De Pierre Mendès-France (1954) à François Hollande (2015)

imagesAyant « vécu », jeune homme l’instabilité de la fin de la IV° République, j’ai applaudi des deux mains à la nouvelle Constitution qui installait en France, un régime présidentiel. Un Président, élu au suffrage universel ET doté de tels pouvoirs met la France à l’abri de tout conflit sans solution entre :

  • Le I° Ministre et le Président
  • Le Président et l’Assemblée
  • Le Gouvernement et l’Assemblée  etc. etc.

Et permet si le Président a une bonne vision,  de dynamiser le pays.

 A) La V° RÉPUBLIQUE  A  DÉGÉNÉRÉ

D’abord, elle est devenue incapable de vivre sans recourir massivement à l’emprunt.

Ensuite, corrélativement elle raté sa décentralisation.

Enfin, elle a changé de nature en passant du septennat au quinquennat.

De même qu’il suffit de deux degrés (autour du zéro) pour changer la glace en eau , les deux ans de moins ont amoindri et le Président et le Premier Ministre. De plus, les deux ans de moins rendent possible une alternance stérile où chaque opposition devenue majorité annule ou amoindri le travail précédent.

A l’expérience il me semble que ce pouvoir confié à un seul homme présente deux types d’inconvénients.

Inconvénient psychologique pour les français :

  • Leur Président a en théorie le pouvoir suprême, mais ils ne savent pas jusqu’à quel point ses Ministres seront suivis par les hauts fonctionnaires ; ils savent parfaitement, par contre,que les syndicats CGT et FO s’opposeront aux réformes.
  • Notre élection Présidentielle est un vote dans le brouillard, les yeux fermés.
  • Inconvénient dans les faits.

Ce système a rendu possible :

  1. La décision capricieuse
  2. Le groupe de décisions contradictoires
  3. L’absence de décision

 1- La décision capricieuse

En Avril 1997 Jacques Chirac dissout l’Assemblée dans laquelle il disposait pourtant d’une large majorité. Les électeurs n’ont pas apprécié cette fantaisie et lui ont renvoyé une Chambre d’opposition ( bien fait!!!).

Il y a un autre exemple de décision capricieuse : quand un Président ( lequel ? ) a brusquement éliminé du gouvernement trois Ministres femmes. Sont-elles devenues mauvaises toutes les trois en même temps ???

 2 – Le groupe de décisions contradictoires

Sous François Mitterrand

  • décision n° 1    en 1982   recul du départ à la retraite de 65 à 60 ans
  • décision  n°2     en 1992   Traité de Maastricht instaurant l’ EURO
  • décision  n°3     en 1998 et 2000  passage aux 35 heures

C’est pire que tout : en cours d’une période longue (de 1982 à 2000 ) pendant laquelle on diminue délibérément la durée totale du travail des français, il installe la France dans une monnaie unique avec les pays voisins du Nord, du Sud et de l’Est qui travaillent plus longtemps et certains plus longtemps et moins cher que nous.

 3   L’absence de décision

Avec le Président François Hollande, malgré tous les pouvoirs que lui donne la Constitution, on a, sur le plan intérieur, une quasi absence de décision, mal camouflée par la défausse constante sur les « partenaires sociaux ».

 B)  IL FAUT RÉGÉNÉRER LA V° RÉPUBLIQUE

Proposition :

On remplace l’élection Présidentielle tous les cinq ans, par celle D’UNE EQUIPE MINISTÈRIELLE COMPLÉTE  tous les trois ans, avec :

  • Un Premier ministre
  • Un nombre réduit de grands ministres  ( une dizaine ?)
  • Un projet gouvernemental pour trois ans

Le Premier Ministre étant, bien sur le Représentant de la France sur le plan extérieur, mais seulement un « primus inter pares » sur le plan intérieur. Le projet gouvernemental étant explicitement voté il engage l’équipe ministérielle, mais aussi le peuple.

Avantages de ce système :

 1  Psychologie collective

Nous cessons de nous polariser sur une seule personne.

 2  La stabilité gouvernementale est garantie pour trois ans, ce que nos Présidents  successifs  nous ont rarement accordé.

 3   Le projet  et l’équipe  ne doivent pas être remis en question par :

3a   Le peuple :

« Ne dites plus  « le Pouvoir », mais dites : «  l’équipe que nous avons élue »

3b   Les hauts fonctionnaires des Ministères

( Je suis partisan du « spoil system » à l’américaine, les Hauts fonctionnaires des Ministères devraient être en communion de pensée avec leur Ministre ou bien être éliminés).

Dans le système actuel, un Directeur qui n’est pas dans la même ligne politique que son Ministre peut toujours, j’imagine, » traîner les pieds » en attendant un changement ministériel. Après cette réforme il saura qu’il en a pour trois ans garantis.

3c   Les Syndicats

Le projet qui a été voté en même temps que l’équipe aura, de facto, valeur de référendum. Les syndicats n’auront pas le droit de le contester.

