C’est un piège et on va tomber dedans ! Il est énorme, visible depuis des mois mais rien n’y fait ! Je veux parler du redécoupage des régions. Nous avions dit que ça tournerait à la comédie et ça se confirme.
L’essentiel est ailleurs et il faut le répéter. L’essentiel est le pouvoir que l’on donnera aux régions avec les moyens financiers, budgétaires nécessaires à une vraie régionalisation. Il faut aussi une réforme fiscale approfondie pour donner des ressources fiscales aux régions. (un précédent article explique comment nous voyons les choses, notamment l’organisation institutionnelle qui nous paraît répondre au besoin de représenter les territoires infrarégionaux). Une fois ceci dit et redit comme étant la base on ne peut que commenter le feuilleton du redécoupage. Si l’on voulait dévaloriser la Région on aurait pas pu trouver mieux que ce débat et ces cartes qui se succèdent.
Malades du centralisme
Nous sommes malades du bonapartisme, du centralisme. Il faut y ajouter un refus têtu de prendre en compte l’Europe. Qu’il est pénible d’entendre à longueur de discours qu’il nous faut des régions « fortes » des régions « puissantes ». C’est quoi ce discours ? Que veut dire « régions fortes ? ». Même si vous additionnez nos régions riches vous n’en faites que des régions croupions. Vous pouvez marier les unes avec les autres dans tous les sens ça ne représente rien à l’échelle de l’Europe. Alors oui, le spectacle peut continuer et bientôt le centre, l’État central, avec ses mauvaises habitudes sifflera la fin de la récréation, avec le soutien d’une administration centrale bien rodée à ce genre de sport. Et vous pouvez compter sur les médias parisiens pour folkloriser le débat et pour dire que vraiment ces « provinciaux » sont incorrigibles et qu’il faut les surveiller comme des enfants dans une cour d’école. De toute façon ils n’ont jamais su ce qui était bon pour eux et une fois de plus on va le leur dire !
Bref on en arrive à vouloir marier la carpe et le lapin donc à faire une carte d’Aquitaine qui englobe Poitou-Charentes et Limousin. Chacun dessine sa carte.
Nous ne pouvons que redire une fois de plus que le refus de tenir compte des affinités culturelles et linguistiques est d’une bêtise sans nom. C’est ignorer les territoires et leur culture politique, leur histoire. Et croire que tout cela n’a pas ou plus d’importance est une façon de nier l’histoire. C’est ignorer les comportements politiques, sociaux et culturels qui prennent encore plus d’importance en période de crise.
Tenir compte de l’envie de faire ensemble
Et cela ne signifie pas que l’on ne veut pas de solidarité ou de collaboration avec les autres mais cela signifie que l’on tient compte des affinités qui sont fruit d’un long parcours et qui sont des facteurs de dynamisme, d’envie de faire ensemble. Est-ce condamnable ? Cela ne signifie pas que l’on veut revenir en arrière comme certains le disent mais au contraire que l’on bâtit demain sur des réalités que d’autres veulent nier. Mais qu’ils disent pourquoi ils les nient pour certains et pas pour d’autres ! On ne touche pas à la Corse ? Pourquoi ? On ne veut pas d’une Bretagne avec Nantes dedans ? Pourquoi ? On veut marier l’Auvergne avec Lyon ? On ne veut pas reconnaître des entités qui ont une cohérence culturelle et linguistique ? Pourquoi ?
Parce que l’on a peur que la France éclate ! Mais c’est n’importe quoi !
Nous sommes encore dans le schéma de la méfiance, de l’absence totale de confiance. Et vous croyez que l’on bâtit un vrai contrat républicain avec ça ?
Quant à l’idée qu’il faut marier des riches avec des pauvres pour en faire des riches ça ne tient pas la route. Les régions ne mettront pas en place des frontières avec des barrières douanières et des octrois. Donc la circulation des marchandises, des personnes et des idées sera aussi libre qu’elle l’est aujourd’hui et qu’elle l’est d’ailleurs dans toute l’Europe. Ce ne seront pas des petits États puisque de toute façon nous serons encore bien loin de ce qu’est la réalité des régions d’autres pays européens.
C’est à se demander qui a vraiment envie de cette réforme.
Nous sommes quelques uns à la souhaiter, sincèrement, parce que nous sommes convaincus qu’elle pourrait être libératrice de forces d’innovation. Mais que l’on ne mette pas comme préalable implicite à cette réforme que de toute façon nous sommes incapables de gérer nos affaires sans qu’on nous tienne la main.
Quelle architecture institutionnelle ?
Cela amène à faire des propositions pour une nouvelle architecture institutionnelle. On peut imaginer que la région fonctionne avec deux assemblées afin que tous les territoires soient bien représentés, notamment les territoires ruraux, et afin d’améliorer la démocratie.
Nous souhaitons d’une part une assemblée citoyenne élue dans une circonscription régionale unique, telle que nous la connaissons aujourd’hui, d’autre part une assemblée représentant les territoires (les « pays», les nouvelles intercommunalités) issue, elle aussi, d’un vote de tous les habitants. Le gain démocratique est évident.
Ces deux assemblées, élues à la proportionnelle, seront sur un pied d’égalité et géreront les affaires de la région. Elles éliront un exécutif, distinct du bureau des assemblées, qui constituera gouvernement régional responsable devant les assemblées.
La simplification sera au rendez-vous. L’Aquitaine telle qu’elle est aujourd’hui compte cinq assemblées départementales et un conseil régional. D’un total de six assemblées, on passerait à deux assemblées seulement, avec un véritable gain démocratique et une compensation intelligente de la perte des conseils départementaux. C’est cette proposition que j’ai exprimée au nom du groupe au Conseil Régional le 12 juin dernier lors d’une plénière consacrée au sujet.
Quelle carte ?
Sur le redécoupage lui-même j’ai déjà eu l’occasion de dire que si l’on étendait la Région Aquitaine jusqu’aux portes de la Vendée c’était inacceptable.
La proposition de se tourner vers Midi-Pyrénées peut s’entendre. On peut aussi imaginer une Aquitaine actuelle avec en plus la Bigorre et le Gers. La collaboration avec Midi-Pyrénées sera de toute façon une évidence. Je pense qu’il faut à ce niveau voir ce qu’en pensent les intéressés.
Quant au reste il semble possible de marier le Limousin avec l’Auvergne. Je fais partie de ceux qui pensent que les régions occitanes ont une cohérence.
Je note aussi que cette réforme est l’occasion de créer une collectivité propre au Pays-Basque et une autre propre à la Catalogne-Nord. La forme est à étudier.
Mais la priorité reste de parler des pouvoirs et des moyens dont disposeront les régions.
– par David Grosclaude
Conseiller régional d’Aquitaine
Président du Partit Occitan
Membre du groupe EELV
le 17 juillet 2014