J’ai eu l’occasion, ces derniers temps, avant la canicule, de circuler à la périphérie rapprochée de Pau. Le parcours centrifuge des grands axes que je n’emprunte plus guère m’a fait penser à la nouvelle émission de Patrick Lopez avec Malik Bentalha :
J’ai fait «Rendez-vous en terre inconnue» à 15 minutes de chez moi.
Toutes mes marques sont effacées, je ne reconnais plus rien ; là où j’allais faire de l’entomologie et de la botanique en bordure des champs, dans les fossés, les boqueteaux, là où les terres agricoles étaient cultivées, on trouve du béton, encore du béton, toujours du béton, du bitume, de la pollution ambiante très diverse, une urbanisation galopante, des zones commerciales ou industrielles où l’on peut tout trouver suivant ses besoins, des parkings pleins et faciles d’accès, des véhicules avec, le plus souvent, une seule personne ; on la voit revenir du magasin et charger le coffre à partir d’un caddie débordant.
Pau et son agglo, ça rayonne !
Au loin, on aperçoit quelques maïs, colza ou tournesol! Jusqu’à quand ?
Cela ne semble pas freiner la fréquentation des grandes surfaces implantées depuis longtemps plus près de Pau ; chez Auchan où on trouve parfois difficilement une place pour garer, je suis resté,volontairement, pendant un bon 1/4 d’heure, discrètement, à proximité d’une caisse ; c’est ahurissant le nombre de produits gadgets inutiles qui sont achetés !
Et on s’étonne que les commerces du centre ville ne tiennent pas !
(et que le pouvoir d’achat soit insuffisant !)
Tout ceci est conforme à la dynamique stimulée dans les nombreux textes de propagande diffusés par les médias, ou dans les émissions où on glorifie, comme un leitmotiv, la nécessité de faire marcher le commerce, de multiplier les écoles de commerce, les auto-entreprises, les emplois commerciaux,… Pas de problème, cela fonctionne ! Sud Ouest fait de nombreux articles sur les «perles» de la région, vertus économiques d’un tourisme de masse dévastateur… La croissance est au rendez-vous mais pas encore assez rapide et intense !
Je ne parviens pas à comprendre comment, en consommant 2, 3…100 fois plus, on serait plus heureux et moins malades !!!
A moins que la croissance ne soit pas destinée à tous !!!!!
J’avoue que je suis complètement découragé car je prends conscience de l’étendue de mon illusion d’espérer changer quelque chose en dénonçant le non-sens évident de ce comportement. Chacun, avec un abîme de désintérêt, n’en a cure; la satisfaction immédiate et égoïste contribue pourtant à son autodestruction et celle de ses enfants.
On a vraiment l’impression que Donald Trump ratisse jusque chez nous !
Pourtant, nous vivons déjà les conséquences de cette politique de l’autruche. La terre inconnue se profile : réchauffement climatique : Samu et urgences débordés, généralistes en chute libre, montée des eaux, fonte des glaciers, pollution générale, danger de l’alimentation industrielle, incendies en Scandinavie, nombreux morts aux Etats-Unis et en Grèce, tempêtes tropicales ailleurs, maladies tropicales en progression, moustique tigre à nos portes…
On répond, officiellement, par des nécessités d’adaptation au moindre coût et des résolutions en l’air qui endorment un public qui ne demande que cela : être rassuré !
Pendant ce temps, Contrairement aux automobilistes, les camions, roulant au gazole, bénéficient d’exonérations fiscales sur la taxe carbone, en 2017, cette exonération représente pas moins de 900 millions d’euros !
Le Tour de France est de plus en plus l’illustration de la commercialisation du corps, de sa dégradation par le dopage, des activités physiques appelées encore parfois du sport, de l’hyperconsommation, de la malbouffe par la pub ! Cela rejoint la consternation que j’ai ressentie en suivant un bon bout de temps, à la télé, l’arrivée et le trajet de nos«champions du monde», en bus. J’ai constaté que, finalement, beaucoup ne venaient pas voir les joueurs, ils voulaient se réunir pour chanter, crier, danser ensemble, s’éclater,… faire la fête, comme on dit, car, avant, et surtout au moment du passage, les fumigènes cachaient tout !!
Ce besoin de défoulement, aidé souvent par des adjuvants variés, en dit long sur le désespoir d’une population qui a besoin de tels agissements pour oublier !
«Les choses ne pourront pas continuer comme cela. Trop de logiques semblent devenues folles. Celles qui gouvernent l’économie, la technologie, la biologie, la finance mondiale, etc. Trop de courses effrénées dans le brouillard du «progrès».Trop de courte vue, trop d’inconséquence collective.
