Ils nous détestent donc tant que ça !

Ils nous détestent donc tant que ça ! Cette phrase dans la bouche d’un « dirigeant » pour reprendre le terme de Macron, en dit long sur ce fossé à la profondeur abyssale qui sépare le peuple français de ceux qui sont en responsabilité au plan national. Ils savaient bien, les politiques, que leur popularité n’était pas au zénith, mais ils n’imaginaient pas que le rejet se situait à ce niveau. Ils viennent d’en prendre conscience à l’occasion des manifestations de gilets jaunes.

Cette phrase est d’autant plus percutante qu’elle traduit l’incompréhension d’un soulèvement, diront certains, d’une insurrection, diront d’autres. Ce sont des gens ordinaires, des gens du quotidien et pas des militants qui sont descendus dans la rue. Il est passé le temps d’analyser les motifs de ce ras-le-bol. Le fait est là, une grande colère, contenue depuis longtemps, s’exprime avec tant et trop de violence. Il ne faut pas la confondre avec un banal mouvement social. Elle est d’une autre envergure, peut-être un monde qui s’émiette.

Ceux qui sont visés par cette colère sont ceux qui n’ont pas compris cette souffrance qui, maintenant, se transforme en rage. Il y a d’abord les politiques de tous bords de tous niveaux, les syndicats considérés comme acquis au pouvoir en place et faisant partie de la même engeance, il y a les médias qui sont passés du rôle de contre-pouvoir à celui d’auxiliaire du ou des pouvoirs en place. Ils veulent être entendus et n’acceptent plus d’être laissés sur le bord du chemin. En réalité le dégagisme ne s’est pas arrêté à l’élection de Macron.

Les revendications qui foisonnent, paraissent pour certaines complètement utopistes, mais après tout ne faut-il pas mettre une dose d’utopie, d’illusion ? C’est la loi du genre. Il est étonnant de voir certains maires, qui se disent être des élus de proximité, ouvrir dans les mairies des cahiers de doléances pour recueillir les diverses revendications. Ces édiles proches du peuple ou revendiqués comme tels ne savaient donc pas qu’il y avait un tel malaise et que tout cela devait un jour ou l’autre exploser. Seraient-ils eux aussi, devenus autistes parce qu’enfermés dans leur tour d’ivoire. Il faudra leur appendre à pratiquer l’écoute de leurs concitoyens.

Parce que de l’écoute, il y en a de moins en moins. Au delà des comportements dénoncés, il y a sans aucun doute ce que l’on appelle maintenant la dématérialisation des relations humaines. A force de vouloir imposer, sous prétexte de simplification, le recours systématique aux communications par l’informatique, on a fini par déshumaniser le système. Combien de temps maintenant pour obtenir une carte grise, une carte d’identité, un passeport ou tout autre document officiel. Plus longtemps en tout cas qu’à l’époque où on était reçu par un fonctionnaire. Pourquoi, les banques qui vous font payer de plus en plus cher la gestion de vos comptes suppriment-elles des agences et dans celles qui restent, suppriment-elles les guichets d’accueil ? En plus de ces revendications portant sur le pouvoir d’achat, n’y aurait-il pas également cette forme de déshumanisation.

Actuellement, il n’y a pas en face de Macron d’alternatives crédibles. Le président de la République a reconnu, il y a quelque temps ne pas avoir réussi à réconcilier le peuple français avec ses dirigeants. Il lui appartient, de façon urgente, de faire en sorte que tout soit entrepris pour un réconciliation entre le peuple et ses gouvernants. La démocratie est à ce prix.

Pau, le 10 décembre 2018

par Joël Braud

Image : Le cri de Bernard Buffet