 4   Démarrage

4a  Plus de primaires au sein des grands partis

Lors des primaires les prétendants doivent logiquement exhiber leurs différences, voir, s’insulter poliment. Il vaut mieux qu’ils recherchent ce qui les réunit et qu’ils s’organisent pour monter une équipe entière qui prendra le pouvoir si le peuple le décide.

4b  Moins de démagogie lors de la campagne

Un peu de démagogie est inévitable en démocratie, mais elle sera limitée car l’équipe sera consciente qu’elle devra elle-même mettre en œuvre ses promesses.

5   Cohérence et rapidité

5a  Pas de cohabitation par définition

5b  Cohérence de l’équipe

Elle s’est cooptée, cela garanti mieux sa cohérence que le choix d’un homme seul, ou même de deux hommes ( le Président et le Premier Ministre )

5c  Rapidité de la mise en œuvre du projet (voté)

L’équipe s’étant préparée avant l’élection elle met en œuvre son projet une fois élue,sans se demander si c’est trop tôt ou trop tard, avec calme et détermination.

 6   La France ne serait plus bicéphale

Le Président actuel n’est évidement pas un homme seul, il y a la Présidence avec des postes officiels et des conseillers plus ou moins occultes et  non élus. Par conséquent il y a à la tête de la France une Présidence et un Gouvernement. Respectivement : l’Elysée et Matignon.

Avec un Premier Ministre élu au suffrage universel (avec ses Ministres) il y aurait une seule tête. C’est mieux pour les Français, c’est mieux pour l’Etranger.

 7   La Politique de la France ne serait plus unidimensionnelle

Les candidats-présidents se classent nécessairement sur un axe unidimensionnel : Gauche-Centre-Droite

Les équipes candidates pourraient se définir selon 4 dimensions indépendantes :

  • Gauche-Droite (inévitable)
  • écologique (on peut être écologiste et de gauche ou de droite)
  • keynesienne
  • communautariste

Une équipe étant libre de donner la valeur zéro à une ou plusieurs  de ces dimensions

 8  Métapolitique (!)

MÉTAPHYSIQUE                                          I         POLITIQUE
———————————————-            I————————————————
Dieu existe et intervient                           I  Le Régime présidentiel français actuel
Dieu existe mais n’intervient pas           I  Une Royauté démocratique européenne
Dieu n’existe pas                                       I La V° République régénérée

 C)  Nouvelles relations entre le Gouvernement et l’Assemblée

Il faut d’abord une nouvelle synchronisation des deux élections. Je propose, en première approche 3 ans renouvelable une seule fois pour le Gouvernement, et 6 ans pour l’Assemblée Nationale. Il y aurait tous les trois ans soit une élection paire ( Gouvernement et Assemblée) soit une élection impaire (Gouvernement seul )

Le concept  de Majorité-Opposition change de sens : un peuple réuni a, dans son ensemble approuvé un projet. Le Gouvernement et l’Assemblée collaborent pour le mettre en œuvre. D’ailleurs, les députés étant deux ou trois fois moins nombreux, chacun est deux ou trois fois plus important et peux discuter personnellement avec un ministre. L’ensemble des projets rejetés a une « image » dans l’Assemblée et bien sur pourra s’exprimer mais ne pourra pas empêcher le projet d’avancer.

Équilibre des pouvoirs

Il y a prédominance de l’Exécutif par son pouvoir de dissolution. Mais la Chambre a l’avantage d’une durée double (si tout va bien ) et d’avoir en son sein le Président honorifique de la France, la fonction de Président de l’Assemblée y étant attachée.

L’idée de base de la V° République était de concilier la Démocratie et l’efficacité  il me semble que sa version « gouvernement élu direct » reste dans l’esprit du fondateur.

 D) Comment font les autre pays européens ?

EN  EUROPE ;  LES ROIS,  LES PRÉSIDENTS,  LES PREMIERS MINISTRES

PAYS             ROI/REINE          I         PRÉSIDENT                   I          POUVOIR
d’Europe                                   I élu direct   I    élu indirect       I         suprême
———————————————————————————————
FRANCE                                    I         X       I                            I         Président
BULGARIE *                              I         X       I                            I          Président
CROATIE *                                I         X       I                            I         Président
BELGIQUE **                  X        I                  I                            I         1 Ministre
ESPAGNE **                   X        I                  I                            I         1 Ministre
GRANDE BRETAGNE    X        I                  I                            I         1 Ministre
SUÈDE                           X        I                  I                            I         1 Ministre
NORVÈGE                      X        I                  I                            I         1 Ministre
DANEMARK                   X        I                  I                             I         1 Ministre
FINLANDE                      X        I                  I                            I         1 Ministre
PORTUGAL                    X        I                  I                            I         1 Ministre
LUXEMBOURG ***         X        I                  I                            I         1 Ministre
IRLANDE                                  I         X       I                            I         1 Ministre
ROUMANIE                              I         X       I                            I         1 Ministre
POLOGNE                                I         X       I                            I         1 Ministre
TCHÉQUIE                                I         X       I                            I         1 Ministre
SLOVAQUIE                              I         X       I                            I         1 Ministre
AUTRICHE                                I         X       I                            I         1 Ministre
SLOVÉNIE                                 I         X       I                            I         1 Ministre
ITALIE                                        I                  I         X                 I         1 Ministre
ALLEMAGNE                             I                  I         X                 I          Chancelier
GRÈCE                                      I                  I         X                I         1 Ministre
HONGRIE                                  I                  I         X                I         Président

