Bien connu à Pau et sur le plan national, Denys de Béchillon que notre publication a eu l’honneur de rencontrer par le passé, est professeur à la faculté de droit de Pau et agrégé de droit public. Dans le domaine constitutionnel, par ses réflexions, il a acquis plus qu’une réputation, il est certainement une référence. Le mardi 25 novembre 2014, invité par l’UDI locale, il planchait sur les sujets suivants : réforme de nos institutions, non cumul des mandats, vote à la proportionnelle.
En préliminaire, un certain nombre de constats s’imposent :
- 82 % des personnes interrogées estiment que les politiques n’agissent pas dans l’intérêt des Français,
- 96 % des Français sont contre le cumul des mandats,
- La réforme des institutions ne réglera pas les problèmes actuels,
- Il n’y a pas actuellement de majorité des 3/5ème au parlement pour engager une réforme de la constitution.
- Le mode de scrutin pour l’élection des députés n’est pas inscrit dans la constitution mais relève du domaine de la loi.
- Actuellement pour une réforme des institutions, nous ne disposons pas d’argent ni de consensus politique.
Sur les institutions en premier lieu.
On entend parler de la VIe République. La constitution de la Ve République ne mérite pas la critique qui lui est faite actuellement. Il s’agit de la meilleure constitution que nous n’ayons jamais eue. C’est sans doute la meilleure du monde. Grâce à elle nous sommes sortis d’un grand nombre de difficultés sans crise institutionnelle majeure. La guerre d’Algérie, mai 68 et plus récemment la crise que nous connaissons encore aujourd’hui. Elle permet un certain nombre d’adaptations dont la cohabitation. Cette cohabitation n’est d’ailleurs rien d’autre que la volonté des Français.
Quand on touche aux équilibres constitutionnels on ne sait jamais à l’avance ce que l’on fait et où l’on va. En matière constitutionnelle il faut en faire le moins possible autrement nous risquons l’aventure constitutionnelle.
La réforme de 2008, voulue par Sarkozy, a eu comme objectif de renforcer le pouvoir parlementaire. Le projet de loi porte sur le texte de la commission et plus sur le texte du gouvernement. Autrefois de Gaulle avait voulu qu’un projet de loi émanant du gouvernement soit discuté en commission et qu’ensuite ce soit le texte du gouvernement qui soit soumis au débat de l’Assemblée Nationale. Aujourd’hui, c’est le texte de la commission qui est soumis au vote des parlementaires. On s’aperçoit que c’est probablement une catastrophe. Le pilote ne peut pas être quelqu’un d’autre que le gouvernement. On a maintenant des textes qui sont mauvais, cela ne marche pas bien.
Enfin toujours sur la constitution, Denys de Béchillon considère que la réduction du mandat présidentiel du septennat au quinquennat est une erreur. On ne reviendra pas en arrière par référendum; il n’est pas envisageable que les électeurs veuillent augmenter la durée du mandat d’un président dont la cote de popularité est aussi faible.
Sur le cumul des mandats.
La règle du non cumul des mandats sera donc en vigueur en 2017. Elle présente certains avantages parmi lesquels, les parlementaires seront des spécialistes plus présents. Mais elle présente aussi des effets pervers. Il y aura un découplage avec les sénateurs, sur le plan pratique cela ne peut pas bien marcher. Un député ne pourra pas avoir un autre métier ce qui interdira le cumul professionnel. Par contre s’il est fonctionnaire, il sera protégé car assuré de retrouver son emploi à la fin de son mandat. Autre conséquence un député soumis au non cumul aura comme préoccupation essentielle sa réélection, celle-ci deviendra vitale car sa seule source de revenus. Il lui faudra donc être soumis à son parti s’il veut obtenir son investiture. Le clientélisme apparaîtra. Egalement son temps de présence locale sera en concurrence avec sa présence nationale.
A terme nous risquons de voir apparaître une homogénéisation des parlementaires. Les origines professionnelles seront moins diversifiées, ce qui n’est pas bon. On trouvera principalement des fonctionnaires et d’anciens attachés parlementaires.
Alors on parle du statut de l’élu. Il s’agit dans le projet d’un statut protecteur mais on ignore son contenu. Les français se méfient à ce sujet surtout à une époque de défiance vis-à-vis du monde politique.
Le scrutin proportionnel.
Denys de Béchillon l’affirme : « J’aime le scrutin majoritaire, il permet stabilité et pérennité ». Il conçoit bien sûr que pour les centristes ce système soit pénalisant. Le scrutin majoritaire c’est très bien lorsqu’on a une majorité. Aujourd’hui, on constate qu’il n’y a pas de majorité. On peut imaginer une coalition comme en Allemagne et en Angleterre. Mais, il le redit, il ne croit pas que la constitution de la Vème république soit compatible avec la proportionnelle. Avec une proportionnelle à 50 % il est certain de ne pas disposer d’une majorité. Sous la troisième et la quatrième République, l’instabilité gouvernementale tenait à la proportionnelle. Par ailleurs cette proportionnelle, n’est pas à son avis, compatible avec l’élection du Président de la République au suffrage universel.
Pau, le 29 novembre 2014
Par Joël BRAUD