique. Peut-être  ai-je convaincu mon estimable confrère ?

Mais si tel n’est pas le cas, je suis personnellement convaincu qu’il est devenu de bon ton de faire, sans le dire, de la cathophobie, peut-être sous l’influence d’idées philosophiques politiquement aussi puissantes que discrètes qui savent que les  » cathos  » ont appris à tout pardonner.

Cela dit, je propose au clergé de transgresser le texte et, en cas de poursuites, de le soumettre à la censure du Conseil Constitutionnel qui ne pourra que le faire disparaître de notre code pénal.

 – par Pierre Esposito