*  Présidents de Bulgarie, Croatie, Hongrie : Présidents puissants mais non « pouvoir suprême »
**  Royaumes démocratiques de Belgique et d’Espagne : rois non dénués de pouvoir
***  Grand Duché de Luxembourg

Le tableau «  Rois, Présidents, Premiers Ministre » montre la quasi-exception française, avec un Président élu au suffrage direct et porteur du pouvoir suprême. La France partage cette particularité avec la Bulgarie et la Croatie, et encore, leurs Présidents disposent de moins de pouvoirs que le français. Si on compare la France aux seuls  « vieux pays » elle est strictement exceptionnelle.

   JF de Lagausie, le 13 Mars 2015

Élections départementales. La suppression des départements n’aura pas lieu !

imagesCe n’est pas être un grand clerc que de se permettre une telle affirmation aussi péremptoire que peu divinatrice. Le projet qui avait pris la forme d’un engagement définitif dans une circonstance officielle de la part du premier ministre de la France a plus que du plomb dans l’aile. Mais est-il possible dans notre pays de réaliser une réforme ?

 Dans un premier temps on nous disait que la réforme territoriale allait entrer en vigueur très prochainement ; les régions se sont agrandies. On nous disait pour être plus précis, que les départements allaient bientôt disparaître, à la fin du quinquennat, soit en 2017. Puis devant un grand nombre de difficultés, le premier ministre dans un discours, dit de politique générale, a repoussé l’échéance à 2021.

 On nous disait que la totalité des départements allait disparaître puis il fut question de ne conserver que les départements essentiellement ruraux, pour des raisons de proximité.  Au passage on est autorisé à s’interroger sur la définition d’un département rural et à vouloir savoir ce que représente vraiment la proximité chez les élus.

 Alors devant ces échéances sans fin reportées aux calendes grecques on a organisé, selon des règles jusque là inédites, des élections départementales.  Vous avez évidemment  tous remarqué qu’on n’élit plus des conseillers généraux mais des conseillers départementaux. Tu parles d’un changement. Si c’est là que se trouve l’amincissement du millefeuille, c’est sans doute un peu court.

 Maintenant on nous dit qu’il faut craindre les futurs résultats de ce scrutin et qu’on a peur pour le pays, car une certaine formation politique est bien placée dans les sondages. Devant cet émoi, on est en droit de se demander pourquoi donc dans ces conditions, recourir à ces élections nouvelles formes. La logique n’est pas évidente chez nos politiques.

 On nous dit, pour nous laisser croire que l’on met les départements sur une voie de garage, que l’on va légiférer sur ses compétences. Dans le but, ceci étant sous-entendu, d’amoindrir dans des proportions conséquentes son influence, voire son pouvoir. Mais les élus cumulards s’emparent du sujet, font traîner les débats au point que le résultat de leurs travaux ne sera pas connu avant la fin de l’année. En tout cas bien après des élections où les candidats sont ipso facto placés dans l’impossibilité de débattre d’un programme parce qu’ils ignorent officiellement ce qu’ils auront à faire.

 On nous dit sur tous les tons qu’il faut réformer la constitution, voire changer de constitution. Les beaux apôtres adeptes de ces grandes théories ignorent jusqu’au contenu  d’un tel changement. Mais faudrait-il  changer la constitution pour changer la constitution ; parce qu’elle date de 1958 et que les données sociales de l’époque ne sont plus celles d’aujourd’hui ?

 « Il ne faut toucher aux lois que d’une main tremblante. Les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires »*.

  Il existe des modalités précises pour parvenir à cette fin. Le problème justement est qu’actuellement ces modalités sont impossibles. Modifier la constitution ne peut se faire que de deux façons, soit par la réunion du parlement en congrès** (Sénat plus Assemblée Nationale). Il faudra alors pour adopter un texte une majorité des trois cinquièmes.  Soit  la voie référendaire. Mais c’est compter sans les élus actuels qui,  vent debout contre toute réforme  par crainte de perdre leur fromage, feront tout pour que cette majorité des trois cinquièmes n’existe pas. D’autre part, les politiques qui savent que les Français profiteraient de l’occasion d’un référendum pour les désavouer, ne veulent pas de cette consultation du peuple.

 Alors c’est l’impasse et, à part le retour d’un Général de Gaulle, ou une explosion sociale, nous sommes condamnés à subir ce millefeuille. Et les élus, dans l’unique souci de se valoriser, dépenseront encore sans compter l’argent des contribuables. Une réforme impossible donc, mais cela on a soigneusement oublié de vous le dire.

 

Pau, le 10 mars 2015

Par Joël BRAUD

*Charles-Louis de Secondat, baron de la Brède et de Montesquieu.

**Article 89 de la constitution.