La colère des gilets jaunes a été abondamment analysée par les commentateurs professionnels et les politiques. On sait qu’elle a des racines lointaines provenant du sentiment d’être oublié, alors que les « rentiers qui font leur fortune en dormant » ont été favorisés et que très peu a été fait pour taxer les grands groupes internationaux comme les GAFA qui ne paient pas les taxes qu’ils devraient payer.
Ce sentiment d’abandon se double parfois de l’impression d’avoir été trompé. Les automobilistes ayant acheté une voiture diesel se font fiés aux conseils des experts préconisant une motorisation plus robuste, plus économe (donc a priori moins polluante). De plus ils avaient la conviction de faire marcher l’économie du pays, la France s’étant fait une spécialité de cette motorisation. Il y a aujourd’hui un retournement en raison des particules fines ; mais pour ce qui est du dioxyde de carbone, il est douteux qu’une voiture consommant 4 ou 5 litres aux 100 kms pollue plus qu’un gros SUV ou qu’une grosse berline. Sans parler des camions. Pourtant, notre contrée est parcourue par des poids lourds se fournissant en gazole à un prix très bas et dont la qualité est vraisemblablement inférieure à celle que l’on trouve dans nos pompes. Aussi, si le but du gouvernement est de faire respecter l’environnement, il pourrait édicter une règle imposant que les poids lourds franchissant nos frontières ne renferment dans leurs réservoirs qu’une quantité limitée de carburant. Cela ne freinerait sans doute pas beaucoup les transports routiers à longue distance, mais cela aurait pour effet de répartir les prélèvements qui aujourd’hui ne portent que sur les automobilistes français. La pollution de ces transports internationaux, l’usure de nos chaussées, les ébranlements de nos ouvrages d’art ne sont pas pris en compte par ces transporteurs. L’idée peut paraître saugrenue, mais elle n’est pas plus bizarre que la limitation sur les paquets de tabac ou les litres d’alcool ; la dangerosité pour notre santé vaut pour les carburants comme pour l’alcool ou le tabac.
A ce propos, sait-on (si l’on n’assiste pas aux conférences des « idées mènent le monde ») que si la taxe carbone a effectivement bien augmenté lors de ces dernières années puisqu’elle atteint 44 euros la tonne en France en 2018, elle s’élève en Norvège à 130 euros la tonne. Ni la Norvège ni la Suisse, dont la taxe carbone est aussi fort élevée, ne sont des pays dont les habitants vivent mal, que je sache. Quant aux constructeurs automobiles qui ont trompé les acheteurs, ne serait-il pas sain qu’ils paient en France des pénalités comme ils ont dû le faire aux États-Unis ?
Si la voiture a une responsabilité importante dans la réduction des surfaces de terres agricoles et dans le développement urbain anarchique, il est d’autres facteurs du dérèglement climatique. Le kérosène brûlé par les avions, le fioul domestique consommé dans les logements mal isolés, le mazout des porte-conteneurs y contribuent aussi. Rénovons les logements insalubres ou mal isolés, n’enfilons nos gilets jaunes que pour enfourcher nos bicyclettes et nous faire un peu de bien par une activité physique. Encourageons mieux la recherche pour des solutions innovantes et des énergies alternatives. Le bon roi Henri voulait offrir aux Français une poule au pot hebdomadaire. Offrons-nous des pots catalytiques qui ne trichent pas, des batteries qui ne créent pas de dommages à l’environnement, des panneaux solaires qui préservent notre planète et un peu plus de solidarité qui réchauffe le cœur.
Paul Itaulog