Les réactions en tous sens aux révélations concernant un candidat désigné à la prochaine élection présidentielle justifieraient, semble-t-il, quelques réflexions sur le contrat d’attaché parlementaire.
En premier lieu, il conviendrait de rappeler que la création de ce nouveau métier ne remonte qu’à 1975 par imitation d’une pratique américaine. Encore un mimétisme pour tout ce qui vient des Etats-Unis, comme les « primaires » d’ailleurs, dont la perpétuation risque d’être compromise après les résultats qu’elles viennent de donner.
L’idée n’était pas innocente car ses promoteurs se sont bien gardés de l’encadrer et quelques quarante ans plus tard on en découvre la perversité.
La première question qui vient à l’esprit est de se demander pourquoi les parlementaires ont besoin de collaborateurs.
Pour lire la presse en leur absence (ils la lisent sur leurs téléphones ou tablettes) pour les représenter dans certaines manifestations (clientélisme), pour leur correspondance (le service existe dans chaque assemblée)… il suffirait d’une personne pour répondre au téléphone d’une permanence pas forcement ouverte tous les jours, ce qui pourrait être la contribution d’un conjoint aux besoins du foyer.
Or, retenons que le budget accordé aux parlementaires serait de 9561 € mensuels pour les députés et de 7593 € pour les sénateurs.
Les charges patronales sont assurées par des fonds publics et c’est là un premier vice, puisque si le montant du salaire qu’il consent à son attaché ne coûte rien au parlementaire, il influera sur la retraite, l’indemnité de chômage, bref sur tous les droits qui en dépendent. Le système permet d’être généreux, puisqu’il ne coûte rien au parlementaire. Mais il obère les finances du pays.
Deuxième vice, en corrélation avec le précédent, la liberté d’employer son conjoint ou tout autre membre de sa famille et, pour dissimuler un tel choix, la possibilité d’embaucher le conjoint ou un proche d’un collègue en échange d’une réciprocité. C’est l’embauche croisée.
Il existe, certes, un semblant de modération puisque le salaire d’un proche ne peut excéder la moitié de la dotation du député et le tiers de celle du sénateur, ce qui n’est pas rien au regard des chiffres précités.
Poudre aux yeux, puisque l’embauche croisée entre collègues permet d’outrepasser la limitation.
Mais la farce vient de ce que le système n’a rien à voir avec un véritable contrat de travail dont le critère principal est la subordination du salarié.
Comment le conjoint, le proche, peut-il être subordonné à celui qui l’a choisi dans un intérêt familial et lui fournir un revenu ?
Imagine-t-on un député, un sénateur privant son ménage du salaire de son conjoint ou un proche de revenus substantiels ?
Et un contrat de travail, c’est un horaire, une activité précise.
Rien de tel pour l’attaché parlementaire qui peut même exercer une autre activité rémunératrice.
De fait, aucun contrôle.
Comme pour l’indemnité mensuelle de représentation du parlementaire utilisable sans justification et non imposable, c’est la gabegie.
Alors, quelle solution ? Mettre un terme au système :
– en interdisant l’embauche de conjoint, partenaire de vie, enfant, allié,
– en limitant l’emploi à quelques heures par semaines,
– en encadrant le salaire puisque l’État assure les cotisations patronales outre les prestations attachées à l’importance de la rémunération ,
– en obligeant à la publication de l’identité du salarié et…
– en prévoyant des sanctions pénales et pécuniaires contre les contrevenants.
Mais qui osera le faire ? Sûrement pas ceux qui en bénéficient. Or, ils sont les seuls à détenir le pouvoir !
En fait, dans cette histoire comme dans d’autres tout ce qui est légal n’est pas forcément moral. Ce n’est pas de la corruption, mais ça s’en approche. Il en sera ainsi tant que la politique sera conçue comme une activité professionnelle, ce qui n’est pas le cas de toutes démocraties.
Pierre ESPOSITO
Avocat honoraire
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