Cyclistes, Indiens, loi Mobilités

Les piétons et les cyclistes sont comme les Indiens d’Amérique ou les noirs sud-africains du temps de l’apartheid. L’espèce dominante leur a piqué leurs terres, les tient pour des êtres inférieurs, des moins que rien, leur assigne des espaces trop étroits, un statut de  » non person « , ou de sous-hommes, leur vote des lois qui restreignent leurs mouvements, leur liberté. Ils se révoltent et réclament d’être reconnus au même titre que l’homo bagnolus, ils contestent parfois le code de la route qui est à leur égard l’équivalent des lois encore en vigueur dans pas mal de pays arabes à l’égard des femmes. Les cyclistes revendiquent le droit à une utilisation égale de l’espace et de l’argent publics. Des décennies de tout-voiture les ont exclus, confinés dans des réserves ou des cheminements scabreux bourrés de pièges. La société leur impose des réglementations, des modes de vie contraires à leurs aspirations, leur met des bâtons dans les roues au lieu de leur ouvrir des pistes cyclables. Les élus ne s’intéressent pas à cette minorité silencieuse qu’ils traitent avec un mépris souverain car ils ne pèsent pas lourd dans les urnes. Des sommes colossales sont consacrées aux infrastructures ou aux mesures en faveur de la voiture, rarement pour le piéton encore moins pour le cycliste.

Cela génère le sentiment général que, pour se déplacer, même pour un ou deux kilomètres, la norme c’est la voiture.  » Que font là ces zombies en fluo qui utilisent encore leurs pieds pour marcher ou pour pédaler alors qu’on sait bien que le pied gauche est fait uniquement pour débrayer et le droit pour accélérer ou freiner, et le gilet fluo pour protester contre la taxe carburant ?  » En fait, comme les cyclistes tentent à coups de pédales de sauver la planète et la santé de tous, au risque de se faire renverser par les prédateurs pétaradants qui la détruisent, ils devraient être encouragés, montrés en exemples, chouchoutés, protégés en tant qu’espèce en danger, une espèce particulièrement précieuse pour la survie de l’humanité.

Michel Barrère

Administrateur de Pau à Vélo

Membre du collectif Ville Partagée

Peut-être un espoir avec la présentation aujourd’hui même de la loi Mobilités :

« Le vélo est une solution à la fois propre et pas chère, il doit devenir un mode de déplacement à part entière. Le Plan vélo présenté par le Gouvernement en septembre 2018, inédit par son ampleur, sera traduit dans la LOI MOBILITÉS. Il ambitionne de lever tous les freins qui en limitent l’usage : création d’un fonds vélo de 350M € pour lutter contre les ruptures de pistes cyclables et assurer la sécurité de tous les usagers, généralisation progressive du marquage des vélos et de parkings sécurisés pour lutter contre le vol et le recel, création d’un forfait mobilité durable jusqu’à 400 € par an pour encourager le recours au vélo dans les trajets domicile-travail, développement de l’apprentissage et d’une culture vélo à l’école pour permettre aux jeunes générations d’intégrer ce mode de déplacement doux dans leurs pratiques »

Extrait du dossier de presse officiel de présentation de la Loi mobilité, 26 novembre 2018

Une passerelle pour tous

Bravant le froid et l’humidité plus de 150 personnes se sont réunies dimanche matin au pied de la passerelle de Mazères qui, hasard du cadastre est en fait sur le territoire de Bizanos. Pour la plupart il s’agissait de cyclistes mais il y avait des handicapés désolés eux aussi de ne pas pouvoir accéder à ce nouvel équipement. Le but de ce rassemblement était de protester contre le fait que ce franchissement qui doit relier le chemin Henri IV à la piste cyclable qui longe le Gave ne soit pas adapté aux cyclistes et aux handicapés moteurs. Un dévers important entre les rives sud et nord oblige en effet à utiliser un escalier de plusieurs dizaines de marches, impossibles à franchir si on est en vélo sauf bien sûr pour les athlètes qui, comme dans les cyclo-cross, porteront leurs engins sur l’épaule.

Personne ne conteste l’utilité de ce nouveau lien entre les deux rives du Gave, par ailleurs plutôt harmonieux. Mais tout de même, le fait que l’on n’ait pas songé aux cyclistes et aux handicapés est assez significatif du peu de cas fait dans l’agglomération paloise de leur sort. D’une manière plus générale cela pose le problème des déplacements dans la cité. Si on veut limiter l’accès du centre aux voitures -pourquoi pas !-, il faut envisager des solutions alternatives et faciliter l’accès et la pratique du vélo. C’est le bon sens. Or dans les faits ce n’est pas ce qu’on nous propose. Ou du moins cela n’apparaît pas comme une préoccupation majeure de nos édiles.

On sait que la ville de Pau est divisée en deux en raison du coteau à grimper (la « haute plante ») et tous n’en sont pas capables. Rien n’est prévu pour franchir cet obstacle naturel hormis le funiculaire où trois places amovibles sont réservées aux deux roues. C’est bien peu… Une fois en haut attention ! Comme l’indiquait un quotidien local les cyclistes sont désormais sanctionnés pour avoir commis des infractions. Tout cela n’est pas très encourageant d’autant que les pistes cyclables sont mal matérialisées et dans les faits tellement dangereuses que beaucoup ne s’y risquent pas. Aller de Jurançpn à la médiathèque de Pau, par exemple, cela relève de l’exploit. Plusieurs accidents le prouvent, hélas.

Phébus, le future tram-bus, qui met la cité sans-dessus-dessous fera-t-il une place aux vélos ? Résoudra-t-il les problèmes de circulation dans Pau ? Peut-être et il ne faut pas faire de procès d’intention. En tout cas il y a des mesures très concrètes, simples, symboliques, immédiates qui peuvent être prises comme rendre cette passerelle de Bizanos –c’est ainsi qu’il faut l’appeler !- accessible à tous : à pied comme en deux roues.

Pierre Vidal

Crédit image : Pau à vélo