Au lendemain de ces élections, nos élus vont se mettre au travail : aux élus de la majorité la charge de mettre en œuvre leurs propositions ; aux élus de l’opposition celle de contrôler l’action de la majorité.
En y regardant de plus près, cette dualité majorité/opposition est un peu plus complexe qu’il n’y parait.
Arrivée en tête au 2ème tour, la liste « Aimons Pau » est logiquement majoritaire en nombre de sièges au conseil. Doit-on pour autant considérer la liste « Le Mouvement » comme une liste d’opposition parce que minoritaire ?
Les principaux concernés nous ont déjà donné des éléments de réponse :
- M. Habib a parlé d’ «opposition constructive »,
- M. Dartigolles dont on ne se sait pourquoi il a pris le micro (Cf. article E. Penne) se dit être « clairement dans l’opposition »,
- Last but not least, Mme Bled qui, non élue, a déclaré « appartenir désormais à l’opposition municipale ».
D’où nous vient cette idée que dans un conseil municipal, minorité veut dire opposition ?
Sûrement au fait que les maires de nos grandes agglomérations ont été pendant des décennies des députés-maires, reproduisant ainsi machinalement (ou volontairement ?) le concept de majorité / opposition parlementaire.
Il est important de noter que « le fait majoritaire » est en quelque sorte une déviance de notre système politique. En effet, selon la constitution, l’assemblée doit être un contre pouvoir vis-à-vis du gouvernement. Or nous constatons que ce rôle est maintenant donné à la minorité de l’assemblée, avec des postures malheureusement indignes sinon caricaturales.
En revenant à nos problématiques locales, doit-on considérer l’opposition comme étant ceux qui appartenaient aux listes minoritaires lors du vote du 2ème tour ou s’agit-elle de ceux qui vont voter contre la majorité lors des délibérations particulières comme le budget par exemple ?
La liste sortante « Cap&Cœur » nous a démontré que la cohésion de la majorité et donc son existence, n’était pas une chose simple à maintenir. Preuve en est les quelques (nombreux ?) désistements en cours et fin de mandat à tort ou à raison de la liste « Cap&Cœur » : Isseini, Boniface, Castéra, Denis,…
Une fois le budget voté, se posera ensuite la question des priorités à mettre en œuvre avec leur cadencement dans le temps ou encore le rythme à donner…Autant d’éléments pouvant modifier sinon perturber ladite majorité et donc de fait son opposition au cours du mandat.
L’opposition : un concept indéfini et mouvant ?
Et le citoyen dans tout ça ? Qu’attend-il de cette minorité ? :
- qu’elle soit un contre-pouvoir face à la majorité ?
- qu’elle soit la voix du mécontentement des citoyens par rapport aux promesses non tenues ?
- qu’elle apporte son intelligence pour aider la majorité à faire de Pau la plus belle ville de France ?
Si les élus minoritaires choisissent eux-mêmes d’aider corps et âme la majorité, ne prennent-ils pas le risque de se mettre en porte-à-faux ou de ne pas être reconnus lors des élections de 2020 ? A ce titre, la posture d’opposition n’est-elle pas un gage de succès futur comme l’a peut-être évoqué avec humour M. Habib au dernier conseil : « après les échecs succède le triomphe » ?
Si le citoyen choisit que la minorité doit jouer un rôle de contre-pouvoir, il est important qu’il (le citoyen) soit informé des dispositifs mis à la disposition des élus de l’opposition afin qu’il puisse juger en toute connaissance de cause l’efficacité de l’opposition.
Dans le code général des collectivités territoriales, des dispositifs existent pour les élus de l’opposition : droit d’expression à l’intérieur de l’assemblée délibérante, droit d’être représentés dans les commissions instituées par l’assemblée délibérante, droit de proposer la constitution de mission d’information, prêt de salle,…
On voit également apparaître des associations d’élus locaux d’opposition ( http://www.aelo.info/ )
Mais encore une fois, pour juger efficacement de l’action des élus de l’opposition, le citoyen est-il informé de ces dispositifs ? Nos élus palois de l’opposition eux-mêmes vont-ils faire ce travail difficile d’éduquer les masses (abstentionnistes) sur un sujet aussi ingrat ?
Il serait regrettable en effet pour M. Dartigolles par exemple, qu’après s’être fait sanctionner à ces élections à cause du contexte national, il se fasse sanctionner encore en 2020 à cause de l’ignorance des citoyens quant à ses réelles possibilités dans l’opposition. Stop à l’injustice !
Plus sérieusement, face à la multitude des projets, des actions, du nombre d’adjoints à temps plein et de délégués de la majorité, un élu d’opposition peut-il être efficace sans être à temps plein ?
Pour aller droit au but et poser la question autrement : l’opposition est-elle légitime dans un conseil municipal ?
Ne doit-on pas trouver un mode de gouvernance où les citoyens auraient les moyens de jouer réellement ce contre-pouvoir en cours de mandat et non pas une fois tous les 6 ans au moment des élections ?
Dans une logique d’ouverture et de libération quant aux postures partisanes dont il a horreur, M. Bayrou saura faire preuve, n’en doutons pas, d’innovation en la matière…pour le bien de Pau et des Palois.
– par Mehdi Jabrane