Vous souhaiteriez peut-être que je commente ce remaniement. Je ne suis pas certain d’en avoir plus envie que vous. Voyons cependant en quoi il pourrait nous concerner.
Bien que le chef de l’État se soit défendu de tout calcul, il saute aux yeux que ce remaniement vise à lui apporter une plus large assise politique et à faire taire les critiques, ou du moins à leur mettre une sourdine. La composition du gouvernement montre à l’évidence l’art de la synthèse de M. Hollande. Peut-on lui reprocher de chercher à s’entourer de personnes qui renforceraient ses choix ? Avec Arnaud Montebourg et Christiane Taubira le pays a connu des situations déroutantes dans lesquelles des ministres s’exprimaient en opposition radicale avec les options prises par le Président. Dans le domaine sportif, l’équipe nationale de football a connu de telles tensions et il faut bien reconnaître qu’elles ne sont guère propices aux succès.
Dans un pays qui adore la critique, voire le dénigrement, on ne peut pas s’attendre à la fin des divergences d’opinion. A l’extérieur du gouvernement, bien sûr, comme chez les écologistes indignés par le ralliement de certains de leurs dirigeants, mais aussi à l’intérieur, comme l’ont montré les propos d’Emmanuelle Cosse au lendemain de sa nomination. Mais du moins ces critiques sont-elles feutrées et marquées du ton de la loyauté. Sur la question de la déchéance de nationalité on peut se demander si le chef de l’État lui-même ne regrette pas son engagement dans une voie incertaine, voire sans issue. Et à la lecture de l’opinion d’un homme aussi respecté que M. Badinter (Le Monde du 6 février) on constate que l’éminent juriste ne sait guère mieux que vous et moi comment sortir de l’antinomie entre l’obligation de traiter de manière égale tous les citoyens français et le respect d’engagements internationaux interdisant la fabrication d’apatrides. S’appuyer sur le code civil plutôt que sur un changement constitutionnel ne change rien au problème, même s’il se présente de manière moins solennel. Aussi, le mieux est d’en finir au plus vite avec cette impasse prise sous le coup de l’émotion et de s’attaquer aux vrais problèmes du pays : le chômage, la sécurité, l’intégration, la relance de l’économie. Le recrutement de nouvelles têtes ne provenant pas du microcosme politique apportera-t-il un souffle nouveau ? Probablement plus un zéphyr qu’un vent violent ; mais un peu de féminité et de tac ne feraient pas de mal.
La mise en œuvre d’un référendum local au cours de l’épisode actuel peut retenir notre attention. L’épreuve du feu montrera si elle est capable de mettre fin aux dissensions. L’essai vaut d’être tenté. Il pourrait donner des idées pour la Pau-Oloron et pour la LGV. Chiche !
Paul Itaulog