Nous savons que la vie des sociétés humaines ne pourra pas se ramener très longtemps à cette bruyante vacuité : taux de croissance, bourse en folie, téléphone portable, internet, consommation immodérée, course au résultat, compétitivité, bataille, individualisme ravageur et addiction arithmétique (combien, quel chiffres ?) gouvernant chaque recoin de nos vies.»
Cette agitation, cette cavalcade, cette obsession consumériste, n’ont pas de signification durable ou fondatrice.» J-Cl Guillebaud
À C dans l’Air on évoquait les contrats de P.P.P. Un scandale pour le pauvre peuple, surtout pour nos enfants qui devront payer des sommes exorbitantes pour la satisfaction du prestige de nos élus.
Quand on suit les émissions sur le massacre sociétal lié au démantèlement du service public de la SNCF, les atteintes aux protections sociales et sanitaires, on prend conscience de l’existence de penseurs illusionnistes qui veulent persuader que la politique ambiante est l’avenir du genre humain !
L’incendie des transformateurs, l’arrêt progressif des centrales nucléaires (4 pour l’instant) par suite de la montée en température des eaux de refroidissement, 44° dans l’enceinte de travail d’une entreprise bordelaise, gilets réfrigérants distribués au personnel, mildiou dans les vignes malgré 14 traitements appelés «phytosanitaires» !! (France 3 Aquitaine jeudi 2 août), urgences et hôpitaux saturés, Ephad débordés par les mesures à prendre nuit et jour, conditions sublétales sur les chantiers du BTP, des millions de véhicules polluants avec femmes et enfants, sur les routes et autoroutes en cette période de chassé-croisé, les alertes à l’ozone dans bien des villes, la climatisation qui augmente la température urbaine…
Des conseillers autoproclamés, beaucoup dans leur bureau climatisé, n’hésitent pas à demander des économies tout en proclamant la nécessité d’une «remise au travail» ! de tous ces salariés trop souvent absents, trop nombreux, qui doivent pouvoir remplir plusieurs tâches afin de diminuer leur nombre et qui coûtent «un pognon dingue» quand ils n’ont plus ou pas de travail ! La France d’en bas ne veut pas comprendre que pour diminuer les charges des entreprises, remplir le tonneau des Danaïdes du nucléaire, maintenir une armée pour défendre l’Europe, compenser les évasions fiscales… il faut bien que les hôpitaux publics, les Ephad, les retraités, les chômeurs…contribuent au financement des déficits !
Le voyage en terre inconnue, il est aussi pour une société humaine sur sa planète
Nos voisins européens seraient en avance sur nous dans ce voyage ; sont-ils plus heureux pour cela, vivent-il mieux, y a-t-il moins de pauvreté, plus de stabilité, plus de protection sociale, plus d’emplois réels, plus de sérénité, plus de bonheur en somme ? Si l’on considère l’actualité, j’en doute !
«Quand à la folie spécifique qui gouverne la technoscience et l’économie mondiale, il faudra bien réapprendre à en faire la critique, à mettre nos distances avec ses dogmes, à congédier tous ceux qui nous prêchent la soumission immédiate au nouvel ordre du monde. Nous devons réinventer une critique sociale du libéralisme devenu fou.. Mais une critique neuve, lucide sans nostalgie passéiste ; une critique qui soit un rééquilibrage des esprits, une insurrection contre les nouvelles injustices, les nouvelles tyrannies et les nouvelles dominations. Celles de l’argent, de la suffisance, du mépris , de la bêtise.» J-Cl Guillebaud
Pendant un temps, la France s’est imaginée avoir trouvé un sauveur ; la politique libérale, de plus en plus éloignée de ses fondements conceptuels, nous est imposée et fidèlement appliquée par la nouvelle équipe soutenue par des élus godillots incompétents et irresponsables.
«Apprendre à contrer l’air du temps. Sans cette analyse rénovée, le libéralisme devenu fou continuera à détruire le tissu social. Des frémissements, comparables à ceux qui annoncent le printemps, commencent à se produire; pensons à tous ces hommes et ses femmes qui disent «Non !» : militants du social, animateurs d’ONG, membres des réseaux associatifs, créateurs rebelles…L’espérance nous a souvent prouvé qu’elle ne renonçait pas. Tant mieux !» J Cl Guillebaud.
Cette magie frelatée d’une politique salvatrice fait penser à ce texte issu de Louis Aragon, mis en musique et chanté par Léo Ferré.
Cœur léger, cœur changeant, cœur lourd
Le temps de rêver est bien court
Que faut-il faire de mes nuits?
Que faut-il faire de mes jours ?
Je n’avais amour ni demeure
Nulle part où je vive ou meure
Je passais comme la rumeur
Je m’endormais comme le bruit.
C’était un temps déraisonnable
On avait mis les morts à table
On faisait des châteaux de sable
On prenait les loups pour des chiens
Est-ce ainsi que les hommes vivent ?
Signé Georges Vallet
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